Le radeau de la Méduse

Frégate la Méduse gravure de Jean-Jérôme Baugean

Frégate la "Méduse" gravure de Jean-Jérôme Baugean



Le 17 juin 1816 à 7 heure, après un traité complémentaire conclu le 20 novembre 1815, entre l' Angleterre et la France, prenant acte de l'abolition de la "Traite négrière" et mettant au compte de la France de lourdes charges financières ; une division navale composée de la corvette «l'Echo», commandée par le "capitaine de frégate" François-Marie Cornette de Venancourt, le brick «L'Argus» commandé par le lieutenant de vaisseau Léon Henri de Parnajon, la Flûte« La Loire », commandée par le lieutenant de vaisseau Auguste-Marie Gicquel des Touches et la "frégate" « La Méduse », commandée par le responsable de cette expédition, le "capitaine de frégate" Jean-Hughes Duroys de Chaumarey, quittent la baie d'Aix afin de reprendre possession du Sénégal.

A bord de la "frégate" « La Méduse », commandée par le "capitaine de frégate" Jean-Hughes Duroys de Chaumarey, avec sous ses ordres les lieutenants de vaisseau Jean Espiaux et Reynaud, les enseignes de vaisseau Lapeyrière et Maudet, un dénommé Richefort , le médecin chirurgien Jean Baptiste Henri Savigny ; se trouvent parmi les 400 personnes embarquées : le colonel Julien-Désiré Schmaltz, futur gouverneur du Sénégal, son épouse et sa fille ; Alexandre Corréard, ingénieur-géographe ; Charles Marie Brédif, ingénieur des mines ; la famille de Monsieur Picard, composée de 3 jeunes demoiselles, son épouse et 4 enfants en bas-âge, dont un bébé ; le bataillon d'infanterie du Sénégal, destiné aux garnisons de Saint-Louis et Gorée, à l'effectif de 160 sous-officiers et soldats, réparties en 3 compagnies et sous les ordres du commandant Poinsignon, 2 capitaines, 4 lieutenants et un détachement de 15 artilleurs de marine, et des civils destinés à peupler la colonie.

Le 2 juillet 1816 à 15 heure 15 (par 19°53'42'' de latitude nord et 19°20'34 '' de longitude ouest origine Paris ou 17°00'20'' origine Greenwitch), suite à l'inexpérience de son commandant Jean-Hughes Duroys de Chaumarey, qui s'en remettait entièrement à son second Richefort, un ancien officier militaire de marine, qui sortait des prisons anglaises, où il y était depuis 10 ans ; la "frégate" « La Méduse » s'échoua sur le banc d'Arguin. Après 3 jours de vains efforts pour le remettre à flots, l'eau ayant pénétré dans la cale, la bâtiment fut évacué par les passagers et l'équipage le 5 juillet 1816 vers 7 heure.

Naufrage de la frégate la Méduse sur les bancs d' Arguin

Naufrage de la frégate la Méduse sur les bancs d' Arguin



Le grand canot du bord de 14 avirons, où se trouvait 35 personnes dont le Gouverneur Julien-Désiré Schmaltz (qui s'y fit descendre dans un fauteuil fixé à l'extrémité d'un palan), sa famille et ses bagages, le commandant Poinsignon, le lieutenant de vaisseau Reynaud, l'enseigne de vaisseau Rang et Richefort, vint jeter une remorque à un radeau, construit avec divers éléments de la "frégate" « La Méduse » :

Plan du radeau de la Méduse

Plan du radeau de la "Méduse"

D'une longueur de 20 mètres sur 7 mètres de largeur environ, le radeau de la "Méduse" accueillait les militaires soit 122 hommes y compris les officiers de terre, 29 hommes, marins et passagers et une femme cantinière.
Pourvu d'une assez grande quantité de vin 6 barriques, 2 petites pièces d'eau, mais pas une seule barrique de biscuit. La farine en quantité déposée la veille fut jeté à la mer, lorsque après l'embarquement de 50 personnes, le radeau s'enfonça sous l'eau de 70 cm. Un sac de biscuits de 25 livres fut embarqué à la dernière minute et entièrement consommé dans la journée. Après le chargement de tout le monde soit plus de 150 personne, le radeau s'enfonçait dans l'eau de 1 mètre sur l'avant et l'arrière, les hommes serrés les uns contres les autres avaient de l'eau jusqu'à la ceinture.

Le canot major de 14 avirons, qui pouvait portée 50 personnes, et qui en reçut 42, dont l'enseigne de vaisseau Lapeyrière et la famille Picard (composée de 3 jeunes demoiselles, son épouse et 4 enfants en bas-âge) et le canot de 8 avirons, qui devait resté au Sénégal (Saint-Louis), chargé de 25 matelots dont l'enseigne de vaisseau Maudet ; jetèrent une touline à cette première embarcation, et les 3 canots, celui de 8 avirons en tête, remorquant le radeau prirent le large.

La chaloupe, en mauvais état et dépourvue de rames, avec 88 personnes à bord, dont le lieutenant de vaisseau Jean Espiaux, le lieutenant Paulin Etienne d'Anglas de Praviel, Charles Marie Brédif et la plus petite des embarcations, une yole, avec 15 personnes à bord, , étaient à une certaine distance et essayaient de retourner à bord.

Le commandant Jean-Hughes Duroys de Chaumarey, s'embarqua dans son canot de 12 avirons, qui pouvait porté 46 hommes, 27 matelots s'y précipitèrent et larguèrent les amarrages qui le retenait à la "frégate", sous les cris des hommes qui restaient à bord. Il rejoignit la chaloupe et leur donna l'ordre de se charger de la vingtaine hommes qui étaient resté sur la "frégate" « La Méduse » ; puis il rejoignit le radeau et prit la tête de ligne de la remorque.

La plus petite des embarcations, ne prit pas la remorque et se positionna en avant du convoi, afin de sonder.

Le lieutenant de vaisseau Jean Espiaux, qui commandait la chaloupe, après de longues manœuvres, parvint à regagner « La Méduse » et en compagnie de Charles Marie Brédif, ils y trouvèrent 60 personnes, dont le danger avait altéré la raison. Il fit embarquer les hommes qui étaient sur le pont. 17 hommes restèrent sur la "frégate" « La Méduse ». Selon un nommé Dalès, qui s'était caché avec 2 compagnons pour ne pas s' embarquer, 14 remontèrent de la chaloupe ne la trouvant pas susceptible de naviguer.

La chaloupe en mauvais, surchargée et faisant eau de toute part, rejoignit le convoi, elle se porta à la hauteur du grand canot où se trouvait le Gouverneur Julien-Désiré Schmaltz, qui refusa de prendre à son bord quelques hommes, afin de l'alléger.
Après avoir essuyer le même refus du canot major qui le précédait, elle se porta à la hauteur du 3ème canot, sous les ordres du lieutenant de vaisseau Maudet. Celui-ci très chargé et en mauvais état (la veille un de ses bordages avait été enfoncé par le radeau et une plaque de plomb colmatait la brèche), pour éviter le choc avec la chaloupe largua la remorque qui le reliait au canot major.
Ce dernier, à son tour se sépara du grand canot du Gouverneur Julien-Désiré Schmaltz. D'après l'officier qui le commandait, la touline avait été larguée par le grand canot du Gouverneur Julien-Désiré Schmaltz. Enfin celui-ci, après avoir remorquer seul le radeau largua l'amarre et l' abandonna.

Plus tard pour sa défense le Gouverneur Julien-Désiré Schmaltz l' expliqua ainsi : « Quelques hommes étaient sur le devant du radeau à l'endroit où était fixé la touline sur laquelle ils tiraient de manière à se rapprocher des embarcations ; ils en avaient tiré à eux plusieurs brasses ; mais une lame étant survenue, donna une forte secousse ; ces hommes furent obligés de lâcher ; les canots coururent alors avec plus de vitesse jusqu'à ce que l'amarrage fut tendu ; au moment où les embarcations en opéraient la tension, l'effort fut tel que la remorque cassa . »

Vers 16h le 5 juillet 1816, la chaloupe du lieutenant de vaisseau Jean Espiaux, arriva aux îles d'Arguin.

Dans la soirée, le grand canot du gouverneur Julien-Désiré Schmaltz et le canot du commandant Jean-Hughes Duroys de Chaumarey arrivent au Cap de Timiris.

Le radeau fut abandonné à 6 lieues de la "frégate" « La Méduse », les occupants étaient serrés les uns contre les autres, avec de l'eau jusqu'à la ceinture et avaient pour provisions un sac de 25 livres de biscuits, 6 barriques de vin, 2 pièces d'eau et de l'Eau de vie.

Dans la nuit du 5 au 6 juillet 1816, le radeau fut pris par une grosse mer, les occupants tombant les uns sur les autres, Jean Baptiste Henri Savigny, aidé par quelques personnes, plaça des filières afin d'avoir des points d'appui pour résister à l 'effort des lames. En milieu de nuit, des grosses vagues déferlèrent sur le radeau, soulevant les occupants du radeau et menaçant de les entraîner.
Au matin du 6 juillet 1816 vers 7 heure le vent souffla avec moins de fureur, un décompte fit état de la mort ou la disparition d'une vingtaine de personne. La journée fut belle et la tranquillité régna sur le radeau. A l'approche du soir, le découragement s'empara des hommes, le ciel se couvrit d'épais nuages et le vent se déchaîna et souleva la mer.

Le 6 juillet 1816 dans la matinée , la corvette « L'Echo », commandée par le "capitaine de frégate" François-Marie Cornette de Venancourt, arrive en rade de Saint-Louis.

Le 6 juillet 1816 vers 8 heure, la chaloupe du lieutenant de vaisseau Jean Espiaux, arriva à terre, au niveau du Cap Mirick à 80 ou 90 lieues de Saint-Louis, elle débarqua à 8 lieues au nord des Mottes d'Angel, 63 hommes, dont le lieutenant Paulin Etienne d'Anglas de Praviel, la femme d'un caporal, et l'adjudant Petit, à qui le groupe à l'unanimité, confia le commandement. Avec armes et provisions, celui-ci devaient faire route à pied vers Saint-Louis, en longeant la côte.
A midi, la chaloupe retrouva le canot major, le canot du sénégal et la yole, qui méfiants, refusèrent tout d'abord de s'approcher. La mer devenant grosse, la yole en difficulté aborda la chaloupe et tous les occupants furent hissés à bord.

Dans la nuit du 6 au 7 juillet 1816, des montagnes d'eau déferlèrent de l'arrière a l'avant du radeau, obligeant les hommes à se tenir au centre, ceux qui ne purent le gagner périrent tous. Au centre la concentration était tel, que des personnes furent étouffées par le poids des autres leur tombant dessus. Pour faire opposition aux lames qui venaient par le travers, et soulevaient le radeau perpendiculairement à la mer, les hommes se précipitaient sur le côté soulevé pour faire opposition.

Les soldats et matelots se croyant perdus, résolurent d'adoucir leurs derniers moments, en buvant jusqu'à perdre la raison. Ils se précipitèrent sur un tonneau qui était au centre du radeau, y firent un trou et à l'aide de gobelet en fer blanc, burent jusqu'à ce que l'eau de mer embarquée par le trou, gâta la boisson. L'alcool ne tarda pas à faire son effet, perdant la raison, ils décidèrent de se débarrasser des chefs et de couper les amarrages qui tenaient le radeau, afin de mettre un terme à leurs vies et d'entraîner tout le monde. Les officiers et les passagers, soit une vingtaine de personnes, se défendirent, et la lutte s'engagea à l'arme blanche (couteau, hache, épée, sabre, baïonnettes) et au pistolets. Il y eut deux assauts très violent, puis vers minuit les soldats s'apaisèrent et demandèrent pardon. Après une heure de tranquillité, les soldats se soulevèrent de nouveau, ceux qui n 'avaient pas d'armes cherchaient à déchirer avec leurs dents, de nombreuses personnes furent mordues cruellement.

Le radeau de la Méduse - (Collection de la BnF - Licence ouverte)

Le 7 juillet 1816 au matin, le radeau était jonché de cadavres, 60 à 65 hommes avaient péries pendant la nuit, dont une quart s'était noyé de désespoir. Parmi le petit groupe de défenseurs, il y avait 2 pertes et pas un seul officiers. Pendant la bataille deux barriques de vin et les deux seules pièces à eau furent jetées à la mer. Il ne restait qu'une barrique de vin pour une soixantaine de survivants, et aucune nourriture.
Tenaillés par la faim, ils se précipitèrent sur les cadavres, les découpèrent par tranches et les dévorèrent à l'instant. Beaucoup n'y touchèrent pas, presque tous les officiers furent de ce nombre. Certain essayèrent de manger des baudriers, des cuirs de chapeaux, du linge, un essaya même de manger des excréments, sans y parvenir. Mais voyant que cette affreuse nourriture avait redonné des forces à ceux qui l'avaient mangée. Ils se résolurent à la manger après l'avoir fait sécher pour la rendre un peu plus supportable au goût. Les hommes étaient extrêmement faible, la journée fut calme, le soir venu ils tentèrent de dormir debout, tant bien que mal, l'eau arrivant toujours jusqu'aux genoux.

Le 8 juillet 1816, le brick l' « Argus » commandé par le lieutenant de vaisseau de Léon Henri de Parnajon, arrive en rade de Saint-Louis

. Au matin du 8 juillet 1816, sur le radeau, une douzaine d'hommes étaient étendues sans vie, ils furent jetés à la mer, n'en réservant qu'un seul destiné à la nourriture. Vers 16 heures, un banc de poissons-volants passa, il en fut attrapé 300, qui furent stockés dans des barriques. Ils réussirent à établir un foyer pour les faire cuire, mais les portions étant si petites ils y ajoutèrent de la chair humaine. Celle-ci ainsi cuite, les officiers, la trouvant moins révoltante, en mangèrent pour la première fois. A compter de ce jour, ils continuèrent à en manger, mais sans la faire cuire, la barrique qui servait de foyer s'étant enflammée. Ce repas donna à tout le monde de nouvelles forces.

A 40 lieues de Saint-Louis, le canot major et celui du Sénégal, ont été obligés de faire côte le 8 juillet 1816 à 11 heure pour le premier et 17 heure pour le second, suite à une mutinerie. Voyant cela les matelots de la chaloupe exigèrent de débarquer. Lors de la manœuvre la chaloupe coula, mais personne ne périt. Les matelots avaient sauvé la baril d'eau et se le disputèrent. Puis, le groupe se mit en marche vers Saint-Louis. 30 mn plus tard, ils aperçurent le canot où se trouvait la famille Picard, composé de Monsieur, Madame, trois grandes demoiselles et quatre enfants dont un à la mamelle, qui vint s'échouer. Les officiers réunirent les équipages, au total 110 personnes, les rangèrent en ordre et firent route vers le Sénégal (Saint-Louis), sans ressources, assoiffés, affamés sans guide sur une côte peuplée de barbares. En s'enfonçant dans les terres, ils trouvèrent tout le long des côtes de Sénégambie, et en creusant le sable à 5 ou 6 pieds, une eau blanche saumâtre, qui sert de boisson ordinaire et les besoins domestiques dans cette contrée.

Dans la nuit du 8 au 9 juillet 1816, sur le radeau, des espagnols, des italiens et des africains, étant restés neutre dans la première révolte, et dont quelques uns s'étaient rangés du côté des officiers, formèrent le complot de les jeter à la mer. Un des marins resté fidèle et qui avait refusé de se joindre au complot désigna les coupables. Un espagnol armé d'un couteau, fut saisis et jeter à la mer, un italien armé d'une hache se précipita à la mer. Puis une lutte terrible s'engagea de nouveau. La cantinière fut jetée une seconde fois à la mer, elle l'avait déjà été avec son mari, lors de la première nuit d'émeute et sauvé par Alexandre Corréard. Cette fois ci Monsieur Coudin, aidé de quelques ouvriers l'en retirèrent pour prolonger sa vie de quelques instants.

Au matin du 9 juillet 1816, il ne restait qu'une trentaine de survivants, l'eau de mer avait enlevé l'épiderme de leurs membres inférieurs, ils étaient couverts de contusions et de blessures. Seul une vingtaine étaient capables de tenir debout et de marcher. Il restait à peine une douzaine de poisson et du vin pour quatre jours.

Vers 22 heure le 9 juillet 1816, deux embarcations de la "frégate" « La Méduse » : le grand canot du Gouverneur Julien-Désiré Schmaltz et le canot du capitaine Jean-Hughes Duroys de Chaumarey arrivèrent à Saint-Louis et montèrent à bord de la corvette « L'Echo » qui se trouvait dans la rade, ceux-ci avisèrent du naufrage de « La Méduse » deux commerçant de cette ville ainsi que le commandant anglais, le lieutenant-colonel Thomas Brereton, et s'entendirent avec eux sur les moyens d'assurer les recherches à faire entre Saint-Louis et Portendick , le dernier point où avaient été perdues de vue quatre embarcations emportant des naufragés.

Le 10 juillet 1816 dans l'après midi, la gabarre « La Flute », commandée par le lieutenant de vaisseau, Gicquel des Touches, arrive en rade de Saint-Louis.

Le 11 juillet 1816 le brick « L'Argus » sous les ordres du lieutenant de vaisseau de Léon Henri de Parnajon, quitte Saint-Louis pour porter secours aux naufragés de la « La Méduse ».

Le 11 juillet au matin, la troupe des occupants des canots, dont la famille Picard, aperçut le brick "L'Argus", qui croisait pour apporter des secours. Une embarcation leur fit parvenir des biscuits et du vin. Le soir, ils rencontrèrent un irlandais nommé Karnet, un capitaine marchand, qui en compagnie de quelques indigènes, habillé et parlant comme les Maures, venait de Saint-Louis pour leur porter secours.

Dans la journée du 11 juillet 1816, sur le radeau, deux soldats s'étaient glissés derrière la seule barrique de vin qui restait, l'avaient percée et en avaient bu le contenu à l'aide d'un chalumeau, furent pris et jeter à la mer. Dans la même journée un enfant de 12 ans nommé Léon périt également. Il ne restait que 27 personnes, dont 15 paraissaient pouvoir exister quelques jours. Ceux ci décidèrent, afin d'économiser le vin et jugeant leur état désespéré, de jeter les autres à la mer. Parmi eux la cantinière et son mari.
3 matelots et un soldat se chargèrent de cette tâche. Ceci fait toutes les armes, sauf un sabre, furent jetées à la mer.

Le 13 juillet 1816, les rescapés aperçurent un papillon blanc, des disputes se firent entre ceux qui le voyait comme un envoyé du ciel et ceux qui le convoitaient pour le manger. D'autres papillons arrivèrent ainsi qu'un goéland, ceux qui les persuada qu'ils étaient proche des côtes africaines.
Ils burent leurs urines et de l'eau de mer. Ils élevèrent au centre du radeau, un parquet où ils se rassemblèrent avec tous les effets qu'ils avaient pu récupérer.

Vers 19 heure le 13 juillet 1816, après 5 jours de marche dans le désert et de nombreuses péripéties et problèmes dues à leur rencontre avec des Maures, les équipages du canot major, du canot Sénégal, 25 hommes de la chaloupe et les 15 occupants de la pirogue, dont la famille Picard arrivèrent à Saint-Louis.

Le 14 juillet 1816, sur le radeau, alors qu'une violente dispute éclatait ; Clairet, Coudin, Charlot et un ou deux matelots ayant décidés de s' enivrer avec le reste du vin avant de mettre fin à leurs jours, une troupe de requins encercla le radeau pendant 3 jours, mais malgré de nombreuses tentatives, ils ne purent en tué aucun.

Le 16 juillet 1816, 8 hommes du radeau décidèrent de rejoindre la terre en chevauchant une jumelle (pièce de bois de 70 cm de large et 12 mètres de longueur, qui sert à renforcer un mât sur le point de rompre) équipée de planches clouées pour l'empêcher de chavirer et d'un mât avec une voile de 130cm sur 160cm, et une botte contenant du vin. Le départ était prévu pour le 16 juillet 1816. Les hommes à califourchon, les pieds dans l'eau, devaient rallier la terre, à l'aide d'avirons fait avec des douves de tonneau. Au premier essai, un matelot, voulant aller de l'avant à l'arrière, gêné par le mât, plaça le pied sur l'une des planches transversales, et le fit chavirer. Ils abandonnèrent ce projet et résolurent à attendre la mort sur le radeau.

Le 17 juillet 1816 au matin, après avoir partagé une partie du vin qui restait, ils aperçurent un vaisseau à l'horizon et reconnurent un brick à l'allure de ses mats. Pendant ½ heure ils tentèrent d'attirer son intention. Le brick disparut. L'abattement tomba sur les rescapés, ils se réfugièrent sur un parquet qu'ils avaient construit, firent une tente et se réfugièrent dessous pour ne plus voir ce qui les entourait, et graver sur une planche, un abrégé de leurs aventures, d'écrire leurs noms en bas de ce récit et de le fixé à la partie supérieur du mat.
Après 2 heures de réflexions, le maître canonnier Couriade voulut aller au devant du radeau, il sortit de dessous la tente et aperçut le brick qui a une demi-lieue faisait voile vers eux. Ils reconnurent « l' Argus », qui vint se mettre en panne à tribord et mit une embarcation à la mer pour recueillir les survivants.
Ceux ci étaient presque nus, le corps et le visage flétris de coups de soleil, les membres dépourvus d'épiderme, les traits hagards, les yeux caves et des barbes qui leur donnaient un air hideux, 10 des 15 survivants pouvaient à peine se mouvoir.

Le 17 juillet 1816, les rescapés du groupe de 63 hommes débarqués de la chaloupe, aperçurent le brick « L'Argus », qui croisait au large, mais celui-ci ne vit pas leurs signaux.
Au matin du 19 juillet 1816, ils rencontrèrent l'irlandais Karnet qui venait à leur rencontre pour leur apporter des vivres. Ils revirent « L'Argus ». qui leur envoya un baril de biscuits et de l'eau de vie. Ce fut Karnet, et le Prince maure Hamet et quelques autres, qui allèrent à la nage les chercher, les embarcations ne pouvant franchir les brisants. Le groupe était à 20 lieues de Saint-Louis et appris à ce moment le sort malheureux des occupants du radeau.

Le 19 juillet 1816 à 14 ou 15 heure, le brick "L'Argus" jeta l'ancre dans la rade de Saint-Louis, avec à son bord 15 rescapés du radeau de « La Méduse » sur les plus 150 qui furent abandonnés le 5 juillet 1816. Les survivants, le corps et le visage flétris de coups de soleil, les membres dépourvus d'épiderme, les traits hagards, les yeux caves, débarquèrent dans la soirée, cinq n'ont pu survivre et sont morts à Saint-Louis, il s'agit des sous-lieutenant Lozach et Clairet (décédé le 24-08-1816) ; du sergent major de Toulon Charlot, du maître canonnier Couriade et du soldat noir Jean-Charles.
Les survivants sont: Dupont, capitaine d'infanterie ; Lheureux, lieutenant d'infanterie ; Griffon du Bellay, ex commis de marine ; Coudin, élève de marine ; Lavillette, chef d'atelier ; Coste, matelot; Thomas, pilotin ; François, infirmier ; Alexandre Corréard, ingénieur-géographe  et Jean Baptiste Henri Savigny, chirurgien, qui firent un récit de leurs mésaventures en 1817 et 1821.

Le radeau de la Méduse - (Collection BIU Santé - Licence ouverte)

Le 22 juillet 1816 vers 19 heure, le lieutenant Paulin Etienne d'Anglas de Praviel, accompagné d'un marabout nommé Abdalla, arrivèrent au petit village de Guetendar sur la pointe de Barbarie, situé en face de Saint-Louis. Un lapto lui offrit sa pirogue pour la rejoindre. Il venait en avant garde du groupe de 63 personnes débarquées par la chaloupe de la « La Méduse », commandée par lieutenant de vaisseau Jean Espiaux, le 6 juillet 1816 vers 8 heure, au niveau du Cap Mirick à 80 ou 90 lieues de Saint-Louis et à 8 lieues au nord des Mottes; qui arriva le lendemain 23 juillet 1816 vers midi. Sur les 63 personnes, 54 hommes arrivèrent à Saint-Louis. Cinq hommes et une femme avaient péris ; des 3 hommes qui s'étaient égarés en débarquant : les naturalistes Kummer et Rogery, recueillis par le Prince Trarza Muhammad, fils du Roi Zaïde, arrivèrent la veille.

Portrait du roi Zaïde - Naufrage de la frégate La Méduse faisant partie de l'expédition du Sénégal (Collection BIU Santé - Licence ouverte)

Le dernier, un militaire passa un mois à errer de tribu en tribu avant de rejoindre Saint-Louis.

Le Gouverneur Julien-Désiré Schmaltz engagea des pourparlers avec le gouverneur anglais Thomas Brereton, afin de reprendre possessions des établissements français, ce dernier refusa sous prétexte qu'il n'avait reçu aucun ordre à cet effet. Le 24 juillet 1816, devant ce refus le Gouverneur Julien-Désiré Schmaltz alla s'établir avec les rescapés au camp de Daccart sur la presqu'île du Cap Vert, où le chef Mothar Diop lui accorda l'hospitalité, et continua ses pourparlers et démarches qui aboutirent le 25 janvier 1817.

Le 26 juillet 1816, le gouverneur Julien-Désiré Schmaltz envoya une goélette commandée par le lieutenant de vaisseau Renaud. Des plongeurs africains et quelques passagers composaient l'équipage. Avec des provisions pour 8 jours, elle avait pour mission de retrouver les 100.000 francs écus, qui se trouvaient toujours à bord de la "frégate" « La Méduse ». Ayant éprouvée des vents contraire, elle rentra au port, après avoir lutté inutilement pendant 7 ou 8 jours pour se rendre à son bord.

Vers le 2 ou 3 août 1816, cette goélette repartit de nouveau, après avoir pris 25 jours de vivres. Mais la voilure étant très délabrée, celle-ci, sous je coup d'un fort coup de vent fur entièrement hors d'état de servir.

Le 16 août 1816, 12 des 17 hommes abandonnés sur la "frégate" « La Méduse », se voyant à la veille de manquer de tout, construisirent un radeau afin de gagner la terre. Ils ne parvinrent pas, les restes de leur radeau fut retrouvés sur les côtes du Sahara, par des Maures, sujet du Roi Zaïde.

Quelques jours après, une matelot, qui avait refusé de s'embarquer sur ce radeau, voulut aussi gagner la terre en s'embarquant dans une cage à poule. Il fut submergé à une demi-encablure de la "frégate".

Vers le 17 ou 18 août 1816, après 15 jours de navigation pour tenter de rejoindre la "frégate" « La Méduse », la goélette revint à Saint-Louis, où après 10 jours consacrés au changement de voilure, les 2 goélettes de commerce « Isabelle » et « Xomba », repartirent et rejoignirent « La Méduse » 52 jours après son abandon.
Soit le 26 août 1816, sur les 4 derniers hommes qui restaient à bord, un venait de mourir quand la goélette arriva. Les 3 survivants ne disposaient plus que d'Eau de vie, de suif et de lard salé. Ils vivaient séparément et à chaque rencontre, couraient les uns sur les autres en se menaçant de coups de couteau.

Les goélettes se déclarèrent corsaire, et mirent au pillage tous les effets qu'ils purent attrapés. Ils sabordèrent la "frégate" et par cette ouverture récupérèrent les farines, du vin et de nombreux objets. Le lieutenant de vaisseau Renaud, enleva pour son profit, plusieurs malles et quatre hamacs contenant toutes sortes d'objet. A son retour à Saint-Louis, les survivants de la « La Méduse » ne purent récupérer leurs biens personnels, et apprirent le sens des mots « bonne prise ». Le lendemain la ville fut transformé en foire publique qui dura 8 jours. Là fut vendu les biens appartenant à l'état et à ceux qui avaient péri et ceux qui étaient encore en vie (ameublement, pavillons de bord, vêtements, gréement et voilure de la "frégate", draps de lit, cadres, hamacs, couvertures, livres, etc...).

Quelques jours plus tard, les commerçants de Saint-Louis furent autorisés à se rendre à bord de « La Méduse » avec leurs vaisseaux, à conditions de faire l'armement à leurs frais et que tout ce qui pourrait être sauver devraient être partagés en deux portions égales, dont une reviendrait au gouvernement. Quatre goélettes partirent de Saint-Louis, elles rapportèrent une grande quantité de barils de farine, de viandes salées, de cordage, de voiles, etc.. Cette expédition fut terminée en moins de 20 jours. Contrairement à la goélette de Renaud, ces vaisseaux se montrèrent généreux et restituèrent leurs objets personnels et effets, aux naufragés qui en firent la demande.

Le 1er octobre 1816, le gouverneur anglais, ordonna aux quelques officiers et soldats français de terre et de mer de quitter Saint-Louis et de se rendre au camp de Daccard.

Le 24 octobre 1816, le mât d'artimon de « La Méduse », qui avait été coupé lors d'une expédition et abandonné faute de pouvoir l'embarquer ; porté par la mer, arriva sur la côte vis à vis de l'île Saint-Louis. Les habitants de Guélandar le tirèrent et le ramenèrent dans l'île.

Le 20 novembre 1816 Monsieur Mac Carthy, gouverneur-général des établissements anglais, autorisa le gouverneur français Julien-Désiré Schmaltz à s'installer où il le souhaitait, Celui-ci choisi Saint-Louis

Ce naufrage indépendamment des approvisionnements et du matériel qui ne purent être utilisés, privait la Colonie des premiers fonds que l'Etat lui envoyait : 90.000 ou 100,000 francs d'écus, contenus dans des barils qui ne purent être enlevés des soutes.

Le radeau de la Méduse tableau peint en 1919 par Théodore Géricault

Le radeau de la Méduse tableau peint en 1819 par Théoddore Géricault (Musée du Louvre)


Sources Gallica-BNF:
Relation du naufrage de la frégate "La Méduse" par Corréard et Savigny 1817
Naufrage de la frégate "La Méduse" par Paulin Etienne d'Anglas de Praviel 1818
Naufrage de la frégate "La Méduse" par Corréard et Savigny 1821
Naufrage de la frégate "La Méduse" par Charlotte Adélaïde Picard 1824

Clic pour visionner l'intégralité du reportage Arte sur le radeau de la Méduse