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Histoire des Damels du Cayor 1700-1749.
André Brüe établit une relation de confiance avec la
Linguère Ngoné Dièye du
Royaume du Saloun, fondatrice de la dynastie maternelle Guedj (Géej) du
Cayor et du
Baol.
Pour établir une correspondance, elle lui envoya un jeune parent, en le priant de le garder auprès de lui, jusqu'à ce qu'il eût appris à parler et écrire la langue française. Ce jeune homme plein d'esprit et de bonne volonté, fut instruit en quelques mois.
André Brüe le fit habiller proprement et lui donna un fusil, un sabre, une sagaie, un coffre et des hardes pour le longtemps et le renvoya avec de très beaux présents.
Ils eurent une correspondance active et secrète.
Tandis qu'elle blâmait son fils le Prince
Lat Soukabé Ngoné Dièye 14ème
Damel du
Cayor, de ses excès et de ses emportements, elle lui demandait d'oublier ses injures et de pardonner ses fautes. Elle servait ainsi de médiatrice, et ses négociations furent souvent utile à
André Brüe, qu'elle considérait comme son enfant.
Lat Soukabé Ngoné Dièye, d'après
André Brüe, donnait des témoignages sincères d'amitié, mais ces démonstrations n'étaient qu'apparentes, il se plaignait de ses violences et de ses trahisons.
En 1701,
Lat Soukabé Ngoné Dièye fit dire à
André Brüe, qu'il se rendrait incessamment à
Rufisque avec un grand nombre de
captifs; que s'il voulait s'y trouver, ils oublieraient de part et d'autre les insultes passées; qu'ils feraient la paix; et qu'ils conviendraient d'un nouveau traité réciproquement avantageux.

Carte Sénégal 1690 (source: Gallica - BNF)
André Brüe fit porter avec lui les marchandises dont il croyait avoir besoin et se rendit à
Rufisque.
Lat Soukabé Ngoné Dièye accompagné de ses officiers, lui proposa d'aller prendre l'air à
Cheval, il accepta et accompagné de deux commis, ils allèrent à une lieue de
Rufisque, dans un village nommé
Teynier, où ils entrèrent dans une
Case pour se reposer.
Lat Soukabé Ngoné Dièye en sortit et pria
André Brüe de l'attendre un moment. Celui ci voulut le suivre, mais il trouva à sa porte son
Condy, lieutenant-général du
Damel, qui lui dit en le retenant, qu'il avait ordre de s'assurer de sa personne. Aussitôt ses hommes se jetèrent sur
André Brüe et ses commis et les désarmèrent.

Arrestation d'André Brue par le Damel du Cayor Gravure parue en 1802
Atlas pour servir au voyage du Sénégal de Jean-Baptiste-Léonard Durand (source BnF)
Au même moment, tous les français se trouvant à
Rufisque et au
Cap Bernard furent arrêtés. Toutes les marchandise et tous les meubles qui étaient dans la maison d'
André Brüe , jusqu'à ses habits et ceux des français furent pillés.
Lat Soukabé Ngoné Dièye l'accusait de chasser ou d'enlever les
vaisseaux étrangers venant traiter avec lui, et demandait une indemnisation de toutes les pertes qu'il avait éprouvés à cette occasion.
André Brüe était gardé à vue,
Condy lieutenant-général couchait dans la
Case, elle même gardée par 25 ou 30 hommes, et deux corps de garde placés à peu de distance.
Lat Soukabé Ngoné Dièye prososa aux membres de son Conseil de lui faire couper la tête, mais les plus sages pensant que cette action déclencherait une guerre avec les français, qui s'unissant avec leurs ennemis, ne manqueraient pas de désolé le Royaume, ils proposèrent un échange contre une rançon.
Lat Soukabé Ngoné Dièye envoya des émissaires sur l'
Île de Gorée, où les officiers français, réunissant leurs forces, se préparaient à les attaquer et délivrer
André Brüe.
Lat Soukabé Ngoné Dièye demandait, outre le
pillage qu'il avait fait des marchandises de la
Compagnie royale du Sénégal et des effets d'
André Brüe, tout l'
Or, tous les
captifs et toutes les marchandises qui se trouvaient dans les magasins de
Gorée et dans un
vaisseau qui venait d'arriver de
France.
Après négociation, et la présence de deux
vaisseaux français et quelques autres bâtiments qui vinrent mouillés à
Rufisque, la rançon fut fixé à, y compris le pillage de
Rufisque, 20,779
livres, en monnaie du pays, soit 7000
livres réelles, sans compter les pertes partculières d'
André Brüe,
Habits,
Argenterie,
meubles,
Bague et autres effets enlevés dans son logement, estimés à 6000
livres de
France.
André Brüe fut libéré après 12 jours, il se rendit à
Rufisque où il embarqua sur un
vaisseau de la
Compagnie royale du Sénégal, pour se rendre à l'
Île de Gorée.
La nouvelle de sa libération se répandit au loin et tout le monde s'empressa de le féliciter.
Brak et le
Siratique lui envoyèrent leurs principaux officiers avec des présents et des compliments; les
Bour-Bagenotof,
Maad a Sinig du
Sine,
Bour du
Saloum Sengane Kéwé Ndiaye les imitèrent.
Linguère Ngoné Dièye envoya son fidèle messager, pour lui assurer qu'elle avait en horreur la conduite de son fils
Lat Soukabé Ngoné Dièye, qu'elle avait partagée ses peines et n'avait rien négligé pour les faire cesser. Elle proposa sa médiation pour établir une paix ferme et solide entre la
France et le
Cayor
André Brüe n' en tint aucun compte, il fit garder les Côtes du
Cayor, afin qu'aucun bateau étranger ne s'en approcha, il fit enlevé tous les canots et pêcheurs qui en sortaient, prit des
esclaves, brûla des villages, et obligea les autres, sous peine de feu, de porter à
Gorée, tous les bois et l'eau dont la colonie avait besoin.
Le commerce se rétablit; les
esclaves, le
morfil (ivoire brut) et autres articles que les africains avaient à vendre, furent payés en marchandises, au prix ordinaire, de manière que
Lat Soukabé Ngoné Dièye qui voulait placer celles qu'il avait volées à des prix excessifs, ne trouve plus à s'en défaire qu' à vil prix.
Après huit mois de conflit, le
Damel du
Cayor souffrant et les peuples prêts à se soulever,
Lat Soukabé Ngoné Dièye envoya un Ministre à
Saint-Louis, pour prier
André Brüe de lui envoyer à
Cuba, où il séjournait, un commis nommé
Moreau qui parlait fort bien le
Guioloj, il y consentit en gardant le Ministre en
otage.
Moreau fut reçu d'une manière distinguée,
Lat Soukabé Ngoné Dièye lui fit l'accueil le plus amical. Il s'expliqua sur les motifs de sa conduite envers
André Brüe; il reconnut n'avoir jamais eu à s'en plaindre personnellement; mais il prétendit qu'une de ses femmes, trompée par un
chirurgien français, et
énivrée par des
drogues extraordinaires, avait eu avec ce particulier un commerce qui le déshonorait sa femme et lui; que ne pouvant s'en venger sur le
chirurgien qui avait disparu, il avait cru devoir étendre sa vengeance sur toute la nation, et particulièrement son chef
André Brüe; qu'au reste, comme il oubliait cet outrage, il fallait
André Brüe oubliât ce qui s'était passé, et qu'ils devînssent amis comme autrefois.
Tel fut, à son retour, le rappport de Mr
Moreau.
Le Ministre resté en
otage, fut chargé de porter la réponse à
Lat Soukabé Ngoné Dièye.
André Brüe lui fit dire que si le
chirurgien s'était réellement rendu coupable, c'était assez de l'en instruire pour obtenir une réparation éclatante; mais lui, ne pouvait, dans aucun cas, être responsable de la faute de son
chirurgien, et que le traitement qu'il avait éprouvé, était d'une rigueur sans exemple; qu'au surplus cette accusation, qu'il ne croirait jamais fondée, n'était qu'un prétexte ridicule; que cependant il vivrait avec lui en bon voisin, pourvu qu'il voulût éxécuté les traités avec plus d' exactitude qu'il n'avait fait et restituer ce qu'il avait enlevé à la
Compagnie royale du Sénégal et à lui-même, dont on lui envoya les mémoires. Il lui proposa de lui faciliter les moyens de s'acquitter, en consentant à ce que les français enlevassent sur ses terres, des
esclaves en nombre suffisant pour payer ce qui était dû.
Lat Soukabé Ngoné Dièye refusa cette proposition,
André Brüe ne s'y attendait pas, et envisagea de le faire enlever et l'envoyer travailler aux
Antilles. Les choses étaient disposées pour cet enlèvement quand il reçut des ordres pressants de repasser en
France, où la
Compagnie royale du Sénégal avait besoin de ses lumières et de ses conseils pour arrêter la déroute de ses affaire: il s'embarqua aussitôt.
Lat Soukabé Ngoné Dièye apprit avec un extrême plaisir le départ
André Brüe; il en témoigna la plus grande joie, et ce n' était pas sans raisons; car il était perdu sans ressources, si
André Brüe avait demeuré quelques temps de plus dans le pays.

Carte de l' Afrique de l' ouest en 1690 en multizoom - clic...
Le 6 avril 1706,
Michel Jajolet de la Courbe partit de
France avec deux vaisseaux pour remplacer
Jacques Joseph Lemaitre.
Il négocia avec le
Damel du
Cayor,
Lat Soukabé Ngoné Dièye, pour rétablir la paix. Il envoya une barque à
Galam, qui était évacué depuis 1702 et une autre à
Bissao; il entretint un commerce assez important à
Rufisque.
Le
Damel du
Cayor Meïssa Teinde Wedj se mit alors en campagne, il battit à
Sankhay Mbal son neveu qui se réfugia dans le
Saloum, et il se fit nommer
Damel-
Teigne du
Cayor.
Sur ces entrefaites, le Prince Dorobé-Madior,
Makhouredjia-Mbenda-Bassin-Sour, qui s’était réfugié dans le Foula, chez l’
Almamy, revint avec une armée de
Toucouleurs, pour prendre le pouvoir au
Cayor.
Le
Damel Meïssa Teinde Wedj courut à sa rencontre, et les armées s’affrontèrent à
Ndiang, village du
Ndiamboar près de
Louga. La bataille fut acharnée, mais les
Toucouleurs furent vaincus, et
Makhouredjia-Mbenda-Bassin-Sour périt dans les combats.
Son neveu le Prince
Mahaoua, un fils de
Lat Soukabé Ngoné Dièye qui était présent, se sauva dans le
Saloum, où il s’allia avec
Macodou, contre le
Damel Meïssa Teinde Wedj. Il lui laissa les troupes déjà réunies et partit demander de l’aide au
Bambouk et au
Khasso, ses tentatives demeurant infructueuses, il revint et fit sa soumission au
Damel-
Teigne Meïssa Teinde Wedj.
En 1748, un jour où il faisait chaud,
Mawa Mbathio Samb, fils de
Lat Soukabé Ngoné Dièye, se reposait sous un arbre touffu, avec à ses côtés un «Canari» rempli d’eau; quand un crapaud assoiffé vint en sautillant près du vase, et fit tous ses efforts pour parvenir à grimper au sommet afin de boire de l’eau.
Ce fut au bout de 2 ou 3 heures d’ efforts infructueux qu’il y parvint,
Mawa Mbathio Samb qui l’observait, se leva alors rayonnant, et dit à sa suite que ce crapaud lui avait donné une leçon salutaire, en lui prouvant qu’avec de la persévérance il était toujours possible d’arriver à son but.
Il retourna immédiatement dans le
Saloum se joindre de nouveau à
Macodou, et tous deux à la tête d’une armée, vinrent assiéger
Maka, capitale du
Cayor. Ils furent repoussés et forcés de se réfugier dans le
Djolof par le
Damel-
Teigne Meïssa Teinde Wedj, qui mourut quelques jours après.
Son neveu
Meïssa Bigué (Fall-Tié-Yacine de Sant, 3ème Gueidj de Khêt) fut nommé 16 ème
Damel du
Cayor. Et le titre de
Teigne du
Baol fut attribué à
Tié-Yacine.
Vers 1749, le
Brak du
Waalo,
Ndiak-Aram, successeur de son frère Yerim-Mbagnik, ayant à se plaindre du
Damel du
Cayor Meïssa Bigué, envoya dans le
Djolof, chercher les Princes
Mawa Mbathio Samb et
Macadou, leur promettant de les aider à conquérir le
Cayor.
Le
Damel Meïssa Bigué eut connaissance de ce projet, il rassembla une armée et pénétra dans le
Waalo. Arrivé à
Kokh, étang situé entre
Mall et
Ndakhar, il rencontra l’armée du
Waalo qui l’attendait. Il fut complètement battu, et son oncle
Fari-Kitang tué, et il rentra au
Cayor avec les débris de son armée.
Quelques mois plus tard,
Ndiak-Aram,
Brak du
Waalo, avec des forces considérables, entra à son tour dans le
Cayor, et battit le
Damel Meïssa Bigué à
Ndob, à
Ndiourki et à
Ndiamgil, et le força à quitter le pays, et donna le titre de 17 ème
Damel du
Cayor à
Mawa Mbathio Samb (Fall-Tié-Yacine de Sant, 2ème Dorobé de Khêt), fils de
Lat Soukabé Ngoné Dièye et frère du père de
Meïssa Bigué.
Quelques temps plus tard, le
Damel du
Cayor Mawa Mbathio Samb entra dans le
Baol avec son armée, chassa le
Teigne Tié-Yacine et se fit proclamé
Damel-
Teigne du
Cayor.
Tié-Yacine alla rejoindre
Meïssa Bigué qui avait sous ses ordres un parti assez puissant, dont les principaux chefs étaient son oncle
Tialao-Massamba-Dièy, chef de la province de Salao;
Diaoudine-Ndiéguène, chef des
Ndiéguène sous le règne de
Meïssa Bigué; et le
Diogomay-Ndiounob, Amar Oum Siré.
Tout ces Princes à la tête d’une armée, allèrent assiéger
Maka, capitale du
Cayor, et forcèrent le
Damel Mawa Mbathio Samb à abandonner sa résidence. En sortant de son palais, il aperçut à quelques pas
Tié-Yacine ancien
Teigne du
Baol et le tua.
Arrivé à
Ndiob, le
Damel-
Teigne du
Cayor,
Mawa Mbathio Samb réunit tout son monde, et parvint à chasser ses ennemis de village en village, jusqu’à la frontière du
Waalo, où les Princes alliés demandèrent du secours à
Ndiak-Aram,
Brak du
Waalo et au Roi des
Trarza.