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Histoire des Damels du Cayor 1750-1799.


Vers 1757, le Damel-Teigne du Cayor Mawa Mbathio Samb se rendit dans le Baol pour punir un de ses captifs nommé Mbissane-Ndangane qui désolait tout le pays par ses vols et ses rapines. Lorsqu’il arriva à Lambaye, résidence ordinaire de Mbissane-Ndangane, celui-ci effrayé, se cacha derrière une «tapade», et au moment où il vit qu’il allait être découvert, il se jeta sur le Damel-Teigne Mawa Mbathio Samb et le tua d’ un coup de sagaie. Avant de mourir il fit appeler son neveu Birame Codou Kor Ndoumbé (Fall-Madior de Sant, 3ème Dorobé de Khêt), qui devait lui succéder et lui dit qu’il devait se contenter du titre de 18 ème Damel du Cayor, et laisser nommer Teigne du Baol, Macodou Coumba Diarine, qui lui était toujours rester fidèle depuis leur exil commun dans le Saloum.

En 1758, Meïssa Teinde Wedj, ancien Damel-Teigne du Cayor, impatient des lenteurs que mettaient Ndiak-Aram, Brak du Waalo et le Roi des Traza à lui donner les secours promit, réunit son monde et pénétra au Cayor à marches forcées.
Le Damel Birame Codou Kor Ndoumbé, qui voyageait dans le Cayor pour se faire connaître de son peuple, se trouva inopinément à trois ou quatre lieues de ses ennemis. Les Diambours lui firent dire, qu’ils se réunissaient à Mboul et le prièrent de venir se mettre à leurs têtes afin de repousser l’ennemi, mais le Damel Birame Codou Kor Ndoumbé répondit qu’une bande de révoltés errants ne le ferait jamais déranger de sa route; qu’il continuait son voyage avec les braves qui l’accompagnaient, et qu’il se ferait tuer plutôt que de subir la honte de tourner le dos à Meïssa Bigué Ngoné, et demanda qu’ils le rejoignent en hâte.
Le lendemain, ne voyant arriver aucun renfort, le Damel Birame Codou Kor Ndoumbé se résolut à combattre avec le peu de monde qu’il avait. Il fit des prodiges de valeur, tua de sa propre main Tialao Massamba Diey, et fit longtemps, à lui seul, reculer ses ennemis; enfin voyant tous les siens tués, il alla se coucher au pied d’un baobab et attendit. Yougo-Fali empêchant ses hommes de s’approcher en leur criant que le Damel Birame Codou Kor Ndoumbé avait ses armes encore chargées, celui-ci leva ses pistolets, les déchargea en l’air et les jeta au loin. Ses ennemis se précipitèrent sur lui et le tuèrent à coups de crosse.
L’armée que les Diambours avaient réunie arriva le lendemain, et au lieu de combattre, ils reconnurent pour la seconde fois, Meïssa Bigué Ngoné comme Damel du Cayor.

En 1759, après un an de règne, le Damel du Cayor, Meïssa Bigué Ngoné, croyant son autorité suffisamment établie, voulu chasser du pays le Diaoudine Mboul Sakha, qui avait donné à Birame Codou Kor Ndoumbé, le précédent Damel, le conseil de venir à Mboul prendre le commandement de son armée. Diaoudine Mboul Sakha réunit un grand nombre de partisans, et ouvrit les portes du Cayor au Bourba Djolof Biram Yamb, qui battit, à Bittiou le Damel Meïssa Bigué Ngoné, qui se réfugia une seconde fois chez Ndiak-Aram, Brak du Waalo.
Pendant un an, le Cayor redevint tributaire du Bourba Djolof, puis en 1760, le Damel en exil Meïssa Bigué Ngoné reçut de Ndiak-Aram, Brak du Waalo et du Roi des Trarza, des secours considérables, il entra au Cayor, rencontra l’armée du Bourba Djolof à Mba, entre Goufo et Gatty Ngaraf; la mit en fuite et le Bourba Djolof Biram Yam fut tué. Meïssa Bigué Ngoné, fut reconnu pour la troisième fois Damel du Cayor.

En 1763, à la mort du Damel Meïssa Bigué Ngoné, Madior Dior Yacine Isseu (Fall-Madior de Sant, 4ème Gueidj de Khêt), fils de Birame Codou Kor Ndoumbé, lui succéda comme 19 ème Damel du Cayor.



En 1763, Poncet de la Rivière négocia avec le Damel du Cayor (Meïssa Bigué Ngoné, la cession de la péninsule du Cap-Verd depuis le Cap-Manuel jusqu’au Cap-Bernard. Là se trouvaient les villages de Dacart et de Ben.
En 1765, ce traité était renouvelé entre Poncet de la Rivière et le Damel Madior Dior Yacine Isseu.

Extrait Carte du Sénégal dressée en 1750 par Sorel

Carte Sénégal dressée en 1753 par Sorel Source Gallica - BNF Clic...



En 1765, ce traité était renouvelé entre Poncet de la Rivière et le Damel Biram Codou Ndoumbé.

En 1766, la Damel du Cayor, Madior Dior Yacine Isseu déclara la guerre à Ndiak-Aram, le Brak du Waalo, celui-ci pénétra dans le Waalo, battit Madior Dior Yacine Isseu à Khatta et l’obligea à quitter le pays. Ensuite il fit appeler Macodou Coumba Diarigne (Fall-Tié-Ndella de Sant,5ème Guedj de Khêt), Teigne du Baol et le fit nommer 20ème Damel-Teigne.
Une fois Ndiak Aram, le Brak du Waalo partit, Madior Dior Yacine Isseu, qui s’était réfugié dans le Saloum, revint au Cayor avec ses partisans, et le chassa de Khandane, la capitale choisi par le Damel-Teigne Macodou Coumba Diarigne. Celui-ci se retira à Nguiguis pour réunir son monde. Madior Dior Yacine Isseu se sachant incapable de résister, évacua Khandane et reprit le chemin du Saloum. Le Damel-Teigne Macodou Coumba Diarigne se mit à sa poursuite et l’atteignit à Satesse Laa, village du Baol, où il tua la plupart de ses gens, mais son fils fut tué dans le combat.

En 1777, à la mort du Damel-Teigne Macodou Coumba Diarigne, son neveu Birahima Fatim Penda (Fall-Tié-Ndella de Sant, 6ème Gueidj de Khêt), fils de sa soeur Fatim-Penda, lui succéda comme 21ème Damel-Teigne du Cayor. À peine élu, il exila son neveu Amary Ngoné Ndella Coumba et le força à résider dans le Waalo. Sous son règne, la coutume payé par la Compagnie à Saint-Louis, pour favoriser la Traite négrière, était de 3.589 Livres 15 sous 6 deniers.

Dans les premiers jours d'avril 1785, Jean-Baptiste-Léonard Durand fit le voyage de Podor, dans l'intention de prendre connaissance du poste, de s'assurer le cours de la rivière, de parcourir ses rives, et d'assister à la traite de la gomme, en parle ainsi :
« Avant d'arriver à Todd, et à quelques lieues de cette île, j'aperçus, sur la rive gauche, une nombreuse cavalerie, et j'appris bientôt que le roi Brak me faisait demander des chaloupes pour venir à bord du bâtiment.
Je fis partir deux petits canots ; ils conduisirent le roi, cinq de ses ministres et quatre musiciens. Dès que le prince fut en rivière, je le fis saluer de neufs coups de canon ; je lui donnait la main pour monter à bord, et lui rendis les honneurs que je crus pouvoir le flatter. Le roi était vêtu d'une chemise blanche qui descendait jusqu'aux genoux, et qui était serrée par une écharpe rouge ; il portait par dessus une espèce de tunique jaune, large et flottante ; sa tête et ses jambes étaient nues ; il avait à ses pieds des pantoufles jaunes ; sa suite était vêtue suivant l'usage du pays.
Je conduisis le roi sous une tente placée sur le pont du bâtiment : là, assis et couverts, nous nous fîmes beaucoup de compliment et des protestations d' amitié ; je lui offris des rafraîchissement qu'il accepta : on lui servit du vin de Bordeaux dont il ne voulut pas boire. Il me fit demander de l'Eau-de-vie : je donnais mes ordres, et sur le champ on apporta plusieurs flacons de cette liqueur ; il en but quatre grands verres en très peu de temps, et ne mangea presque rien ; au cinquième il perdit la parole, et le sixième l'endormit profondément. Ses ministres et ses musiciens furent très sobres ; ils burent peu.
Le roi, dans cette état d'assoupissement, était entouré de sa suite ; les uns cherchaient à rafraîchir l'air en agitant au dessus de sa tête et en tous sens une pagne violemment secouée par des bras nerveux. Cette manière de vibrer l'air pour le rendre plus frais, est d'un usage général dans le pays ; les autres étaient occupés à éloigner de sa personne les mouches qui pouvaient le piquer, et troubler ainsi son sommeil.
Je m'amusais beaucoup de cette farce ridicule, lorsqu'on vint m'avertir que le dîner était servi. J'invitais les ministres à me suivre, mais ils ne voulurent pas quitter leur maître. Je me mis donc seul à table. Peu de temps après sa majesté s'éveilla ; elle demanda à me voir : on lui dit que je dînais. Sans moi, répondit-elle : ce blanc est bien malhonnête. Elle se leva, et descendit dans la chambre où le couvert était mis, monta sur une chaise, sauta de l'autre côté, fut s'asseoir sur une des fenêtres, et plaça ses pieds sur la table.
Dans cette posture, qui me fit beaucoup rire, le roi reçut ce qu'il parut désirer ; mais pour boire il demanda encore de l'Eau-de-vie ; je lui en fis donner tant qu'il voulut, et pour la seconde fois il en bu tant, qu'il tomba ivre mort dans l' embrâsure de la fenêtre.
Ses ministres l'enlevèrent pour le porter sur le pont, en le passant par dessus la table. Sa majesté n'était pas tellement endormie, qu'elle ne témoignât ses regrets de la quitter ; elle fixa un lièvre, le pris par la tête, et l'emporta avec elle ; il me semble encore la voir tenant, pour sceptre, un lièvre à la main.
Après mon dîner, extrêmement gai, je montai sur le pont pour savoir des nouvelles de sa majesté. Je la trouvai un peu remise de son étourdissement ; nous causâmes quelques instants sur les avantages de nos relations commerciales. Enfin il fallut nous séparer : je lui fis les présents d'usage, dont elle parut satisfaite, et je n'oubliai pas d' augmenter la dose d'Eau-de-vie ni les dons que les ministres et les musiciens pouvaient attendre de moi. Tout le cortège me fit des remerçiments, et nous nous séparâmes les meilleurs amis du monde.
À quelque distance du bâtiment, je fis encore saluer le prince de neufs coups de canon : et lorsqu'il fut rendu à terre, je le vis monter à cheval, se mettre à la tête de sa troupe, et prendre bravement la route de son village.
Le soir causant avec ses ministre, le roi voulu savoir ce que je leur avais donné. Chacun lui rendit compte, et tous convinrent qu'ils avaient reçu, entre autres choses, une portion assez forte d'Eau-de-vie. Il voulut la diminuer pour augmenter la sienne. Un seul méconnu ses ordres, et refusa d'y obéir, il le fit arrêter sur le champ, celui-ci résista et fut blessé de plusieurs coups de couteau à l'épaule gauche. Le lendemain, dès le matin, ce ministre de la veille, homme de vingt-cinq à trente ans, d'une belle figure, grand, robuste et bien fait, fut conduit à mon bord chargé de fers, et vendu pour cent barres, 480 francs.
Je fus touché de la disgrace de ce malheureux. Il versait quelques larmes ; je crus devoir les essuyer, et je parvins à les tarir. Je le fis conduire à l'île Saint-Louis : on pansa ses blessures, qui furent bientôt cicatrisées. Dans la suite ses amis vinrent le réclamer ; je le rendis à sa famille et à la liberté ; il se retira dans le royaume du Cayor.
Le Royaume des Foules ou Poules , qui vient après celui de Hoval, commence à l'île morfil, sur la quelle est située le fort du Podor. Il est gouverné par un prince nommé Siratik : c'est encore un nom de dignité, auquel de roi ajoute celui de sa famille. Cet état est bien plus grand que le royaume précédent : il s'étend sur les bords de la rivière, dans une longueur d'environ de 200 lieues, jusqu'au Royaume de Galam : sa largeur est inconnue.

Carte des peuples du Sénégal, pour servir à l' intelligence de leur histoire dressée par D. Boilat en 1853


Carte des peuples du Sénégal, pour servir à l' intelligence de leur histoire dressée par D. Boilat en 1853

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Le Siratik est bien plus puissant que le Brak (Fara Penda Tegg Rella Mbodj), il a une cavalerie plus nombreuse. Ses États sont divisés en plusieurs province, et chaque province est gouverné par un lieutenant qui commande les milices ; il a un pouvoir absolu.
La couronne chez les Foules, est héréditaire ; elle passe au fils aîné s'il est marié à une princesse du sang royal : dans le cas contraire, elle est dévolue au frère aîné du roi ou à son neveu. En cas de contestation, et ces cas arrivent souvent, les grands se réunissent, et élisent un roi qu'ils ne peuvent prendre que dans la famille régnante.
Ce pays était gouverné par un Marabout noir, nommé Almany Abdulkader (Abdoul Kader Kane). Ce Prince avait une très grande réputation de sainteté et de valeur ; il avait un empire absolu sur ses sujets et même sur les États voisins : on venait de toutes parts acheter ses « Gris-gris » et lui baiser les pieds.
Il eut à craindre d' Alikoury, prince maure, roi des Trarzas ; il marcha contre lui avec une armée nombreuses, il traversa les États d'Amet Mocktard, autre prince maure, roi des Brackna ; fit alliance avec lui, et arriva enfin sur les terres d'Alikoury. Le Prince maure se présenta avec courage , combattit valeureusement et fut tué. L'Almany (Abdoul Kader Kane), victorieux, rentra dans ses États, plus puissant et plus révéré que jamais.
Alikouty était chez moi à l'île Saint-Louis, lorsqu'il fut instruit de la marche d'Almany ; il parti sans être troublé et sans se dissimuler le danger dont il était menacé ; il me fit ses adieux. C'était un brave homme qui prévoyait sa destinée ; il aurait pu l'éviter en s'enfonçant dans le désert ; mais sa fuite eût été une lacheté ; il préféra la mort.
Dans la suite, Damel (Birahima Fatim Penda), roi du Cayor, déjà jaloux de la puissance de l' Almany (Abdoul Kader Kane) et de son influence sur les autres États, en fut outragé et personnellement insulté. En rétablissant la vérité des faits, voici de quel manière on raconte cette aventure. Almany (Abdoul Kader Kane) ne mettait plus de bornes à la domination qu'il avait usurpée ; ses succès et les flatteurs qu'il écoutait avec plaisir, lui firent perdre la tête.
Un jour il envoya au Damel (Birahima Fatim Penda), un ambassadeur, suivi de deux hommes qui portaient chacun un grand couteau fixé au sommet d'une grande perche. Admis avec sa suite à l'audience du Damel (Birahima Fatim Penda), l'ambassadeur exposa les intentions de son maître, et lui fit présenter les emblèmes de sa mission.
Les deux couteaux furent mis devant le Damel (Birahima Fatim Penda), et l'envoyé lui dit :  Avec ce couteau, Almany (Abdoul Kader Kane) ne dédaignera pas de raser la tête du Damel, si Damel en vrai Musulman, veut se reconnaître le vassal d'Almany, comme chef suprême de la religion de Mahomet ; et avec celui-ci Almany (Abdoul Kader Kane) coupera la gorge de Damel, si Damel refuse de souscrire à cet condition.
Le Damel ,(Birahima Fatim Penda) répondit froidement qu'il n' avait pas de choix à faire, et qu'il ne voulait avoir ni la tête rasée, ni le cou coupée ; il dit et congédia poliment l'ambassadeur.
Almany (Abdoul Kader Kane) fut irrité de cette résistance ; il se mit à la tête d'une puissance armée, et entra dans les États du Damel du Cayor. À son approche, les habitants des villes et des villages comblèrent leur puits, détruisirent leurs subsistances, et abandonnèrent leurs demeures. Il marchait ainsi de place en place, depuis plusieurs jours, sans rencontrer opposition, et cependant son armée souffrait beaucoup de la disette d'eau ; plusieurs de ses soldats étaient morts en chemin. Il la conduisit dans un bois où il trouva de l'eau ; les soldats apaisèrent leur soif; puis accablés de fatigue, ils se couchèrent sans précautions et s'endormirent. Ils furent attaqués dans cette position par le Damel (Birahima Fatim Penda), et complètement défaits. Dans leurs sommeil, plusieurs furent foulés aux pieds des chevaux, d'autres furent tués en essayant de s'échapper ; un plus grand nombre fut fait prisonnier : Almany (Abdoul Kader Kane) lui-même fut fait esclave, et conduit devant le Damel (Birahima Fatim Penda) qu'il avait osé menacer. Il se présenta étendu sur la terre devant le généreux Damel (Biram Fatim Penda), qui, au lieu de le percer de sa lance, comme il est d'usage en pareil cas, le regarda d'un oeil de pitié, et lui dit : «  si j'étais à votre place, que feriez-vous de moi ? Je vous tuerais, répondit l'Almany (Abdoul Kader Kane) avec beaucoup de fermeté, et je sais que c'est le sort qui m'attend. Non, répliqua Damel, ma lance est teinte du sang de vos sujets tués au combat ; mais je ne la rougirai pas davantage. En la trempant dans le vôtre, cela ne rétablirait pas mes villes, et ne rendrait pas la vie aux hommes qui sont morts dans les bois. Vous ne mourrez donc pas de ma main ; je ne vous arracherait pas la vie de sang-froid, mais je vous retiendrai prisonnier jusqu'à ce que je sois assuré que votre présence, dans vos États, ne sera plus dangereuse pour vos voisins. Almany (Abdoul Kader Kane) resta donc prisonnier à la cour du Damel du Cayor ; il y resta trois mois ; et loin d'être réduit à la condition des esclaves, il y fut traité avec la plus grande distinction. Au bout de ce terme, Damel (Birahima Fatim Penda) céda aux sollicitations des sujets d'Almany (Abdoul Kader Kane) ; il leur rendit leur roi.
Almany (Abdoul Kader Kane) profita de cet leçon ; il gouverna avec plus de prudence et de sagesse ; il n'inquiéta plus ses voisins, et rendit ses peuples heureux.

Sources Galica-BNF : Voyage au Sénégal par Jean-Baptiste-Léonard Durand. Edidé en l' An 10 (1802) par Henri Agasse, Imprimeur-libraire, rue des Poitevins, N° 18. Pour télécharger le livre cliquer ici.


Stanislas Jean Chevalier de Boufflers , qui avait rendu une première visite, sans conséquence, au Damel-Teigne du Cayor Birahima Fatim Penda, en fit une seconde en 1786, dans la plaine de Gandiol, près de la barre.
La veille de cette rencontre, il envoya 50 soldats dresser des tentes sur le lieu désigné. Ils creusèrent autour du camp, un retranchement composé d’un fossé, de bastions, de courtines en terre; le tout était situé dans une presqu’île à l’ extrémité de la plaine.
Le lendemain matin, Stanislas Jean Chevalier de Boufflers s’embarqua avec une escorte de 50 hommes, pour prendre position à l’entrée de son camp. le Damel-Teigne Birahima Fatim Penda avait envoyé quatre otages à Saint-Louis, se présenta avec une armée de 3.000 cavaliers et y entra, accueilli avec les honneurs militaires.
C’était un homme très grand et gros, âgé d’environ 60 ans. Stanislas Jean Chevalier de Boufflers lui offrit un déjeuner aussi splendide qu’il le pouvait et lui donna des présents traditionnels; des armes, un manteau rouge galonné d’ or, etc...
Ils renouvelèrent le Traité qui avait déjà été convenu une première fois. Le Damel-Teigne Birahima Fatim Penda consentit à abolir le droit d’épave moyennant une augmentation de la coutume.
Un bâtiment de commerce s’était échoué à la pointe de Dakar, il fut immédiatement entouré par des africains armés, qui se préparaient à le piller, après avoir enchaîné l’équipage.
Un des employés de Saint-Louis, Geoffroy-Villeneuve monta dans une chaloupe avec cinq soldats et quelques matelots armés d’espingoles, se rendit auprès du bâtiment, y établit ses hommes et harangua en Wolof les africains qui s’apprêtaient à l’assaillir, leurs rappelant que le Damel-Teigne, Birahima Fatim Penda avait signé avec la France un Traité abolissant le droit de bris.
Après une palabre accidentée, il reçut un renfort de 20 soldats et 20 matelots et quelques heures après, parvint à alléger le bâtiment, le remettre à flot et le ramener à l'île de Gorée.

En 1787, Geoffroy-Villeneuve, chargé de ménager la cession de la presqu’île du Cap-Verd, qui avait déjà été cédée deux fois en 1763 et 1769, signa avec Damel-Teigne Birahima Fatim Penda un Traité, authentifié par écrit, et déposé au greffe de Saint-Louis.
Sur la demande de Stanislas Jean Chevalier de Boufflers, Geoffoy-Villeneuve visita l’isthme de Yok à Ben, puis de là, en avril 1787, il partit pour visiter le Cayor et le Baol.
Il était accompagné de 3 blancs et 4 africains, avec une petite caravane de 4 chevaux et 2 chameaux, il fit dans ce pays inconnu un voyage de 68 jours.
Il parvint à «Nguiguis», capitale du Damel-Teigne Birahima Fatim Penda, qui le reçut bien et confirma le dernier Traité.
Il poursuivit vers le Djolof à cinquante lieues dans les terres, puis se dirigea au Sud-Est vers le Baol, atteignit Portudal et Joal, et parvint chez le Roi de Sine, d’où il revint le 17 juin 1787 à l'île de Gorée.

En 1790, à la mort du Damel-Teigne Birahima Fatim Penda, son neveu Amary Ngoné Ndella Coumba (Fall-Tié-Yacine de Sant, 7ème Guiedj de Khêt), quitta sa résidence à Diagane et vint à Mboul où les Diambours le reconnurent comme 22ème Damel du Cayor.
Sous son règne, les Musulmans du Cayor se soulevèrent et réunirent à Palo une armée, dont les chefs étaient: Matar Mamou (père de Songo, chef de Taïba); Amadou Fakhoudia, Sérigne Coki (grand-père d’Amadou Aminata) et Mandom Mbaye, Sérigne Niomré.
La première bataille eut lieu à Palo même; les Musulmans furent complètement battus, Amadou Fakhoudia, son frère Ngouda Fakhoudia, son fils Ndiaga Issa (père d’Amadou Aminata) et Moudoune Mbaye furent faits prisonniers et vendus comme esclaves.
La deuxième bataille eut lieu à Pir. Les Musulmans furent de nouveau mis en fuite et poursuivis par les «Tiedos<» jusqu’à la nuit. Ils se retirèrent à Dakar sous la conduite de Matar Mamour et se retranchèrent sur la presqu’île qu’ils coupèrent par un mur de terre. L’armée du Damel-Teigne Amary Ngoné Ndella Coumba les attaqua, elle perdit beaucoup de gens, mais fut repoussée et obligée de rentrer dans le Cayor. Le Roi de Dakar en profita pour se rendre indépendant.
Deux ou trois mois plus tard, Abdoul Kader Kane, Almamy du Fouta-Toro qui avait entreprit une guerre sainte, vint faire une croisade dans le Cayor en annonçant partout que tous les «Tiedos» allaient disparaître du pays. Le Damel-Teigne Amary Ngoné Ndella Coumba réunit ses forces du Cayor et du Baol et vint attendre son ennemi à Bounkhoye; la bataille fut sanglante, les Toucouleurs presque tous tués et Abdoul Kader Kane, l’ Almamy du Fouta fait prisonnier, puis renvoyé dans le Fouta-Toro avec un beau cheval en cadeau et deux de ses captifs pour l’accompagné.
Le Damel-Teigne Amary Ngoné Ndella Coumba de retour à Bardiale, sa capitale, exila son neveu Birahima Fatma Thioub dans le Saloum. Après quelques mois celui-ci réunit ses partisans et vint à Ndiob (Baol), où il trouva son oncle le Damel-Teigne Amary Ngoné Ndella Coumba, qui fut vaincu, mais les Diambours refusèrent de le nommer Damel-Teigne.

En août 1793, à la suite d'une demande du capitaine Bourgneuf, envoyé en France par François-Michel-Emilie Blanchot de Verly, pour exposer la détresse des possessions et la nécessité de renforcer de 200 artilleurs, la garnison réduite à 84 hommes, le Ministre de la Marine, Jean Dalbarade s'aperçut qu'un bateau Le Henri, armé depuis 18 mois à Pauillac pour aller ravitailler la côte d'Afrique, n'était pas parti.Il le fit recharger et donna l'ordre de son départ qui semble n'avoir jamais été exécuté.

En 1794 à Bourghoye, Abdoul Kader Kane (Toucouleurs de caste Torodo), Almany du Fouta-Toro, subit une défaite contre le Damel-Teigne du Cayor et du Baol Amary Ngoné Ndella Coumba et le Brak du Waalo Ndiak Coumba Khouriyaye Mbodj, les souverains «Tiedos» de royaumes très peu islamisés. Son échec fut tel qu'il perdît toute crédibilité auprès du peuple du Fouta-Toro pendant un moment.