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Histoire de Saint-Louis du Sénégal

En 1650 De Soussy, Directeur de la «Compagnie Normande de Rouen», décède à Saint-Louis au Sénégal, il est remplacé en 1651 Mésineau, qui décèdera en 1658 à Saint-Louis au Sénégal, pour être remplacé par Raguenet la même année.

En 1658, à la suite d'un raz de marée, l'habitation, de la pointe de Bieurt sur l'île Bocos, dut être reconstruite par le Commis Louis Caullier, mais le même fait s'étant renouvelé peu de temps après, les Dieppois résolurent de s'établir une lieue plus loin dans une petite île appelée N'Dar (Saint-Louis), qui leur fut cédée par le même Jean Barre.

Carte particulière de l'entrée du Senega

Carte particulière de l'entrée du Senega vers 1700- >Source Gallica - BNF


En 1659, Louis Caullier, fit construire le fort de Saint-Louis . La même année la «Compagnie du Cap Vert et du Sénégal" remplaca Compagnie Normande de Rouen.

En 1651 , Raguenet, Directeur de la «Compagnie Normande de Rouen», décède à Saint-louis, Sénégal, il est remplacé par De Boulay en 1662, qui décèdera à Saint-Louis en 1664.

En 1664, La Compagnie française des Indes occidentales, créée par Jean-Baptiste Colbert (Contrôleur général des Finances), rachèta son privilège pour 150 .000 livres.

Portrait de Jean-Baptiste Colbert , par Claude Lefebvre, huile, 1,38 x 1,13 m. 1663. Musée du Louvre, Paris, France. Cliché: Musées nationaux, Paris
Jean-Baptiste Colbert - Musée du Louvre à Paris (source Wikipédia).



En 1664, les Directeurs de la «Compagnie du Cap Vert et du Sénégal" étaient: François Rozée, Quinet, Claude Céberet,Sieur du Boullay, lorsque la Compagnie française des Indes occidentales, créée par Jean-Baptiste Colbert , l'expropria et l'obliga à céder son privilège. Le prix fut fixé à 150 .000 livres, dont 55.000 livres pour l'habitation.
Etat des actifs de la «Compagnie du Cap Vert et du Sénégal" :
- Article 1er : un grand corps de logis de 100 pieds sur 20, sur caves, comprenant quatre chambres avec grenier au dessus, et au bout un fort.
Note marginale: d'après les témoignages de certains commis revenus récemment du Sénégal : si les dimensions sont exactes, la cave est un trou masqué par des planches mobiles, accessible par une échelle. Les murs sont en briques du pays et n'ont que six pieds de haut. Le comble au dessus du bâtiment, est en France. Il y a trois chambres et une cuisine de plain-pied, et au dessus du tout, un galetas. Le Fort n'a que 20 pieds carrés ; il est en briques, élévé de six pieds seulement et commande un des côtés de la rivière.
- Article 2 : une chapelle avec la chambre de l'aumônier de 60 pieds sur 20, deux greniers à marchandises, deux oriots pour pavillon et cloche.
Note marginale : les murailles seules existent, le reste étant de méchant bois ; les oriots sont faits de huit perches croisées ; le tout ne répond pas à la prétention.
- Article 3 : Sur le devant, il y a une maison composée de deux bâtiments, l'un servant de cuisine, et l'autre de chambre de 20 pieds carrés avec greniers au dessus. Au bout commence une muraille allant joindre à 15 pieds de distance, un bâtiment de 18 pieds carrés, avec grenier, forge garnie, bâti en briques et couvert en Tuile.
Note marginale : La cuisine et le grenier sont couverts en tuiles et planches de sapin, la muraille sert de parc aux cochons et aux cabris ; elle n'a que cinq pieds de haut. La forge existe dans l'état indiqué.
- Article 4 : Derrière les constructions, il y a un bâtiment de 120 pieds sur 15, comprenant cinq chambres pour le chirurgien et les Compagnons.
Note marginale : le bâtiment est en torchis ou terre et couvert de vieilles douves, fait seulement pour se mettre à l'abri du soleil.
- Article 5 : Sur la rivière à l'est un pont ou plancher sur pilotis, pour charger et décharger les barques.
Note marginale : il s'agit de cinq ou six pieux seulement, couverts de planches.
- Article 6 : Entre le pont et le fort, il y a une tour de briques contenant deux chambres , et au dessous, un magasin.
- Article 7 : Du côté nord, une autre tour de briques, contenant une chambre.
- Article 8 : Devant la grande maison, du côté nord, deux tours de briques pour mettre le mil.
- Article 9 : À côté des tours, une grande maison de briques, couverte en tuiles, servant de magasin à cordage.
Les directeurs de la La Compagnie française des Indes occidentales conviennent de l'existence des quatres tours ; mais ils déclarent que les deux dernières sont de simples cases de briques de six pieds de haut, couvertes en paille, et que la grande maison de l'article 9 n'a que 20 pieds carrés.
- Article 10 : Un bâtiment de 15 pieds carrés pour loger le jardinier ; le jardin de 400 pieds carrés.
Note marginale : la loge du jardinier n'a que six pieds de haut, et est couverte de paille.
- Article 11 : Un cimetière, clos de briques, de 250 pieds carrés. Note marginales : la clôture n'a que deux pieds et demi de haut et 250 pieds de circuit
. - Article 12 : Un colombierpour 500 ou 600 paires de pigeons.
- Article 13 : Le long du fleuve du côté de la Côte de Barbarie, les cases des " Africains " de la Compagnie.
Note marginale : les cases ne sont que des perches et des roseaux.
- Article 14 : Etat du matériel : onze pièces de canons, dont deux sur plate-forme, du côté de la mer : cinq dans le fort, du côté est ; quatre sur une plate-forme devant le fort ; deux espoirs et un pierrier sur une demi-lune, du côté nord. Il y avait une douzaine de mousquetons, douze fusils, douze paires de pistolets, des piques, des hallebardes ; une certaine quantité de munitions ; le mobilier, la batterie de cuisine nécessaire pour le personnel, des chèvres, des cochons, des bestiaux, 40 ou 50 " Africains " et " Africaines ", 51 français, dont deux aumôniers et 8 commis, les autres ouvriers.
Les directeurs de la La Compagnie française des Indes occidentales réduisent ces évaluations à onze pièces de canons, quatre et deux livres de balles, à deux espoirs de 4 onces ; à quelques armes et quelques ustensiles. Les matelas comptés dans le mobilier appartenaient aux commis. Il n'y avait que peu d'" Africains " et pas d'autre bétail que des cochons.
- Article 15 : Le tout est situé dans l'île Saint-Louis et bâti depuis cinq ans.
- Article 16 ; une ancienne habitation détruite par la mer, une tour et un magasin où il y a un canon de fer et quelques armes.
Note marginale : « ils en conviennent, et qu'elle valait mieux que la nouvelle ».
Les articles précédents étaient évalués par la Compagnie cédante à 55.000 livres et à 20.000 livres par la Compagnie prenante.
- Article 18 : une barque de 25 tonneaux, deux de 18 à 20 tonneaux, et quatorze autres dont huit de 10 tonneaux.
Les directeurs de la La Compagnie française des Indes occidentales reconnaissent l'existence de quatre bonnes barques ; le reste, disent-ils, à quinze ans, a été fait dans le pays et ne vaut pas 6.000 livres en tout, tandis qu'elles sont évaluées à 15.000 livres.
Les marchandises, le fret sur la mer et les cuirs existant au Sénégal étaient supposés valoir 48.000 livres, mais les nouveaux directeurs ne voulaient payer qu'après justification sur factures. Comme il y avait eu, en 1658, estimation des actifs de l'ancienne Compagnie à 92.000 livres, et que les parts se vendaient 1.500 livres chaque en 1663, ils offraient pour la concession, les marchandises, les trois vieux vaisseaux existant en 1658 et le vaisseau neuf, une somme totale de 96.000 livres. Néanmoins, ils durent accepter les prétentions de la «Compagnie du Cap Vert et du Sénégal", qui état dépouillée de son privilège, et verser la somme de 150.000 livres, comme le constate un contrat passé le 28 septembre 1664 devant « Leboeuf et Baudry, notaires »
La Compagnie française des Indes occidentales avait le droit d'élever des forteresses, de lever des soldats, de fondre des canons, d'armer des vaisseaux en guerre, de faire la paix, de traiter avec les chefs indigènes.
Son écusson était au champ d'azur semé de fleurs de lys d'or, ayant pour supports deux sauvages, et surmonté d'une couronne de trèfles. Sa devise Florero Quocumque Ferar ("Je fleurirai partout où je serai porté"). Elle avait le privilège exclusif du commerce, recevait une prime de 30 livres par tonneau de marchandise exporté du royaume, et de 40 livres par tonneau importé.
Elle était dispensée des droits d'entrée pour les produits destinés à être réexportés ; le Roi promettait de lui verser uns subvention égale au dixième des fonds qui seraient faits par les actionnaires pendant les quatre premières années, et de supporter sur ce dixième les pertes qui pourraient subvenir pendant les huit premières années ; après quoi cette avance serait restituée au trésor sans intérêts.

Ecusson de la Compagnie française des Indes Occidentales
Ecusson de la "Compagnie française des Indes Occidentales. Source Wikipedia



Les Lettres patentes qui créaient la La Compagnie française des Indes occidentales furent enregistrées au Parlement de Paris le 11 juillet 1664, et le 27 du même mois à la Chambre des Comptes. Un arrêt du 30 mai 1664 avait dissous la « Compagnie de la France équinoxiale » et fait passer son actif à cette nouvelle Compagnie. Les Antilles furent rachetées à leurs seigneurs et la «Compagnie du Cap Vert et du Sénégal" expropriée moyennant indemnités, comme vue plus haut.
La Compagnie française des Indes occidentales organisa deux voyages d'études sur la Côte de Guinée, l'un par le Sieur d'Elbée et l'autre par Nicolas Villault, Sieur de Bellefond.
Sources : Histoire du Sénégal du XVème siècle à 1870 par Prosper Cultru, Maître de Conférence à la Sorbonne - Edité en 1910 par Emile Larose, Libraire-Editeur 11, rue Victor Cousin Paris. Pour télécharger le livre cliquer ici.


En 1665, Jacquet est nommé Directeur de la Compagnie française des Indes occidentales à Saint-Louis.

Le 14 décembre 1666, Nicolas Villault, Sieur de Bellefond, arriva à l'embouchure de la rivière du Sénégal, à bord d'un vaisseau Hollandais, commandé par le Capitaine Wilembourg, qui avait quitté Texel le 13 novembre, et le 16 décembre 1666 à Rio Fresco (Rufisque) dans la Baye de France, à proximité de l'île et du fort de Gorée, propriété des Hollandais.

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690Source Gallica-BNF


Le 17 décembre 1666, entre 8 et 9 heures l'Alkair Abdonsech vint à bord du vaisseau, accompagné de ses officiers et des principaux du village. C'était un homme de 35 à 40 ans, bien fait de sa personne, il était vêtu d'une robe blanche de toile de coton, qui lui passait par les genoux, ressemblant à un surplis de prêtre, les manches aussi larges et longues, sinon qu'elles étaient fermées : au tour du col de quantité de flocon de laine rouge, avec un caleçon de même toile, un bonnet en capuchon comme portaient les Hongrois. Ses officiers portaient de vieilles toiles de coton rayées de bleu et blanc, comme des Egyptiens.
L'Alkair Addonsech, outre sa langue naturelle, parlait le portugais, le français, l'anglais et le hollandais. Il expliqua que le Roi se nommait le Damel Biram Yacine Boubou Fall et demeurait à 3 jours de là. Son Royaume s 'appelait le Cayor, et il préférait les français, qui selon lui étaient plus francs, libéraux et moins attachés à l'intérêt.
Rio Fresco (Rufisque) était un village de 200 cases environ, bâties comme des chaumières normandes, de terre et roseaux. Il y avait plus de 300 hommes, sans les femmes et les enfants. La population ne portait qu'un petit linge sur le devant. Ils avaient plusieurs religions, catholique, judaïque, mahométans et idolâtres<, ces derniers avaient des petits sachets en cuir pendus au cou, qu'ils nommaient « fétiches ». Ils avaient en abondance, bœufs, vaches, brebis, chèvres, cabris, poules, pintades, faisans mouchetés, pigeons. Ils pratiquaient la pêche à bord de canot, fabriqués à partir d'un tronc d'arbre évidé et pourvu d'un mât central, servant quand le vent est faible, qu'ils utilisaient debout, avec des rames de 4 à 5 pieds de long, avec un bout large comme une assiette; quand le vent était fort.
La plupart des femmes et des filles, dès l'âge de 14 à 15 ans étaient publiques, elles venaient solliciter les étrangers jusqu'au milieu des rues et les aimaient avec passion. Les hommes en avaient autant qu'ils pouvaient en nourrir, et pour peu de choses, ou rien, les prostituaient. Ils avaient les cheveux liés au dessus de la tête, auxquels ils attachaient certains morceaux de bois, qu'ils disaient les protéger du soleil. Tous hommes et femmes parlaient un portugais corrompu. Les marchandises pour le commerce étaient les cuirs, les gomme, plumes, un peu de morfil ou d'ivoire, de l'ambre gris, de l'indigo, de civette, et quantité de grosses toiles de coton, rayées bleu et blanc.

Sources : Relation des Costes d'Afrique appelées Guinée de Nicolas Villault, Ecuyer et Sieur de Bellefond, lors de son voyage fait en 1666 et 1667 et publiée en 1669 chez Denys Thierry, rue Saint-Jacques à l'Enseigne de la Ville de Paris. Pour télécharger le libre cliquer ici.

En 1667, des barques, chargées de 30 hommes furent envoyés de Saint-Louis pour explorer le fleuve Sénégal, elles remontèrent le fleuve sur 400 lieues, mais égarée par la crue, une barque ayant perdue le lit du fleuve, se retrouva dans un arbre; ne s'étant pas trop éloigné du fleuve, ils réussirent à la remettre à flot. La plupart des matelots périrent et 5 seulement en revinrent sur la trentaine expédiés.

En 1668, Jacquet, Directeur de la Compagnie française des Indes occidentales, à Saint-Louis, retourne en France, il est remplacé par De Richemond

Le 9 décembre 1669, un "Edit" restreignit le privilège de la La Compagnie française des Indes occidentales et rétablit la liberté commerciale en réservant le monopole des Côtes d'Afrique, elle fut mise en liquidation en 1672.

Un arrêt de 9 avril 1672, nomma les Sieurs Menjot et Guillaume Ménager pour procéder à la liquidation de la La Compagnie française des Indes occidentales.
En 1673, le Roi Roi Louis XIV l'obliga à céder ses Lettres patentes à un nouvelle compagnie la «La Compagnie du Sénégal ou d'Afrique», pour la somme de 75.000 livres.

Portrait Louis XIV (huile sur toile; 2.05 x 1.52 m), exposé dans le salon d'Apollon du château de Versailles de Grand-Maison
Portrait Louis XIV - salon d'Apollon du château de Versailles de Grand-Maison



Le 8 novembre 1673, les Sieurs Egrot, secrétaire du Roi, François François et Ragunet, bourgeois de Paris, achetèrent aux Sieurs Menjot et Ménager, en présence des liquidateurs commis par le Roi, par devant les notaires «  Ménard et Baudry »: l'habitation du Sénégal (Saint-Louis), consistant en bâtiments, tourelles, fortins et dépendances, tant dans l'île Saint-Louis qu'ailleurs..., appartenant à la La Compagnie française des Indes occidentales au moyen de l'acquisition qu'elle en avait faite des Sieurs François Rozée, Quinet, et autres marchands de Rouen, par contrat le 28 novembre 1664, avec tous les droits de traiter au Sénégal, Cap-Verd, jusque y compris la rivière Gambie, à l'exclusion de tous autres français pendant les 30 ans restant à courir sur les 40 ans de privilège concédé, y compris les indemnités accordées par le Roi, les meubles, ustensiles, barques, les africains, les bestiaux, les marchandises restant à traiter depuis le 20 avril 1672.
Le prix convenu est de 75.000 livres à solder en trois termes. Le premier à l'homologation du contrat et les autres de six mois en six mois, plus un marc d'Or à payer à la Compagnie cédante pendant 30 ans ; le tout à charge de restituer les bâtiments en bon état au bout des 30 années. Le contrat fut homologué le 11 novembre 1673, et ratifié le 7 mars 1674 par le liquidateur Guillaume Ménager. Le paiement fut terminé en 1674 et 1675.

C'était la seconde compagnie européenne visant directement la "Traite négrière", après la Royal African Compagny fondée en 1672 par son cousin Jacques II, Duc d'York

Portrait de Jacque II d'Angleterre en robes longues et jarretière - Huile sur toile 99.5 X 121.5 peint par Peter Lely
Jacque II d'Angleterre - Bolton Museum and Art Gallery (Lancashire - Royaume-Uni)



En 1673, De Richemont, Directeur de la Compagnie française des Indes occidentales, décède à Saint-Loui au Sénégal.

En 1674, «La Compagnie du Sénégal ou d'Afrique» envoya Jacques Fumechon comme Directeur au Sénégal.

Le 1er novembre 1677, une escadre française composée de 14 vaisseaux de guerre, commandée par un vice-amiral, le Comte Jean II d'Estrées, s'empara de l'île de Gorée occupée par les Hollandais.
150 coups de canons furent tirés par sept vaisseaux de la flotte, contre 25 en répliques des Forts de Goréée. Les sept autres étaient composés par le vaisseau du vice-amiral, le vaisseau du Roi le Tonnant et de quatre Brulots et Lhospital.
Le fort d'en haut, Le Chateau d'Orange fut démoli et celui d'en bas, Le Fort de Nassau démantelé. Après quoi l'escadre fit voile vers les Antilles.

Plan de l'isle de Gorée avec ses deux forts et le combat que nous avons rendu le premier du mois de novembre 1677

Plan de l'isle de Gorée avec ses deux forts et le combat que nous avons rendu le premier du mois de novembre 1677 Source Gallica - BNF Clic...


Portrait du Comte Jean II d'Estrées - gravure auteur inconnu
Comte Jean II d'Estrées



Le 15 novembre 1677, Jean-Baptiste du Casse, à bord d'un vaisseau de guerre l'« Entendu », de 40 pièces de canon et 250 hommes, pris possession de île de Gorée au nom de la «La Compagnie du Sénégal ou d'Afrique», et conclut un Traité de commerce, avec les  Rois Africains  de Rufisque, « Joal » et « Portudal », aux mêmes conditions que les Hollandais. À son retour en France, le Roi Louis XIV approuva ce Traité, et le renvoya l'année suivante avec des « Présents ».
Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690Source Gallica-BNF - Clic...


À la tête d'une escadre de guerre, il arriva à île de Gorée le 8 mai 1678. Puis le 10 juillet 1678 au Fort d'Arguin, tenu par les Hollandais. Les combats commencèrent le 22 août 1678; le commandant du Fort Der-Lyncourt capitula le 29 août 1678.

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690Source Gallica-BNF - Clic...


Jean Baptiste du Casse vers 1700 d'après Hyacinthe Rigaud - Musée de la Marine Paris
Jean Baptiste du Casse vers 1700



Le 10 août 1678, le Traité de Paix de Nimegue, signé par les Hollandais, assura au Français, toutes leurs conquêtes d'Afrique.

Le 1er novembre 1678, après un premier échec, Jean-Baptiste du Casse s'empara d'Arguin. Il fit rétablir le Fort intérieur de île de Gorée, sur ses anciens fondements. Les courtines et les demi-bastions furent élevés à une hauteur de 16 pieds. Le Fort d'en bas reçu le nom de « Vermandois » et celui du haut « Saint-Michel ».

En 1679 les chefs desquels dépendaient Portudal attaquèrent le Comptoir et pillèrent les marchandises. Jean-Baptiste du Casse débarqua 300 hommes et s'avança à l'intérieur du pays ; il força le chef du Baol à la paix ; s'empara de Rufisque, et là, parcourant la contrée, il brûla un village considérable et força le Damel du Cayor à accepter ses conditions :
-les Rois de Rufisque, « Portudal » et « Joal » par « Traité » cédèrent la propriété de toutes les Côtes entre le « Cap-Verd » et la rivière de Gambie, soit trente lieues de côtes, sur six lieues dans les terres. Tous les étrangers étaient exclus du Commerce sur cette étendue.
Les vaisseaux de la «Compagnie du Sénégal ou d'Afrique» étaient affranchis de toutes sortes de droits. Le taux de la barre de fer, unité monétaire du pays était fixé à 6 cuirs de bœuf.

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690Source Gallica-BNF - Clic...


Le 2 mars 1679, la «Compagnie du Sénégal ou d'Afrique» s'engaga par contrat avec la « Compagnie d'Occident », à fournir chaque année pendant huit ans , deux milles esclaves africains aux Îles des Antilles (propriété du Roi) moyennant une prime de 13 livres par tête. L'équivalant en valeur actuelle est d'environ 180 € (118.000 Fcfa).et le même nombre sinon plus si nécessaire, pour le service des «Galères».

Plans de la Marie Séraphique du capitaine Gaugy, armée par M. Gruel de Nantes pour l'Angola, avec tonneaux à flancs de cale, 307 Noirs entassés à l'entrepont et pont, 1770

Plans de la Marie Séraphique du capitaine Gaugy, armée par M. Gruel de Nantes pour l'Angola, avec tonneaux à flancs de cale, 307 Noirs entassés à l'entrepont et pont, 1770 Source wikipedia - Clic...


Le 16 mars 1679 Jean-Baptiste du Casse , en tant que Directeur de la «La Compagnie du Sénégal ou d'Afrique», signe avec Charles François d'Angennes , Marquis de Maintenon, Seigneur de Marie Galante, un contrat pour la livraison de 1600 esclaves africains sur une période de 4 ans. Seize mois plus tard, les officiers royaux de la Martinique, se plaignirent que seulement 600 à 700 aient été livrés.

Le 10 juillet 1679, par Lettres patentes, le Roi Louis XIV, lui accorda le monopole du commerce du Cap-Blanc au Cap de Bonne-Espérance. La « Compagnie du Sénégal ou d'Afrique»"Traite négrière"". Elle possédait sur mer, 17 vaisseaux jaugeant 5.720 tonneaux. Elle en perdit quatre chargés de 2.000 esclaves.
Ses banquiers, les Sieurs Kerver et Simonnet firent faillite en 1680 ; elle dut demander un arrêt de surséance pour le paiement de ses dettes qui s'élevaient à 2 millions de livres, empruntées les années précédentes.
Sur les 17 vaisseaux il ne lui en restait plus que 8.
En 2 ans et demi la « Compagnie du Sénégal ou d'Afrique» transporte en Amérique 4.561 esclaves.

Gravure 1670 Roi du Cayor Cap-Vert faisant payer des droits au vaisseaux européenx
Gravure 1670 Damel du Cayor faisant payer des droits au vaisseaux européens



Le 2 juillet 1681, par devant les notaires Sadot et Baudry, la «Compagnie du Sénégal ou d'Afrique» cèda, pour 1.010.000 livres, ses droits à une nouvelle Compagnie dont les associés étaient : le Sieur Claude d'Appougny, conseiller secrétaire du Roi Louis XIV, les Sieurs de Kessel, Baron de Marac, conseiller maître de la Chambre des Comptes ; Guillaume Ménager, conseiller du Roi, directeur général du Domaine d'Occident ; Remy de Larré, conseiller secrétaire du Roi, directeur des finances à Caen ; Paul Acéré, seigneur des Forges ; Jean Massiot, de la Rochelle ; Maître Jean Faure, prieur de Valféry ; Jean-Baptiste du Casse ; Claude Céberet,Sieur du Boullay.
Le contrat évalua les bâtiments du Sénégal à 239.142 livres 16 sous 6 deniers ; les marchandises existant au Antilles, au compte de la Compagnie à 319.514 livres 19 sous 6 deniers ; la flotte composée de 8 vaisseaux jaugeant 1.500 tonneaux à 73.000 livres, etc... L'actif égal au passif s'élevait à 1.184.569 livres 13 sols.
La cession confirmée par Lettres patentes, accordait le privilège de commerce depuis la Baie d'Arguin jusqu'au Cap de Bonne-Espérance, y compris l'île de Gorée, et le privilège de la vente des esclaves africains aux Antilles pendant 30 ans, soit jusqu'en 1711. Il lui était permis de disposer de tout ou partie de ce privilège , mais seulement en faveur des français et de se servir du même écusson que la Compagnie française des Indes occidentales.

En 1681, le Roi Louis XIV chargea son Ministre Jean-Baptiste Colbert de rédiger un statut pour les esclaves des Antilles, ce dernier en donne alors mission à Jean-Baptiste Patoulet, intendant de la Martinique, puis à son successeur Michel Bégon, et au Gouverneur général des Antilles Charles de Courbon, Comte de Blénac.

Le Dimanche 12 avril 1682 vers midi , à bord d'un vaisseau de 400 tonneaux et de 40 canons, baptisé la « Sainte-Catherine » construit à Flessingue et commandé par le Capitaine Monségur; Dancourt, nommé Directeur de la «La Compagnie du Sénégal et d'Afrique», accompagné du Sieur Lemaire, chirurgien à l'Hôtel Dieu de Paris, partirent pour le Sénégal

Le 20 mai 1682, le «Sainte-Catherine» arriva à île de Gorée et salua le Fort de 7 coups de canon, le Fort rendit le salut, dont le premier à boulet pour faire honneur à Mr Darcourt, qui débarqua salué par 5 coups de canon du «Sainte-Catherine» et de tous les vaisseaux de la Rade.Quand il arriva à terre le Fort en tira 7.

Le 6 décembre 1682, après avoir envoyé à Saint-Louis le vaisseau la «Renommée», commandé par le Capitaine d’ Oyére; Dancourt, accompagné du chirurgien Le Maire, ne pouvant aller par mer, à cause d’un vent contraire, se rendirent de Rufisque à Saint-Louis à pieds.

Le 12 décembre 1682, ils arrivèrent un village nommé Bieurt, à l’embouchure de la rivière Sénégal, et firent, en barque, les cinq lieues restantes jusqu’à l’ île Saint-Louis, alors subordonnée à île de Gorée, ou ils arrivèrent le 13 décembre 1682 à 2 heure du matin.

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690Source Gallica-BNF


En 1682 Jacques Fumechon, Directeur de la «La Compagnie du Sénégal ou d'Afrique», décède à Saint-Louis au Sénégal, il est remplacé par Fumechon.

Le comptoir de Saint-Louis, possèdait des magasins, avec un Commandant et des commis, ils commercaient avec les africains, qui leur apportaient cuirs, ivoire, captifs et parfois de l’ ambre gris, (la gomme arabique venait des Maures), en échange de toile, coton, cuivre, étain, fer, et bagatelles de verre. Le profit était de 800%, les cuirs, l’ ivoire et la gomme partaient en France, quant aux esclaves, ils étaient envoyés au Îles française d’ Amérique, où ils travaillaient à la culture de la canne à sucre. Les meilleurs esclaves étaient achetés 10 francs pièce, et étaient revendus 100 écus. Il était possible d’ en acheter un contre 4 ou 5 pots d’Eau de vie (alcool).

Le pays, nommé Waalo, était dirigé par le Brak, sa domination s’étendait sur 40 lieues, sans compter quelques petits Seigneurs, qui lui étaient tributaires. Il avait 3 ou 4 chevaux, et parcourait son Royaume, accompagné de 200 personnes, il changait de village tous les 2 ou 3 jours, et se faisait nourrir avec sa suite et y faisait souvent des esclaves à la moindre offense. Ses sujets se vendaient l’un l’autre.

Le Comptoir de Saint-Louis commercait, plus loin avec le Cheyratick, occupé par les peuples Foules, son Royaume s’ étendait sur les deux rives du fleuve Sénégal et contenaient 300 lieues de pays; et plus loin avec les pays «Fargots» et d’Enguelland.

Cases Sénégal vers 1682 - Source Gallica
1682 Case Sénégal - Maures - Récolte vin de pakme



Le 10 juillet 1683, Dancourt et Le Maire s’embarquèrent pour île de Gorée à bord du vaisseau la «Renommée». Les peuples qui habitaient entre l’ embouchure du Sénégal et de la Gambie, étaient divisés en trois: Les Geloffes, dirigés par le Damel, les Sérères, dirigés par le Roi de Portudal et les Barbecins ou Joüalle (Joal).

Habit homme et femmes Sénégal vers 1682 - Source Gallica
Habit homme et femme Sénégal vers 1682



Le Damel était secondé par le «Condy», souverain dans l’exercice de la Justice, il était chargé de rassembler tout le monde en cas de conflits; le grand «Géraff», était le haut Justicier dans toute l’ étendue du Royaume, il le parcouraitt pour écouter les plaintes de chacun. Il rendait d’ordinaire la Justice sur le champs, et punissait le vol par la captivité; l’ Alzaïr avait le même pouvoir mais plus limité, il avait sous lui les Alkatys ou Alkaïr des grands villages.

Carte Sénégal 1690
Carte Sénégal 1690 - (Source Gallica - BNF)



Source: Les voyages du Sieur Le Maire aux îles Canaries, Cap-Verd, Sénégal sous Monsieur Dancourt, Directeur Général de la Compagnie Royale d ‘Affrique - suivant la Copie à Paris, édité en 1695, chez Jacques Collombet, rue Saint-Jacques, au Pelican. Pour télécharger le livre cliquer ici

En date du 2 juillet 1684, par Lettres patentes, le Roi Louis XIV confirma «La Compagnie du Sénégal et d'Afrique», pour une durée de 30 ans, sous le nom de « La Compagnie d'Afrique», avec tous les privilèges du commerce depuis la baie d'Arguin jusqu'au Cap de Bonne-Espérance, y compris l'île de Gorée et la vente des esclaves aux Antilles. Elle devait fournir chaque année 1000 esclaves et recevoir une prime de 13 livres par tête. L'équivalant en valeur actuelle est d'environ 180 € (118.000 Fcfa). Cette quantité fut déclarée insuffisante aux besoins de la colonisation des Antilles et le prix convenu ayant paru trop élevé; un arrêt de septembre 1684, réduisit ce privilège au simple commerce entre le Cap-Blanc er la rivière de Gambie.

Le 12 septembre 1684, par Arrêt du Conseil, prétextant que la « La Compagnie d'Afrique» n'avait pas exécuté le Traité passé avec la " Compagnie d'Occident " en date du 21 mars 1679, concernant la fourniture chaque année pendant huit ans de 2000 esclaves africains aux îles françaises, Jean-Baptiste Antoine Colbert, Marquis de Seignelay prétendant que la concession était trop vaste, restreignit le Privilège au simple commerce du Cap-Blanc à la rivière Gambie.

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690 Source Gallica-BNF - Clic...


En mars 1685, le Roi Louis XIV, promulgua le premier "Code noir", un ensemble de textes juridiques réglant la vie des esclaves africains dans les îles françaises, en particulier l'ordonnance de 60 articles, portant statut civil et pénal. Cette première version a été rédigée par Jean-Baptiste Colbert et terminé après son décès par son fils Jean-Baptiste Antoine Colbert, Marquis de Seignelay. Le Parlement refusant de l'enregistrer, il fut inscrit au Conseil Souverain de Saint-Domingue le 6 mai 1687.

Code noir 1685

Premier Code noir de mars 1685. Pour le télecharger clic ici

Portrait de Jean-Baptiste Antoine Colbert Marquis de Seignelay , par Marc Nattier d'après Claude Lefebvre, huile sur toile, 1,13 x 1,08 m. 1676. Château de Versailles
Jean-Baptiste Antoine Colbert Marquis de Seignelay - Château de Versailles.



Le 1er mai 1685, Michel Jajolet de la Courbe partit du Havre pour le Sénégal, à bord d'un vaisseau de 10 pièces de canon, nommé la Renommée, et commandé par le Sieur Jehan de l'Estrille avec pour instruction de la « Compagnie du Sénégal » d'observer la conduite des commis. Il portait une lettre de recommandation pour Louis Moreau de Chambonneau, commandant du Sénégal (Saint-Louis) et une pour le Sieur Denis Basset, commandant à Gorée, leur ordonnant de ne rien lui cacher, de lui faire voir toutes les traites, de le recevoir comme un Directeur.

Michel Jajolet de la Courbe parvint au Cap-Blanc le 9 juin 1685, et en vue de la barre de Saint-Louis le 11 juin 1685 où il se signala par 3 coups de canon.
La barre avait deux passes, dont la plus grande avait 10 pieds de profondeur et 3 encablures de large ; elle était praticable aux barques de la Compagnie, montées par des Laptots, payés une barre de fer par mois. La seconde étroite et peu profonde, ne pouvait être franchie que par les canots des africains, qui n'avait que 5 ou 6 pieds de long, le fond était en une pièce, et les côtés étaient ajoutés, rattachés avec des cordes d'écorce et calfatés avec de la paille hachée mélangée à de la terre grasse. Ils portaient ordinairement 5 hommes pagayant debout, dont l'audace faisait peur, tant leurs embarcations semblaient fragiles et prêtes à tourner à tout moment.
Michel Jajolet de la Courbe passa cette terrible barre dans une chaloupe qui faillit couler, ayant été remplie par une lame ; heureusement une seconde la redressa l'avant en l'air et vida l'eau embarquée sans emporter personne.

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690 Source Gallica-BNF


Michel Jajolet de la Courbe alla voir les cases des habitants, chacun d’eux avait une africaine, pour, dirent-il, faire la cuisine. Mais, dans une grande case, il en trouva plusieurs de mauvaise vie, ce qui le scandalisa. Il avait ordre de la Compagnie d’ empêcher de tels abus. Il le signala au commandant Louis Moreau de Chambonneau, et le lendemain toutes les africaines furent transportées de l’ autre côté du fleuve, à la grande colère des habitants qui se plaignaient de n’ avoir plus personne pour «faire leur ordinaire».
Louis Moreau de Chambonneau dut, le jour même, instituer une cuisine commune pour éviter toute tentation à l’ austérité nouvelle de ses hommes.

Michel Jajolet de la Courbe décrit ainsi le cours du fleuve : «  On trouve ici, à droite en montant, un marigot qui va à Bieurt ; il a une barre qui brise beaucoup ; il forme deux islets dont l'un est appelé Bocos, où était autrefois la première habitation dont vous voyez encore les ruines à la point nord. Mais étant dans un lieu marécageux et malsain, et la mer ayant rompu la pointe de Barbarie tout vis à vis, on appréhenda avec raison que l'habitation ne fut submergée, ce qui fut cause qu'on la transporta plus haut dans l'île Saint-Louis, où elle est présentement. C'est dans ce marigot que sont pris le sel et les écailles d'huîtres propres à faire de la chaux. Devant l'île de Sor, boisée et fertile, était le petit îlot nommé l'île aux Anglais, parce qu'autrefois ils y avaient une habitation.

L’île Saint-Louis, était aride et sablonneuse, il y avait au Sud, les dunes qui avaient comblé un marécage et au Nord, un bois de palétuviers toujours inondé. Le commerce se faisait surtout par les femmes africaines de la grande terre qui transportaient dans leurs barques, des cuirs, du mil, des pagnes. Leurs captives allaient dans l’ intérieur du pays pour acheter à vil prix des peaux de boeufs, qu’ elles rapportaient sur 12 lieues sur leur tête. Quand aux hommes, ils ne venaient au Fort que s’ ils avaient des esclaves à vendre.

Au bout de quelques jours, Louis Moreau de Chambonneau, proposa à Michel Jajolet de la Courbe, de l’ accompagner en voyage sur le fleuve jusqu’ à Galam. Celui ci souffrant de la fièvre se récusa. Aussi Louis Moreau de Chambonneau, pendant qu’ il découvrirait le Haut-Fleuve, voulut lui confier toutes les marchandises; devant son refus, car Michel Jajolet de la Courbe souhaitait qu’un inventaire fut fait. Louis Moreau de Chambonneau ne lui laissa qu’un coffre ou deux, nécessaire à la traite. le reste fut mis sous clef.

Avant de partir, Louis Moreau de Chambonneau confia à Michel Jajolet de la Courbe une liste moins importante des marchandises qu’il emportait. Plus tard Louis Moreau de Chambonneau accusa devant la Compagnie d’ Afrique, Michel Jajolet de la Courbe d’avoir soustrait les pièces qui manquaient dans les magasins.

Le 27 juin 1685, Michel Jajolet de la Courbe, accompagné du Sieur de Ronsy, ancien commis, du Sieur Jehan de l'Estrille, capitaine de la « Renommée » et de l’ Abbé de Rozier de Cordon, un des aumônniers, partirent à bord de deux chaloupes visiter l’ île de Jean Barre et de Dyemsec, distance d’ un demi quart de lieue; qui se trouvaient de l’ autre côté du fleuve, à l’Est du Fort de Saint-Louis. Ils emmenèrent quelques commis, des habitants nouvellement arrivés et deux interprètes africains chrétiens qui avaient été élevés en France.
Ils arrivèrent au «Lougans» de Jean Barre qui était en train de faire labourer ses champs, au son d’une musique enragée, par une soixantaine de captifs complètement nus, munis de petite bêche à long manche, appelés «îlets». Le vieillard avait plus de 60 ans et les cheveux gris, le nez aquilin, les traits fort réguliers, il présidait au travail le sabre au côté, une sagaie à la main. Il parlait très bien le français et n’ avait qu’une femme.

Michel Jajolet de la Courbe, se fit conduire au village de Jean Barre, qui sur sa demande lui expliqua l’origine de son nom:
Dans le commencement que les français vinrent faire le commerce dans ce pays, et lorsqu’il n’y avait aucune habitation ni demeure assurée, ils y venaient tous les ans dans le temps de la traite du haut de la rivière, et lorsqu’ils avaient traité la cargaison de leurs navires, ils se rembarquaient tous et lui laissaient en garde tout ce qu’ils ne pouvaient emporter: c’ était lui qui avait soin d’ aller sonder la barre et en montrait la passe aux vaisseaux qui venaient les année suivante; c’est pour cette raison qu’on le nommait Jean Barre.

Pour le récompenser de toutes ses peines, les français lui payaient un coutume de quelques marchandise propres à son usage, coutume qui durait encore, quoiqu’il ne soit plus en exercice. Michel Jajolet de la Courbe retourna à Saint-Louis charmé de son excursion.

Extrait carte embouchure Sénégal 1720 de d'Anville
Carte embouchure Sénégal 1720 de d'Anville (Gallica-BNF)



Le 28 juin 1685, Michel Jajolet de la Courbe reçut la visite du Petit Brak du Waalo, héritier présomptif du Brak; il résidait à Maka dans l’ île de Biffeche, au dessus de Saint-Louis.

Il arriva accompagné de 15 ou 20 guerriers armés de sagaies, de ses griots et de 2 ou 3 chefs.
Michel Jajolet de la Courbe le décrit ainsi: «Il avait un habit semblable au surplis de nos Prêtres avec de grandes manches larges qui étaient d’ une pagne, ou étoffe de coton bleu rayé de blanc, il ne lui venait qu’ au dessus des genoux, et il avait dessus une culotte tellement ample qu’elle contenait bien six aulnes (7 métres) d’ étoffe, elle était plissée de manières que tous les plis se trouvaient derrière et lui servaient comme d’un coussin pour s’ asseoir; par dessus cet habit il avait une bandoulière de drap d’ écarlate large d’un demi pieds qui lui servait de baudrier où pendait un grand sabre dont la poignée et le fourreau étaient garnis d’ argent qui était de l’ ouvrage des africains assez proprement travaillé; tout son habit était parsemé de Grigris, ou de caractères qui sont des passages de l’Alcoran (coran), envelopper fort proprement dans du drap d’ écarlate, du cuir rouge, ou de peaux de bêtes sauvages, les uns carrés les autres ronds ou long et taillés à facettes comme de gros diamant; leur habit n’ était pas serré par le col comme un surplis, mais il était fendu comme une chemise par derrière et par devant; et autour du col il y avait cinq ou six veloutés de laine écarlate de figure ronde appliqués sur l’ étoffe; ils n’avaient point de poches à leurs culottes; mais ils en avaient une à leur habit sur la poitrine du côté gauche, il avait sur la tête un bonnet de même étoffe que l’ habit, fort étroit d’ entrée et large et rond par le haut et qui lui retombait sur l’ oreille avec un grigris en forme d’ égrette fait avec la tête d’un paon d'Afrique, et plusieurs autres en forme de diamant, il avait les jambes nues et aux pieds des sandales semblables à celles des anciens, et ses gens étaient habillés comme lui. Ils fumaient avec des «cassots» ou pipe d'une aulne (1,20 m), portant dans un petit sac ou gibecière dans laquelle était leur tabac, un fusil et de la mèche.
Les griots accompagnaient leurs chants avec un petit luth à 3 cordes de crin de cheval».
Michel Jajolet de la Courbe, leur offrit de l’ Eau-de-vie (alcool), et les invita à rester jusqu’au lendemain.
Le Petit Brak du Waalo apportait comme présent un captif, ils restèrent le soir et festoyèrent et dansèrent tard dans la nuit, puis le lendemain repartirent avec le prix du captif, des cadeaux d’ Adieu (le tago), et des provisions pour la route.

Le Petit Brak résidait dans le pays d’ Houal, proche de Maka, qui en est une escale à 8 lieues du Fort de Saint-Louis; il relevait aussi du Damel du Cayor, actuellement Makouredjia-Coumba-Diodio, à cause d’ une seigneurie ou principauté appelée Gangueul, (Gandiol) qu’ il tenaitt de lui et qui n’étaitt pas loin de Bieurt

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690 Source Gallica-BNF.


Le Petit Brak avait le privilège de pouvoir faire prendre par ses gens tout homme ou animal et les revendre si ceux à qui ils appartennaient, ne pouvaient pas les racheter. Si le Brak du Waalo venait à mourir, c’est lui qui le remplacerait, la succession se faisant parmi les oncles ou frères, ou tout autre parent pourvu qu’il soit le fils d’ une femme de la lignée royale. Le choix se portait ordinairement sur le plus ancien et le plus honnête de tous les héritiers. Sitôt sur le Trône, le nouveau Brak prenait pour femme, une de ses parentes de la lignée royale.

Le 29 juin 1685, eut lieu le premier « grain » de l’ hivernage, il fut très violent et renversa des piles de cuirs qui étaient disposés autour de l’ habitation. Michel Jajolet de la Courbe constatant qu’ils étaient en très mauvais état, les fit battre et il en sortit une si grande quantité de vers que l’ habitation fut envahie.
Sur ces entrefaites il arriva devant la barre de Saint-Louis, le vaisseau la « Catherine» , commandé par le Sieur Guyon Basset, frère du commandant de Gorée, Denis Basset . Sur ce vaisseau était le Sieur François Truffault, teneur de livres de l’ile, qui allait rendre ses comptes en France.
Ils débarquèrent tous les deux, et furent bien reçus par Michel Jajolet de la Courbe. Le Sieur Guyon Basset chargea la gomme, les cuirs et les provisions pour le voyage.

Le Sieur Jehan de l'Estrille, capitaine de la « Renommée » prévint Michel Jajolet de la Courbe, des mauvais offices que ces deux personnes étaient disposées à lui rendre auprès de la Compagnie, ayant constatés tout le chagrin des commis, qu’il fut là pour les surveiller.
Michel Jajolet de la Courbe, résolu à se comporter honnêtement, fit charger tout le strong>morfilLamarche venait d’ amener du Haut-fleuve, rédigea ses dépêches et renvoya par la « Catherine », quelques commis qu’ il jugeait incapables de rendre aucun service.

Le 16 août 1685, Michel Jajolet de la Courbe, partit pour les Îles Canaries, à bord de la corvette la « Gaillarde », un navire de 50 tonneaux, commandé par le Sieur Brus (André Brüe ?), marin originaire de l’île de Ré, qui lui avait été prêtée par Denis Basset, le commandant de Gorée.
Il laissait le commandement au Sieur de la Marche et emportait des marchandises et 20 captifs, qu’il comptait y vendre. Après une longue et pénible navigation, au bout de 50 jours, se trouvant encore à trente lieues des Canaries, et les vivres manquant; en accord avec le Capitaine ils revinrent à Saint-Louis.

Michel Jajolet de la Courbe arriva à Saint-Louis le 4 octobre 1685, où devant la barre, une barque amena le Sieur de la Marche et l’Abbé de Rozier de Cordon, l’un des aumôniers de l’habitation, qui lui apprirent que Louis Moreau de Chambonneau était revenu le 16 août 1685, jour de son départ, qu’il était furieux, l’accusant de lui avoir enlevé ses captifs, d’avoir pillé ses biens et d’avoir volé les effets de la Compagnie, bien qu’il les eût lui même enfermés dans des coffres, scellés de sa main avant son départ.
Il accusait les commis de s’être fait complices de ce prétendu vol et les menaçait de les renvoyer par le premier vaisseau qui passerait. Ils les avait exclus du magasin, avait refusé de prendre ses repas avec eux selon la coutume.
Les aumôniers avaient fait des démarches pour l’apaiser, mais il ne répondait que par des injures. Révoltés de cette dureté et de cette injustice, les commis allèrent le trouvé et le prièrent de leur rendre ses bonnes grâces, déclarant qu’ils étaient prêts à lui obéir. Il recommença ses menaces. Alors ils lui dirent qu’ils ne voulaient plus le reconnaître comme commandant, et qu’ ils l’ arrêtaient pour le renvoyer en France par le premier vaisseau. Il se défendit, mais il fut saisi, enfermé dans une tourelle et gardé à vue. En même temps, les rebelles prirent les registres des comptes et tous les papiers, mirent les scellés sur les coffres et aux portes des magasins.

Michel Jajolet de la Courbe leur déclara qu’ils étaient très coupables d’ avoir agit ainsi, et espérait que la Compagnie serait moins sévère dans son jugement, qu’il ne l’ était lui même, puis s’ enquit du résultat du voyage de Galam.

Louis Moreau de Chambonneau, arrivé à l’ escale de Chieratik, à 150 lieues de Saint-Louis, s’était brouillé avec l'Almamy des Fouls, celui-ci, ne lui avait par permis de monter jusqu’à Galam, craignant que dans ce pays, il fit alliance avec un chef Fouls exilé nommé Samba Boué, qui entretint en effet la guerre pendant près de quinze ans contre l'Almamy du Chieratik régnant, jusqu’au jour où il parvint à le supplanter.
Il n’ avait pas voulu se soumettre à cette défense; il était monté jusqu’à Bittel, mais là, il y avait eut une querelle entre lui et ses « Laptots », ceux ci l’ avaient abandonné et étaient revenus par terre.
Louis Moreau de Chambonneau avec les «blancs» qui l’ accompagnaient et quelques captifs qu’ il avait achetés, avait pu ramener sa barque à Saint-Louis.

Carte Sénégal 1707 Delisle
Carte Sénégambie - Delisle 1707 (Source Gallica - BNF)



Michel Jajolet de la Courbe consentit à exercer le commandement provisoire, jusqu’à ce que la Compagnie remplaca Louis Moreau de Chambonneau. Il rédigea un Procès verbal de la prestation de serments des habitants le reconnaissant comme commandant et jurant de le servir et de lui obéir; le fit signer par tout ceux qui savaient écrire; et dressa un état des effets de la Compagnie au moment où il prenait possession du pouvoir.
Il envoya immédiatement l’ Abbé de Rozier de Cordon, l’ un des aumôniers, sur le vaisseau la «Gaillarde» commandé par le Sieur Brus(André Brue ?), à Bissaos, où il savait trouvé le Capitaine Jehan de l'Estrille commandant la « Renommée», pour qu’il lui transmettre les pièces justificatives de tous ses faits de façon que la Compagnie en fût averti, dès le retour du bateau. Il y joignit un mémoire justifiant sa conduite contre les calomnies de Louis Moreau de Chambonneau, dont il avait trouvé la preuve dans les papiers laissés par celui-ci.

Fort de ce pouvoir, Michel Jajolet de la Courbe envoya le Sieur de la Marche, qu’ il considérait comme un esprit dangereux, accompagné des plus mutins parmi les commis , faire la Traite au Lac du Panié-Foul, auquel il espérait pouvoir pénétrer; là se trouvait l’escale du Bourba-Djolof, qui avait beaucoup de captifs à négocier.

Carte Sénégal 1690
Carte Sénégal 1690 - (Source Gallica - BNF)



Puis il rétablit les choses dans l’ état où elles étaient avant le retour de Louis Moreau de Chambonneau et remit les commis qui avaient été déplacés.

Michel Jajolet de la Courbe apprit que le Brak du Waalo, dont le Royaume, où se situait la Colonie dépendait du Damel du Cayor Makhourédia Diodio Diouf Fall, était à Montaubé, à deux lieues de Saint-Louis. Il était de coutume de lui rendre visite et de lui porter un présent, ainsi qu’ à tous les grands du pays qui l’ accompagnaient. Il fit donc armer une barque et accompagné du Sieur de Ronsy, garde-magasin et de deux autre commis, se rendit au village, où il tira un coup de canon pour l’ avertir de son arrivée.

Extrait carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie Sources Gallica-BNF

Le Brak du Waalo parut monté sur un très beau cheval barbe, il s’approcha de l’eau avec toute sa Cour, mis pied à terre et accompagné de trois seigneurs favoris et quelques griots, monta à bord, après avoir ôté ses éperons.
Michel Jajolet de la Courbe le reçut à l’entrée de sa chambre sans ôter son chapeau, ni lui son bonnet, il lui serra la main, les fit entrer et proposa au Brak de s’ asseoir à sa droite sur son lit, où après un moment il s’y accroupit. Ses favoris qu'il nomma Malo, Guiodin et Mambroze, s’ installèrent sur un banc à côté de lui. Michel Jajolet de la Courbe installa ses officiers vis à vis d’ eux et à côté de lui.

Après un temps d’observation mutuelle sans parler, Michel Jajolet de la Courbe fit venir son maître langue (interprète), et lui fit dire: qu’étant si proche de son habitation, il croyait qu’il viendrait y faire un séjour, mais qu’ ayant appris que le Brak n’avait pas coutume d’ entrer dans les habitations des «blancs», et qu’ étant désireux de le connaître et de faire amitié, il était venu lui apporter en présent un petit baril d’ Eau-de-vie (alcool), dont il savait qu’ il était très friand, une bandoullière d’ écarlate pour lui faire un baudrier; une housse de drap rouge pour son cheval avec 6 écheveaux de laine de plusieurs couleurs pour y faire de la frange et de la broderie à leur manière, et deux mains de papier pour faire des Grigris.
Il y ajouta 2 onces de clous de Girofle, une rangue de corail avec une masse de gros galets pour donner à ses femmes, dont il parut fort content. Après avoir fait aussi des présent à chacun des grands qui l’ accompagnaient, le Brak lui répondit qu’ il était fort obligé de sa visite, que s’il lui avait été permis d’ entrer dans l’ habitation des «blanc», il l’ aurait prévenu, mais que son père, son grand-père, ni ses aïeux, ni aucun de ses prédécesseurs ne l’ avaient fait et que pour cette raison, il ne lui était pas permis d’ y aller.
Le Malo, qui est le plus grand seigneur du pays, qui établit et dépossèdent le Brak, qui contrôle ses actions, se leva, ainsi que les deux autres, ôta son bonnet et lui fit son compliment, cependant que les griots, qui étaient restés à la porte de sa chambre, s’égosillaient en chantant ses louanges, accompagnés d’ instrument à 3 cordes, au bout duquel il y avait des grelots attachés.
Les autres griots qui étaient au bord de l’eau, faisaient un bruit épouvantable, avec une douzaine de tambours, et criaient à pleine tête en le nommant «Samba Bourgaye», qui veut dire Maître de la Mer.

Ensuite le Brak examinant l’ habit de Michel Jajolet de la Courbe, qui était vêtu d’un juste au corps bleu avec des agréments d’ or et une veste d’ été cramoisi et blanc, et le trouvant fort à son gré, lui demanda s’il ne pouvait pas avoir un habit de la même étoffe. Michel Jajolet de la Courbe lui répondit qu’ il n’y en avait pas à Saint-Louis, mais qu’il pouvait en faire venir de France. En échange le Brak, en lui serrant la main, lui promit 3 captifs en paiement. Il admirait surtout la façon de son juste au corps et particulièrement la botte des manches, qui était fort ample, mais ne pouvait souffrir nos culottes parce qu’ elles étaient trop juste, étant habitué aux leurs, qui avaient 6 aulnes (7,20 m) d’ étoffe; il prit ensuite son chapeau où il y avait un plumet blanc et en riant demanda à sa suite, s’il lui seyait, ce qui donna nouvelle matière aux griots de chanter.

Le Brak était vêtu d’un habit fait de pagne de maure, qui estimaient la valeur d’un captif. C’ étaient des bandes de toile de coton noires et fort fines, large d’ un demi pied, lustrées comme un treillis, cousues ensemble, leurs tisserands ne sachant par en faire de plus larges. Il avait à son col un macaton de cuir rouge, qui est une espèce d’ étui carré, dans lequel il porte toujours son Alcoran (Coran), car il était Mahométan, et son bonnet était tout chargés de Grigris; ses sandales étaient différentes de celles des autres, elles étaient comme de petites bottines ou brodequins qui lui montait jusqu’au gras de la jambe, et qui étaient portées par tous les Rois du pays. C’ était un homme grand et bien fait et pouvait avoir 45 ans, il avait l’ air noble et la parole fort agréable. Il avait de petits yeux et le nez large et plat.

Après quelque temps, le Brak se coucha familièrement tout de son long sur le lit, puis demanda à boire. Michel Jajolet de la Courbe lui fit apporter une tasse d’ argent dans laquelle un de ses grands versa de l’ Eau-de-vie (alcool), la goûta et la fit passer au Brak qui en bu à sa santé et donna le reste à ses griots. Le Brak lui parla d’ un voyage qu’ il allait faire à la Cour du Damel du Cayor, Makhourédia Diodio Diouf Fall.
Le Damel était un titre commun à tous les Rois de ce pays, qui s’étendait depuis la rivière du Sénégal jusqu’à environ 5 lieues au delà du Cap-Verd, un lieu nommé «Bregny».

Le Brak devait aller voir Makhouredjia Coumba Diodio Diouf, 11ème Damel-Bour-Saloum du Cayor, pour le remercier du pays qu’il lui avait donné et demanda conseil à Michel Jajolet de la Courbe, qui lui dit puisqu’ il était persuadé que le Damel, Makhouredjia Coumba Diodio Diouf était de ses amis, et qu’il lui avait donné des marques par le présent qu’il lui avait fait, il ne devait pas faire de difficulté de se soumettre à sa bonne foi, que cependant il devait toujours se tenir sur ses gardes, et ordonner à ses gens de ne pas le quitter. Ils approuvèrent tous ce conseil en disant «degala» et «rafetman», c’est à dire fort bien, il est vrai.
Le Brak le pria de lui prêter quelques écharpes, macatons d’argent et autres ornements afin de paraître plus leste. Mais Michel Jajolet de la Courbe considérant que prêté au Brak, était autant de perdu, s’ en excusa en lui disant qu’ il avait tout envoyé à la Traite. Voyant son air chagrin de ne pouvoir paraître dans ce voyage extraordinaire, il lui dit qu’il se souvenait, qu’ il restait encore 2 écharpes au magasin et qu’il les lui prêterait avec un sabre argenté, ce qui lui fit plaisir.

Le Brak prit congé, en sortant de la barque ses éperons lui furent rendu, il prit sa sagaie longue comme une demi pique, monta sur son cheval à gauche, en mettant le pied droit à l’ étrier, il prit la bride et le pommeau de la selle de la main gauche et s’ appuyant à droite sur sa sagaie, il s’ élança sur son cheval; tout sa suite ayant fait la même chose; ils se mirent à courir pour faire voir leur adresse, faisant mine de lancer leurs sagaies au bout de la carrière; puis ils revenaient à toute bride au bords de l’eau; ayant fait plusieurs fois ce manège, ils se retirèrent.

Michel Jajolet de la Courbe revint ensuite à l’île de Jean Barre par terre, car le vent était contraire, et arriva vers minuit au village de Dyemsec.
Jean Barre lui témoigna de l’ obligation extrême que tout le pays avait de la visite qu'il avait rendu au Brak, au milieu de la place du village, il fit allumer, devant sa case, un grand feu entouré de grandes nattes, sur lesquelles il se reposa avec ses officiers.
Lors de cette soirée, un Marabout africain prétendit expliquer la manie du vol qui possède les africains, en disant que le Père des hommes avait eu trois fils: l’ un était blanc, le second bistré, c’ est de lui que descendent les Maures, le troisième noir, l’ ancêtre des africains.
Leur père, à sa mort, laissa beaucoup d’ or, beaucoup de troupeaux et ses habitations garnies d ‘un mobilier aussi abondant que peu varié, pagnes, pipes, tabac, calebasses...
La nuit venu, l’ Africain qui avait beaucoup mangé, quoi que la mort de son père l’ affligea, s’ endormit. Alors l’ aîné de ses frères le blanc, prit l’ or et les bijoux et se sauva très loin, jusque dans le pays où vit encore sa race. Le second profitant encore du sommeil de son indolent compagnon, emmena la nuit suivante les troupeaux, voilà pourquoi les Maures en ont beaucoup.
L’ Africain fut obligé de se contenter de ce qui restait, c’ est à dire les calebasses, les pagnes, les pipes et le tabac, mais il résolut de se venger du mauvais tour que ses frères lui avaient joué, en tâchant de leur reprendre quand il le pourrait, tout ce qu’ ils lui avaient ravi. C’est ainsi que le Marabout expliqua l’ habitude du vol chez ses compatriotes.

Le 1er novembre 1685, le commis Gauberon, originaire de Dieppe, qui connaissait bien le pays et descendait le fleuve en barque, avec peu de compagnons eut une aventure périlleuse. Ils s’ étaient arrêté sur la rive droite, pour faire cuire le couscous de son équipage; la chaudière était sur le feu, lorsque des Maures apparurent; les Laptots et les blanc sautèrent dans la barque et s’ éloignèrent du bord, assez inquiets pour leur repas. Les Maures approchèrent aussi avides de s’ emparer du couscous que les autres de le conserver; il y eut un échange de coups de feu entre les deux parties; quelques Maures furent tués et les autres s’ enfuirent; les français et leurs Laptots reprirent glorieusement possession de leur chaudière.

Quelques jours plus tard, Michel Jajolet de la Courbe, résolut d’ aller faire un voyage au Lac Cayar, où l’ on traitait depuis quelques années une certaine quantité d’ ivoire, d’ ambre gris et de plumes d’ autruche. Il partit en barque avec 6 blancs, 8 Laptots, un maître de langue (interprète), emmenant avec lui son commis Gaudebon.
Le jour même, il arriva à Bouscar, à 12 lieues de Saint-Louis.

Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)
Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)



De grands troupeaux de vaches paissaient sur les deux rives du fleuve, qui lui parurent plantées et verdoyantes.
Désireux de boire du lait, il descendit à terre et se rendit à un corral où les vaches étaient au piquet, attachées en cercle de telle façon qu’elles puissent se défendre elles mêmes contre les attaques des bêtes féroces et les veaux étaient parqués au milieu.
Le chef de Bouscar vint à lui, le reçut avec beaucoup d’ aménités, se déclarant très heureux de le recevoir sur ses terres; il avait appris qu’il était très généreux et disposé à vivre en bonne amitié avec les gens du pays. Il l’invita à assister à la fête de Tabaski, par laquelle les Musulmans du pays terminent le jeûne du Ramadan.
Le lendemain, Michel Jajolet de la Courbe, voulu aller jusqu’ à Ingurbel (Diourbel) Capitale du Brak, située à trente lieues de Saint-Louis, sur la rive gauche. Mais il n’y parvint pas ce jour là, car il rencontra le Sieur de la Marche, qui revenait à Saint-Louis, sans avoir pu pénétrer au Lac du Panié-Foul, à cause de la baisse des eaux.

Michel Jajolet de la Courbe arriva au Lac Cayar, dont l’ entrée était un petit marigot large de huit brasses et profond de quatre; il y pénétra avec sa barque, constata que le marigot s’ élargissait à mesure qu’ils avançaient, et parvint ainsi avec ses hommes jusqu’à un village appelé Ingrin. Il y fut bien reçu par un chef qu’il s’ appelait Riquet, et qui était, paraît-il, dans sa jeunesse, la terreur des Maures du voisinage. Il poursuivi jusqu’ au village de Quédé, mais ne put passer outre, parce que les eaux avaient déjà beaucoup baissé. Il eut ensuite une entrevue avec le chef du village de Cayar, auquel le Lac devait son nom.

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690 Source Gallica-BNF


Michel Jajolet de la Courbe ayant appris qu’il y avait dans la région quantité de mil et de fèves, organisa une traite où plus de 300 marchands du pays s’y rendirent, en apportant quantité dans des «toulons», espèces d’outre en peau de boeuf.
En quelques jour, il remplit sa barque qui jaugeait 20 tonneaux, sans avoir déboursé une valeur de plus de 100 livres. Quand il repartit, il eut quelques peines à franchir le marigot, mais parvint à Saint-Louis en quatre jours.

À son retour, Michel Jajolet de la Courbe apprit qu’un de ses commis, qui était allé se promener dans l’île de Biffeche, avait par inadvertance, en tirant un oiseau, mis le feu au toit de paille d’une case; les habitants du village l’avaient arrêté pour lui faire payer les dégâts. Le Sieur de la Marche qui commandait l’habitation à sa place, avait fait saisir comme otage un habitant de Biffeche, qui se trouvait être le captif du Brak. Il avait payé une rançon de 36 peaux de boeuf, pour faire remettre en liberté le commis, mais conservait le captif du Brak, déclarant qui le rendrait si la rançon lui était restituée. Le Brak, offensé qu’il osa toucher à un captif de sa couronne, demandait qu’il lui soit rendu sans condition.

Cette querelle qui parut d’abord se régler par la négociation, dégénéra quand le 27 novembre 1685, le Sieur de la Marche alla, sur une barque montée par douze blancs et quelques africains chrétiens, réclamé au village de Biffeche les 36 cuirs auxquels il tenait tant. Il eut l’imprudence de descendre à terre près du village du chef, et, plutôt que de négocier, ils se mirent à piller les premières cases qu’ils trouvèrent sur leur chemin. Les africains se rassemblèrent, assaillirent la petite troupe et la coupèrent de la rive.
Le Sieur de la Marche fut tué sur place, avec trois de ses compagnons, plusieurs autres furent blessés; ils furent ramenés par les africains chrétien à Saint-Louis le 15 décembre 1685, où ce malheur jeta la plus grande terreur.

Michel Jajolet de la Courbe, heureusement avait fait palisser les bâtiments, et derrière ce rempart, si faible qu’il fût, ils pouvaient soutenir longtemps l’ attaque des Ouolofs. Les commis étaient découragés. Il renvoya tous les Laptots dont il se défiait, fit faire une garde exacte par les français le long de la palissade, plaça des canons aux endroits qu’il jugea les plus menacés en cas d’ attaque, et prit des mesures comme si la guerre devait avoir lieu avec tout le Waalo.
Heureusement, cette échauffourée n’eut pas de suite. Le lendemain même, quelques alkiers (chefs de village) vinrent faire visite; ils n’ eurent pas de peine à voir que les français avaient pris leurs précautions. Michel Jajolet de la Courbe leur montra les armes qu’il avait en magasin, les vivres, qui étaient très abondants et leur déclara que s’ il était attaqué, il ferait sauter l’habitation plutôt que de se rendre; qu’il se retirerait ensuite sur ses barques et qu’il reviendrait de Gorée en force pour tirer vengeance de l’attaque.

La querelle dura quelques temps; le Damel du Cayor, Makhouredjia Coumba Diodio Diouf, qui en avait entendu parler, voulut s’entremettre; mais comme cela aurait coûté cher, ils se passèrent de lui et finirent par convenir que les français garderait 100 cuirs de boeuf enlevés par le Sieur de la Marche dans l’expédition qui lui avait coûté la vie, et que le captif serait rendu au Brak.

La Paix conclue, il y eut une entrevue entre Michel Jajolet de la Courbe et le Brak, celui-ci déclara alors aux français, qu’il ne se serait jamais hasardé à attaquer l’ habitation de Saint-Louis, car il se souvenait du temps du capitaine Thomas Lambert, avant même que l’habitation actuelle soit construite, il y avait eu querelle entre les africains et les français; Thomas Lambert, n’ayant qu’une petite case de bois, s’y était défendu avec un autre français contre plus de 200 guerriers; ils en avaient tué 10 ou 12 et avaient fait fuir le reste (ce fait d’arme est rapporté à l’ année 1643 par Asseline source: Antiq. de Dieppe).

Après cette alerte Michel Jajolet de la Courbe, invité solennellement par Jean Barre, assista à la cérémonie de la circoncision. Quelques jours plus tard le jour des Rois et la nuit suivante, il reçut dans l’habitation de Saint-Louis, les chefs des villages voisins, les Laptots de la Compagnie et offrit à tout le monde un grand repas; il fit tuer plusieurs boeufs, donna à manger et à boire à plus de deux cents personnes; les africains firent cuire leur viande, chacun de leurs côtés, dans tous les coins de l’île Saint-Louis.
Après qu’ils eurent mangé et but tout leur saoul, ils firent un grand «Folgoar».
Michel Jajolet de la Courbe, inquiet de cette affluence, avait fait mettre des pierriers aux fenêtres des tourelles, et près des canons, ses hommes en armes, montaient la garde, mèche allumée, près à tirer en cas d’attaque.

Au début de 1686, Michel Jajolet de la Courbe ayant trouvé dans les archives du poste, un mémoire du Sieur De Launay, qui avait précédé Louis Moreau de Chambonneau à ce poste, donnant des renseignements sur le commerce à essayer dans la région du Bourba-Djolof, où il pensait qu’il était possible de ramener des captifs par terre, et les cuirs en barques à travers le Panié-Foul, à l’époque de la crue; il y envoya un commis appelé Georges, avec deux bateaux pour y faire la traite.

Lorsque Makhourédia Diodio Diouf Fall, 11ème Damel-Bour-Saloum du Cayor apprit que les français voulaient aller traiter chez son voisin, le Bourba-Djolof, il leur fit dire, qu’il leur interdisait de passer par ses Etats; il craignait que ce nouveau commerce nuisit aux paiements des coutumes.
Michel Jajolet de la Courbe s’ entendit avec le Brak, et déclara au Damel Makhourédia Diodio Diouf Fall, qu’il ferait passer ses commis par le Waalo.

Au mois de février 1686, des nouvelles de Gorée apprirent à l’étonnement de Michel Jajolet de la Courbe, que l’abbé de Rozier de Cordon, qu’il avait chargé de ses dépêches, s’était permis de les ouvrir et de les montrer à tout le monde.

Le 14 février 1686, arriva de France, le vaisseau «Saint-Jean de Bordeaux», commandé par le capitaine Lecerf, qui annonçait l’arrivée de quatre autre navires envoyés par la Compagnie: la «Catherine» du capitaine Guyon Basset, la «Sirène» du capitaine Deslandes, la «Victoire de Saint-Malo» du capitaine de la Closerie, qui avaient mission de toucher à Portendik, pour saisir les interlopes.
La Compagnie prescrivait à Michel Jajolet de la Courbe de renvoyer en France les gens de la religion prétendue réformée, selon l’ordre qu’elle en avait reçu du Roi Louis XIV, à moins qu’ils adjurent pour rester dans le pays.

Le 7 mars 1686, Michel Jajolet de la Courbe désireux de voir la traite de la gomme chez les Maures, s’embarqua pour l’escale du Désert, il laissa huit hommes à Saint-Louis et emmena dix commis, douze Laptots et un interprète. Il passa à Maka, escale du Petit Brak, qui prévenue la veille de son arrivée vint lui rendre visite et se rendit à bord accompagné de 2 de ses grands, il lui fit présent d'un boeuf et en reçut le paiement ainsi qu'une bandoullière d'écarlate. Puis après avoir bue le l'Eau de vie, ils repartirent à moitié ivres. Après leur départ Michel Jajolet de la Courbe alla voir les salines près de ce village, c'était un grand étang plein d'eau salée, où le sel se faisait naturellement, après avoir été retiré du fond de l'eau et amassé par tas pour le laisser égoutter.

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690Source Gallica-BNF - Clic...


Comme Maka était dans une très grande île, Il vit des troupeaux considérables d’antilopes. Tous les ans, les habitants mettaient le feu aux herbes en amont des îles, les animaux effrayés, se rassemblaient à l’extrémité aval, et les africains, armés de sagaies, montant sur leurs barques, les cernaient et en tuaient une grande quantité pour en boucaner la viande.
Il remit à la voile vers 22 heures et arriva le lendemain matin, le 10 mars 1686 à l’escale de Sérinfaly, grand Marabout africain, chef des Maures Darmankor.

Le 11 mars 1686, il arriva à Boucsar c'était une réunion de cinq ou six village, au bord du fleuve. Des Maures Sargantes, y nourrissaient beaucoup de chameaux et de bestiaux en payant des coutumes aux seigneurs du pays. Les plus grands canots étaient construit dans ce pays, ils faisaient 3 ou 4 pieds de large et s'en servaient pour aller chercher du sel à Bieurt ou Maka, pour ensuite aller l'échanger contre du mil dans le pays Foule.
Il ne s’y traitait plus dans cette région qu’à peine douze mille cuirs par an. Jadis il y avait eu alentour un grand nombre de boeufs; mais les africains ayant eu une guerre avec les, Maures. Ceux ci persuadèrent les Wolofs, de se révolter contre leurs Rois, en leur faisant croire que par leurs prières ils feraient pousser le mil sans qu’ils eurent la peine de travailler. Ils profitèrent le la discorde pour tuer le Brak qui s’ appelait Farakomba et chasser le Damel du Cayor et le Bourba-Djolof de leurs Etats. Mais l’ année suivante , le mil n’ayant pas poussé, les africains affamés durent manger tous leurs bestiaux; ils élurent d’ autre chef, et parvinrent à chasser les Maures.
Caye, était le seigneur du Pays et le neveu du Brak. Ils étaient présent tous les deux. Tous les maîtres des villages vinrent rendre visite à Michel Jajolet de la Courbe, le principal s'appelait Boucsar, lui fit présent d'un boeuf. Ker, un des grands de Biffèche, dont le pays est vis à vis de Boucsar de l'autre côté de la rivière, vint le trouver et lui fit aussi présent d'un boeuf. C'était un médecin. Michel Jajolet de la Courbe passa devant le marigot des Maringouins, il rapporta, d’ après une tradition conservée par les africains, qu’ un navire espagnol aurait débarqué là un certain nombre d’ hommes, qui construisirent une case à l’ embouchure du marigot. Ils y furent abandonnés et rejoignirent les français de Saint-Louis qui étaient alors commandés par le Sieur Caullier, et restèrent au service de la Compagnie. Si ce fait est exact, il se rapporterait à l’ année 1660 environ.

Le 14 mars 1686, à Gueronque (escale des Darmankors) Michel Jajolet de la Courbe rencontra le Sieur de Rosny, qui descendait de Terrier-Rouge. Le Chieratik n’ avait pas permis la traite à cette escale, parce que les coutumes ne lui avaient été payées intégralement. Le chef du village de Terrier-Rouge, nommé Lhaly, avait essayé de négocier avec le Chieratik pour que la traite eut lieu quand même; mais les français étaient déjà repartis.

Le pays était très favorable pour l’ achat du bétail; il y avait de très beaux boeufs, qui se vendaient pas plus de 30 ou 40 sous de France; les moutons valaient 6 à 7 sous. Les boeufs avaient une bosse entre les deux épaules, qui était le plus délicat manger qu’il fut possible d’ avoir. Michel Jajolet de la Courbe en avait vu, treize ans auparavant un pareil à Versailles dans le parc du Roi.

Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)
Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)



Le soir du 14 mars 1686 Michel Jajolet de la Courbe arriva à l’escale du Désert, qui appartenait au Brak. Cette escale étant à deux lieues de Diourbel (Ingurbel) où le Brak résidait.

Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)
Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)



Michel Jajolet de la Courbe l’ invita à venir le lendemain, recevoir ses coutumes, mais le Brak refusa craignant d’être attaquer par les Maures, qu'il avait pillé la veille et demanda à être payer à son village. Michel Jajolet de la Courbe se rendit à Ingurbel, ou il fit tirer 3 coups de canons pour annoncer son arrivée. le 16 mars 1686 vers 8 heure le Brak parut accompagné de 30 hommes à cheval, lui ayant demandé avant tout de ne pas amener, à bord de sa barque, avec lui plus de cinq ou six hommes, il lui envoya sa chaloupe, qui fut remplie en un instant. Brak eut toutes les peines à les faire sortir, il ne conserva que Malo, Riquet, Mambroze, Cayer, son griot, et Mantel, qui était comme l'amiral et à qui tous les canots de la rivière payait un droit, deux de ses valets et son alquier.
Michel Jajolet de la Courbe lui expliqua premièrement qu'il allait faire la traite de la gomme à Serinpaté, escale des Darmankor (c'étaient les Aïdou-el-Hadj, fraction des Trarza, au lieu de l'escale du Désert, étant plus près de Saint-Louis, pour y retourner, la seconde qu'il ne but point d'Eau de vie dans sa barque, et troisièmement qu’il n’était pas possible de lui faire de présents considérables, parce qu’il avait juste la quantité de marchandises nécessaires pour faire la traite et le pria de ne plus s’enivrer, pour que la police fut plus facile à l’escale pendant son séjour.
Brak l'écouta et fit réponse qu'il n'était venu qu'avec l'intention de faire du bien, qu'il ne boirait pas et ne demanderait rien, mais qu'il le priait de faire la traite à l'escale du Désert au lieu de Serinpaté et ne doutait pas qu'il lui accordasse ce plaisir, quand il en saurait la raison.

Extrait carte Afrique du Cap-Blanc à la Gambie de 1690
Carte Afrique du Cap-Blanc à la Gambie de 1690 (Source Gallica - BNF)



Malo premier seigneur du pays qui mettait et dépossédait le Brak quand il voulait, se leva, prit la parole et expliqua qu'ayant pillé depuis quelques jours les Maures, ceux ci se préparaient à leur faire la guerre, ce qui obligeait le Brak à ne pas s'éloigner de sa case, et le priait de faire la traite à l'escale du Désert , et même à Ingurbel, afin qu'en cas d'attaque, il puisse se porter à son secours et empêcher les Maures de passer la rivière.
Michel Jajolet de la Courbe lui répondit qu'étant de ses amis, il le défendrait contre tous ses ennemis, et que la Compagnie serait ravie de lui donner en cette occasion une marque de son amitié au préjudice même de ses intérêts, et qu'il ferait la traite à l'escale du Désert, qui n'était qu'à 2 lieues de son village, mais aussi devant son escale s'il le désirait. Alors tout le monde s'écria Degala, qui signifiait "fort bien", et le Brak prit la parole lui disant qu'il était fort obligé, qu'il suffisait qu'il fasse la traite à l'escale du Désert sans venir à son escale, et qu'il serait très content de lui. Ensuite les coutumes furent payées, et il lui fit présent d'un captif pour lequel il lui donna 10 piastres, et partit en lui demandant de faire tirer 3 coups de canons pour son départ, ce qui lui fut accorder.

Le même jour, deux filles du Roi défunt, père de celui qui s‘appelait Fara Comba, qui fut tué en combattant contre les Maures, vinrent lui rendre visite .
Elles étaient toutes deux assez belles, une avait le teint poli et noir comme Geay. Une d’elles était mariée à un grand du pays nommé Brieu (héritier présomptif du Brak, seigneur du Panié-Foule.

Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)
Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)



Elles étaient accompagnées de deux filles chacune et d’une griotte dont la tête était chargée de Grigris ou boîtes d’argent.

Michel Jajolet de la Courbe leur fit servir de l’eau avec du miel qu’elles aimèrent fort et du biscuit qu’elles trempèrent dedans, avec des pruneaux de France qu’elles trouvèrent excellents. Elles s’ excusèrent de ce qu’elles n’avaient rien apporté et promirent chacune un boeuf.
Elles étaient habillées de deux belles pagnes noires rayées de blanc, dont l’une servait de jupe et pendait jusqu’ au pied, et l‘autre leur servait de manteau et faisait une longue queue traînante, ce qui les distinguait des personnes de moindre condition.
Elles ne portaient pas toujours cette pagne de la même façon, elles laissaient quelquefois voir un de leurs bras et un de leurs tétons; quelquefois même lorsqu’il fait chaud, elles le quittaient tout à fait et se montraient nues de la ceinture en haut; elles avaient au col des colliers de Corail entremêlés de perles d’or avec une quantité de clous de girofles enfilés, faisant un gros paquet qui leur pendait sur le sein. Elles avaient aussi à chaque bras deux menilles ou bracelets l’un d’or et l’autre d’ argent, et des chaînes avec des coquilles et des grelots au bas des jambes près de la cheville du pied. Elles étaient chaussées de sandales de cuir rouge comme celles des anciens, fort proprement faites, qu’elles quittèrent un moment après pour être à leur aise.
Leurs cheveux étaient tressés par derrière en forme d’éguillettes à quatre ou cinq rangs, qui leurs pendaient sur le col d’une oreille à l’autre, comme une frange, et leurs cheveux du dessus étaient élevés en crête remplie de coton pour la soutenir, ceux du devant étaient séparés et couchés en paysanne et les bouts faisaient trois feuilles ou coquilles de chaque côté sur le front, de la tempe et de leurs oreilles, qu’elles avaient toutes découvertes, où pendaient à l’une, deux pierres de corail et l’autre deux anneaux d’ or. Elles avaient en main un petit crayon noir dont elles se noircissaient de temps en temps le tour des paupières et les ongles des mains forts grands et rougis au bout; leurs dents étaient parfaitement bien rangées, petites et blanches, et elles avaient soins de les frotter souvent avec un bâton de «quélélé».

Après avoir parlé de plusieurs choses, elles chantèrent un air de la Cour à la mode de leur pays et firent ensuite danser leur <griotte, mais Michel Jajolet de la Courbe se lassa bientôt de la danse: car elle fit tant de postures lascives, venant même effrontément lui sauter au cou, qu’il les pria de la faire cesser.
Il leur fit présent de quelques bagatelles et, entre autres, d’un petit miroir à chacune, dont elles furent très contentes, et lui ayant témoigné qu’elles voulaient s’en aller, il les renvoya dans une chaloupe.

Le lendemain le Brak vint lui rendre visite, il était accompagné de trois de ses filles et d’ une de ses femmes: elle n’était pas belle mais avait un certain air de grandeur et tenait dans ses bras un petit enfant qu’elle nourrissait elle même.
C’était une chose plaisante que de voir comment ils étaient disposés: le Brak était assis sur un coffre, ayant un pied à terre, et l’autre sur la cuisse de sa femme, qui était à côté de lui; il avait une de ses filles couchée par terre entre ses jambes qui lui embrassait la cuisse par dessous. Chamchy le Maître des Maures-Marabouts, ou fernis qui se nomme aussi Dermante, et qui appartient à l’escale du Désert où la gomme est traitée, vint à sa barque avec deux de ses fils et trois autre Marabouts. Quand il vit le Brak, il ne voulut pas parler d’affaires devant lui, mais après avoir salué à la manière des « Africains » en faisant claquer ses doigts comme une <Castagnette, il lui dit qu’il était seulement venu pour le voir et faire connaissance.
C’était un petit homme assez blanc de visage âgé d’ environ 65 ans; il avait une barbe grise et longue, il était coiffé d’ un turban composé d’un bonnet rouge et d’un metel ou pièce de mousseline blanche qui faisaient dix ou douze tours autour de sa tête. Il était vêtu à la manière des africains, d‘un habit ou chemise de pagne blanche ayant par dessus une grande couverture d’étoffe de laine blanche barrée de soie écarlate, dont il était négligemment enveloppé et tout semblable aux Apôtre qui sont dépeints dans les tableaux. Après avoir reçu quelques présents ils se retirèrent.
Michel Jajolet de la Courbe envoya le Sieur de Ronsy continuer la traite de la gomme à Terrier Rouge et retourna à l'escale du Désert, où il se fortifia; il fit entourer le lieu où devait se faire la traite, d’un fossé assez profond, dont il fit garnir l’ escarpe de fagots d’ épines. Il établit sa barque en face, à quelques brasses de la rive, et fit braquer un pierrier de manière à balayer, si besoin était, les abords du marché.Les premiers Maures et Mauresses arrivèrent le 20 mars 1686, pour y faire le commerce.
Michel Jajolet de la Courbe décrit ainsi l’habillement des femmes Maures: « ... elles portent des jupes de peaux tailladées en lanières. Quand elles sont immobiles, le vêtement est suffisant, mais dès qu’ elles remuent, il laisse deviner leurs formes.»

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre en 1690

Carte de la Coste d'Afrique depuis le cap blanc jusqu'à la Rivière de Gambie, présentée à Monseigneur de Pontchartrain ministre dressée en 1690Source Gallica-BNF - Clic...


Le 26 mars 1686, pensant que le navire la «Sirène», commandé par le Sieur Deslandes était arrivé à l’habitation de Saint-Louis, Michel Jajolet de la Courbe décida d’y retourner. Mais il arriva trop tard, le vaisseau était déjà repartie. Il demeura à Saint-Louis le 28 mars 1686, pour y faire ses "Pâques" et repartit le 30 mars 1686, après avoir chassé quelques femmes débauchées qui s'y était glissées pendant son absence, et arriva le 1er avril 1686 à l’ escale du Désert.

Le 2 avril 1686, le chef des Maures Dermantes (Darmankors), nommé Chamchy, vint à l’escale rendre visite à Michel Jajolet de la Courbe. Il lui expliqua que les Dermantes étaient des Marabouts, c’est à dire des tribus non guerrières.
Le 5 avril 1686, après 2 ou 3 jours de négociation , sous l'arbitrage du Brak, ils s'entendirent sur le prix du quintal de la gomme et la traite commença. Tous les jours des caravanes de dix, vingt ou trente chameaux, ou boeufs porteurs arrivaient.

Boeuf porteur 1885 photos Hostalier Collection Bonnevide (Source Gallica - BNF)
Boeuf porteur 1885 photos Hostalier Collection Bonnevide (Source Gallica - BNF)



L’ interprète de Chamchy, nommé Mahagne, vint lui proposer de tromper son maître sur la quantité de gomme vendue, et de lui faire avoir en cachette tout l’or et tout l’ambre gris que les Maures apportaient en traite. Les commis avait l’habitude de négocier pour leur compte, et à des prix extrêmement bas, ces marchandises précieuses et de peu d’encombrement, qu’il était facile de dissimuler. Ce qui expliquait que la Compagnie en obtint si peu . Michel Jajolet de la Courbe refusa l’offre et surveilla d’ autant plus strictement ses commis.

Le même jour Michel Jajolet de la Courbe vit venir une belle africaine de 17 ou 18 ans, qui lui proposa ses services pour blanchir ses effets, le peigner, le frotter et lui donner tous les soins corporels qu'ii voudrait, il refusa ces offres, mais celle-ci lui déclara que telle était toujours l’habitude des français, et qu’elle était destinée au service du chef, il accepta le blanchissage de son linge.

Le 3 avril 1686 vers 2 heure du matin, Brak envoya son Bouquenet demandé à Michel Jajolet de la Courbe de lui envoyer ses Laptots armés. Prévenu à son réveil et craignant une attaque des Maures, décida de se rendre à l'escale d'Ingurbel, mais le messager du Brak, lui assura que ce n'était pas nécessaire. Le roy des Maures Addy devant rendre visite le lendemain, il suffisait de lui envoyer des Laptots armés pour faire voir qu'il était toujours bien accompagné et sur ses gardes.
Michel Jajolet de la Courbe envoya 6 Laptots, avec chacun un mousquetons, de la poudre et du plomb. Addy étant arrivé avec ses gens et 20 fusilliers, fit faire une salve, et les Laptots, joints aux gens du Brak, au nombre de treize, leur rendirent le salut, et comme leurs armes étaient chargées à balles, les Maures les entendirent siffler au dessus de leurs têtes. Ensuite un bal fut donné, Addy offrit un cheval au Brak, en échange captif, puis ils se séparèrent fort contents.

Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)
Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)



Addy se rendit ensuite voir Michel Jajolet de la Courbe, accompagné d'un de ses frères et d'un grand des Maures. C'était un petit homme trapu et basané, bel homme, le nez aquilain et les traits fort réguliers, la barbe noire et longue, et les cheveux fort courts, et était nue tête. Il alla d'abord voir Chamchy, puis vinrent ensemble à sa barque. Il venait d 'Arguin et commerçait essentiellement aves les hollandais, mais lui assura qu'il en serait toujours ainsi, si ce n'était avec lui, parce qu'il lui avait donné la main et qu'il était satisfait de la bonne réception qu'il lui avait faite. À son départ Michel Jajolet de la Courbe fit tirer un coup de pierrier, et fut très surpris de constater qu'il était monté sur un chameau et appris qu'il réservait les chevaux à la guerre.

Le 9 avril 1686, Brak, vint le voir pour le remerçier de lui avoir envoyé ses Laptots et lui amena 3 beaux captifs, qu'il lui paya bien et lui promit que s'il en amenait encore, il lui ferait un petit présent en plus du paiement.
Le même jour, un maure nommé Baricalla fit présent à Michel Jajolet de la Courbe d’un aigle privé (apprivoisé) de couleur fauve, gros comme un dindon. Il le plaça tout d’ abord dans la chambre de sa barque et le nourrit de viande crue, mais comme il lui gâtait tout avec sa fiente blanche comme la chaux qu’il dardait avec autant de raideur que de l’ eau qui serait sortie d’ une seringue, il le laissa courir dans la barque et jouer avec les matelots; mais quelques temps après, s’étant mis à l’ ombre sous une barrique à demi penchée, quelqu’un alla la remuer par mégarde et l’écrasa. Michel Jajolet de la Courbe en fut bien fâché, car il n’y en avait pas dans le pays et, qu’il venait de fort loin.

Le 10 avril 1686, la grande femme du Brak ( Linguère ), qui est comme la sultane reine, lui rendit visite, accompagnée de plusieurs dames de la première qualité, toutes montées sur des ânes; elles étaient conduites par 10 ou 12 suivantes et valets de pied, parmi lesquels étaient deux griots. Elles arrivèrent devant la barque et les Laptots ne manquèrent pas de leur aller faire la révérence et leur donner la main de peur qu’elles ne tombent à l’ eau. Michel Jajolet de la Courbe les attendait à l’entrée de la barque, il les salua en ôtant son chapeau et les fit entrer dans sa chambre. La Linguère s’assit sur son lit avec deux ou trois des plus qualifiées, lui devant, les autres sur des coffres où elles peuvent. Elles remplissaient tellement la chambre jusqu’à la porte, qu’il se sentit assiégé.

Elles étaient toutes vêtues de pagne qui leurs entouraient la tête en forme de turban et leurs servaient comme de parasol; les ayant ôtés, elles firent paraître leurs coiffures toutes semblables à celles des soeurs du feu Roi, à la réserve qu’elles avaient par dessus une espèce de chaperon fait de pagnes tressées rayées qui est la marque des femmes de qualité; ensuite elles quittèrent leurs pagnes, se montrant nues de la ceinture en haut, hormis la Linguère qui demeura toujours couverte: elle était de belle taille, ayant la physionomie agréable, elles avaient aussi bien que toutes les autres, les dents parfaitement blanches; elles n’ avaient pas oubliées le bois de «quélélé» pour se les frotter.

Elle lui fit dire qu’ayant entendu parler de lui, elle avait eu la curiosité de venir le voir et qu’elle avait apporté de l’or dont elle lui fit présent. C’était comme un petit reliquaire de filigrane, ouvrage de Maures fort bien travaillé, avec cinq ou six «dougueris» ou perles d’ or; le tout valant bien deux pistoles. Les autres lui firent leur compliment, et lui firent présent de quelque chose, les unes un pagne, les autres un cabri et d’autres bagatelles de cette sort. Il les remercia, et elles demandèrent leurs «cassots», ou pipes pour fumer. Les suivantes les allumèrent et leur ayant présentées, elles se mirent toute à fumer, et, en un moment emplirent la chambre de fumée. Comme elles voyaient qu’il ne fumait pas, elles voulurent partir, mais ayant dit que cela ne l’ incommodait pas, elles continuèrent.

Elles firent plusieurs questions sur les femmes de France, sur leur beauté, sur leurs habits et sur la magnificence de la Cour, mais surtout elles estimaient les femmes heureuses en ce que le mari n’en n’avait qu’une, et n’estimaient rien de tout le reste, en comparaison de cela.
Après quelques temps passer à fumer, pendant que les griots qui étaient restés hors de la barque, chantaient à pleines têtes leurs louanges et les siennes, Michel Jajolet de la Courbe leur fit apporter à boire de l’eau et du miel, de l'Eau-de-vie (alcool) et du vin pour celles qui en buvaient; la Linguère et les autres plus qualifiées se contentèrent de l’eau avec du miel dans lequel elles trempèrent du biscuit, et envoyèrent l’Eau-de-vie (alcool) aux valets et aux griots. Puis il ordonna la préparation d’un dîner, c’est à dire de la viande bouillie, avec du couscous qui est leur manger ordinaire. Celui ci prêt, il fut apporté devant la porte de la chambre dans une chaudière et l’une des suivantes étant sortie, en fit la séparation dans plusieurs gamelles et calebasses, et en ayant fait donner une à la Linguère et à ses dames, elle fit distribuer les autres aux suivantes et aux valets.
Sachant qu’elles n’avaient pas coutume de manger devant le monde, il sortit de la chambre pour les laisser en liberté.
Elles ne se servaient pas de cuillères, mais elles mangaient avec leurs doigts en faisant de petites boules de couscous qu’ elles avalaient avec un morceau de viande en guise de pain. Après qu’elles eurent dîné, il leur fit apporter de l’eau pour laver leurs bouches et leurs mains qu’elles essuyèrent avec une pagne; d’autres ne faisaient pas tant de façon et ayant les mains grasses, s’en frottaient le visage, les bras et les jambes comme une pommade.
Après le dîner, Michel Jajolet de la Courbe entra dans la chambre où elles se mirent à fumer et à «calder» de nouveau, c’est à dire converser, ensuite elles lui firent entendre qu’il était temps qu’elles partent, ce qui signifiait qu’il fallait payer les présents qu’elles lui avaient fait. Il les pria de lui dire ce qu’elles souhaitaient, après s’être un peu fait prier, elles demandèrent des miroirs, du corail et du galet. Ce sont de gros grains de verd rouge enfilés qui est un ornement pour la nuit, car elles s’en mettent sept ou huit rangs autour des reins, et surtout des clous de Girofle qu’elles aiment beaucoup.
Après avoir reçu les présent, elles demeurèrent quelques temps pour le remercier puis elles lui dirent «Tago», c’est à dire Adieu. Comme il est de coutume de leur donner encore quelque chose pour cet Adieu, il leur donna à toutes un peu de «verot»: ce sont de petits grains de verre de plusieurs couleurs dont elles se font des bracelets, et c’est comme la monnaie du pays. Ensuite elles s’en allèrent, il leur fit tirer un coup de pierrier et ses Laptots les ayant aidées à descendre de la barque, elles remontèrent sur leurs ânes et s’en retournèrent.

Il n’y a que les enfants de cette Linguère, qui aient droit au Royaume, parce qu’elle était de la famille royale, les autres enfants issues d’autres femmes qui ne sont point de cette famille n’y peuvent succéder.

Le 5 mai 1686, la mère de Leydy, roi des Maures, et épouse d'Addy, vint lui rendre visite. Elle était monté avec sa bru sur un chameau, à côté l'une de l'autre, comme une chaise couverte d'un parasol pour les protéger du soleil. C'était une très grosse femme de couleur olivâtre, qui paraissait avoir été assez belle. Elle avait les petites mains au bout de bras monstrueux de grosseur, elle étati vêtue de salapoury noir. Cet habit était fait comme un manteau détroussé, dont les épaulettes venaient s'attacher par devant avec des agraffes. Sa coiffure était élevée par devant en forme de fontange et pendait un peu par derrière. Elle portait aux oreilles deux grands anneaux d 'or d'un demi pied, et un collier de perles d'or, entremêlé de perles d'ambre. Sa bru était grande et de belle taille, les dents fort blanches, les traits du visage fort régulier, le teint olivâtre et les joues peintes de rouge, avec les bras et la main belle, et les ongles teints de la même couleur. Son habit et sa coiffure étaient semblables à ceux de sa belle mère, si ce n'était que ses cheveux en pendaient, quelques uns natés sur le front et aux côtés des joues, aux bouts desquels il y avait des pierres d'ambre et de corail. Leurs suivantes étaient habillées de même, à la réserve de la griotte, qui était extrêmement parée de toutes sortes de colifichets.
Michel Jajolet de la Courbe, les fit entrer dans la cour, les fit assoir sous un petit abri. Elle lui fit dire que son fils Leydy lui ayant témoigné la bonne réception qu'il lui avait fait, elle avait résolu de venir le voir, et lui amenait un boeuf en présent; puis sa bru puis toutes les suivantes y compris la griotte lui firent des compliments, elle lui annonça la venue prochaine que son fils Leydy lui amenant une grande caravane de gomme.
L'ayant complimentée sur sa bru si belle et si bien faite, Michel Jajolet de la Courbe lui demanda si c'était la sultane reine, ou la première femme du roy son fils, elle lui répondit que les Maures n'en avaient qu'une qui passait pour légitime, et toutes les autres étaient des concubines, qu'ils ne voyaient qu'en cachette. Ensuite elle fit chanter sa griotte. Elle tenait une espèces de harpe dont le corps était fait d'une calebasse couverte de cuir et avait 10 ou 12 cordes, qu'elle touchait assez agréablement; elle commença donc à entonner une chanson arabe assez mélodieuse, mais fort languissante, à peu près à la manière des espagnols ou des portugais, l'accompagnant de sa harpe avec beaucoup de mesure; mais ce qu'il y avait de plus agréable, c'était qu'elle se passionnait extrêmement et faisait quantité de petites façons et de mouvements de tête, faisant en mesure remuer tous ses Grigris et pendeloques, montrant les plus belles dents du monde, tout ce qu'il trouva à redire, c'était que ses mots paraissaient extrêmement rudes et comme tiré du gosier. Après leur avoir fait servir à diner, il leur fit présent de toile noire et de clous de girofles, puis elles remontèrent sur leurs chameaux et s'en allèrent.
Le même jour un pêcheur lui apporta deux crocodiles encore en vie, qui avait la gueule liée. Il les fit tuer, écorcher et remplir de paille.

Le 16 mai 1686, le Brak, vint le voir accompagné de plusieurs grands et lui amena 6 captifs.

Le 19 mai 1686, le Sieur Ragot, qui avait été laissé au Terrier rouge par le Sieurde Ronsy, arriva avec le bac avec 100 quintaux de gomme, n'ayant pu en traiter plus à cause des hollandais qui étaient à Portendic, et auxquelles les Maures donnaient la préférence. Michel Jajolet de la Courbe lui fit prendre sa récolte et le renvoya à Saint-Louis, avec ordre de revenir aussitôt avec toutes les autres barques.

Le 21 mai 1686, Michel Jajolet de la Courbe alla rendre visite au Brak. Arrivé à l'escale, il fit tirer un coup de pierrier pour l'avertir de sa venue, et le Malo et Guiodin vinrent le chercher avec des chevaux pour l'accompagner à la case du Brak, où celui ci donnait audience à ses sujets. Tous les grands étaient assis autour de lui, et après lui avoir donné la main le fit assoir à ses côtés.
Lorsque la cause fut plaidée, un Marabout avait promis à un homme qui allait avec le Brak faire la guerre contre les Maures, qu'il lui donnerait, en échange d'un cheval, un si bon Grigris, qu'il se serait pas tué dans n'importe quelle situation où il se trouverait. Néanmoins ayant été tué dans les premiers, ses héritiers redemandaient le cheval au Marabout, ce qu'ayant réfusé, ils l'assignaient devant le Brak, pour le voir condamner.
Le Brak demanda conseil à Michel Jajolet de la Courbe, qui lui répondit que s'il était juge, non seulement il ferait rendre le cheval par le Marabout, mais le condamnerait encore à une amende pour avoir trompé ce pauvre homme, avec défense de lui faire jamais aucun Grigris, puisqu'il avait si mal réussit. Après l'avoir remerçié, Brak ordonna à peu près la même chose. Et l'audience finie, il le mena dans sa case, qui était de paille comme les autres si ce n'était qu'elle était plus grande et placée au milieu d'une cour spacieuse, à l'entour de laquelle étaient plusieurs autres cases où logeaient ses principaux officiers. Il y avait aussi dans cet espace plusieurs grands arbres pour les mettre à l'abri du soleil.
Après avoir discuter quelques temps assis, Brak l'envoya avec un de ses gagarafs, rendre visite à ses femmes. Elles demeuraient assez proche de sa maison, dans des cases séparées les unes des autres.
Michel Jajolet de la Courbe alla d'abord chez la sultane ou première femme, elle était dans une assez belle case, assise sur le pied de son lit qui n'était pas autrement fait que celui décrit dans la case d'Yemsec, entourée de 5 ou 6 femmes assises par terre sur des nattes qui filaient le coton. Elle le fit assoir près de lui puis, après un échange de compliments, il sortit pour aller voir les autres, puis retourna voir le Brak, qui lui fit visiter ses écuries consistant en 10 ou 12 cases de paille, dans lesquelles il y avait 2 chevaux, puis son chenil, où se trouvait 12 beaux lévriers. Le soir les femmes lui apportèrent le diner, puis il y eut un bal en son honneur.
Dans la soirée après avoir salué la première épouse et les suivantes, et offert des présents Brak le reconduisit à sa barque, où il monta pour recevoir son cadeau d'adieu consistant en une chaîne d'argent, une pièce de toile de conton et quelques bagatelles. Puis il s'en retourna à l'escale du Désert où un Laptot lui apprit que Louis Moreau de Chambonneau venait de revenir à Saint-Louis à bord de la «Catherine» commandé par le Sieur Guyon Basset, pour reprendre le commandement de la Compagnie. Il lui remis une lettre de sa part, et une du Sieur Trufaut, teneur de livres général, qui l'attendaient avec impatience.

Le 1er juin 1686, Michel Jajolet de la Courbe après avoir pris congé de Chamchy et de tous ses enfants, partit de l'escale du Désert avec ses deux bâtiments. Le 3 juin 1686 il arriva à Boucsar, où il trouva deux autre barques qu'il avait envoyé, et qui ayant appris le retour de Louis Moreau de Chambonneau, et craignant son ressentiment l'attendait pour arriver avec lui.

Il arriva le 6 juin 1686 à trois lieues de l’habitation, là il apprit que Louis Moreau de Chambonnau avait fait contre lui des rapports à la Compagnie et que celle-ci avait donné ordre de l’arrêter et de la renvoyer en France les fers aux pieds.

Le 7 juin 1686, il rencontre une chaloupe montée par douze hommes, et commandée par le capitaine Guyon Basset en personne. Il quitta sa barque et monta à bord de la chaloupe et arriva au poste, où se trouvait le Sieur François Truffault, qui portait pour la circonstance le titre de Bailli du Sénégal, charger de l’informer sur les faits qui lui étaient reprochés. Se considérant innocent, il laissa le Sieur François Truffault mettre les scellés sur le magasin, sur tous les coffres, sur ses bagages personnels qu’il laissa visiter; il donna un inventaire de toutes les marchandises qu’il avait traité et comme sa loyauté était incontestable, ni Louis Moreau de Chambonneau ni le Sieur François Truffault n’osèrent l’empêcher de partir pour Gorée, où il se rendit après avoir remis le commandement.
Il déclara qu’il ne pouvait reconnaître la Juridiction du Sieur François Truffault, puisqu’il était venu au Sénégal, avec une mission purement officieuse d’inspection, qu’il avait à étudier le commerce, et non à prendre le commandement; que s’il avait consenti à l’exercer pendant quelques temps, c’était à la suite du départ de Louis Moreau de Chambonneau et uniquement pour rendre service à la Compagnie en maintenant la discipline parmi ses commis.

Il embarqua pour Gorée, où le Directeur Denis Basset le reçut froidement, mais dut lui remettre une lettre de la Compagnie qui l’autorisait à continuer la visite des Comptoirs pour lui faire un rapport de ce qu’il aurait vu. Il résolue de partir pour la Gambie sur la «Catherine» commandée par Guyon Basset, qui le dénonça et il l’obligea à visiter une fois de plus ses coffres, bien qu’ils l’eussent été à Saint-Louis, et scellés par Louis Moreau de Chambonneau. Ils ne contenaient que des hardes à son usage personnel.

Ils partirent le 30 juin 1686, ils longèrent les côtes passèrent devant Rufisque et Portudal et arrivèrent à l’embouchure de la Gambie, au comptoir d’Albreda, le seul établissement des français dans la région, qui n’était qu’ une simple case à la mode du pays, en roseaux et paille; il y en avait une autre pareille, servant de magasin, et une captiverie qui était vide à ce moment là.

Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)
Carte 1690 du Sénégal (Source Gallica - BNF)



À quelque distance d’Albreda était le village de Gifra, où les anglais avaient aussi une case. Michel Jajolet de la Courbe et Guyon Basset rendirent visite aux commis anglais qui les reçurent fort bien, et qui les régalèrent d’une boisson que Michel Jajolet de la Courbe ne connaissait pas, c’était de la «Ponche», composée d’Eau-de-vie (alcool), de jus de citron et de sucre. Le commis anglais en fit servir une cruche qui contenait au moins six Pintes.

Après avoir visiter les deux comptoirs, ils embarquèrent à bord d’ une chaloupe, et remontèrent la Gambie jusqu’au village de Bintam. Le lendemain de leur arrivée vers 8 heure du matin ils virent arriver l’Alkier ou Maître du village, qu’ ils firent boire pour lui souhaiter la bienvenue. Ensuite les marchands vinrent pour voir les marchandises, et convenir du prix des captifs.
Le prix convenu, ceux-ci approchèrent un par un et furent examiner par le commis, comme des chevaux, il choisit les meilleurs puis les paya; ensuite il acheta l’ivoire dont le quintal pesant ne valait pas plus de 20 livres de France.

Ensuite, ils allèrent rendre visite à l’Alkier dans son village, il les reçut sous un grand figuier au milieu du village, entouré de tous les Marabouts et les plus anciens.
Ayant fait apporter des nattes, ils s’assirent et toutes les femmes les vinrent voir; quelques temps après un musicien se mit à jouer d’ un instrument qui n’était pas désagréable, mais qui pourrait être perfectionner. Il était fait de plusieurs morceaux de bois fort dur, plats, épais d’un pouce et large de deux doigts, rangés l’un à côté de l’autre comme un clavier d’épinettes et appuyés sur deux cordes de cuir bien tendues, dessous il y avait plusieurs calebasses de différentes grosseurs suspendues. Pour en jouer il frappait avec des petits bâtons sur les morceaux de bois à la manière d’un Tympanum, ce qui retentissant dans ces calebasses faisait un son fort agréable, cet instrument s’appellait un «Bala (balafon)» et celui qui en jouait un «Balafon».

Puis ils furent conduit voir le «Belinguère», une fameuse courtisane du pays, fille d’ un Roi, elle était belle, grande et bien faite, quoi qu’un peu sur l’âge, et était l’écueil où quantité de blancs de plusieurs nations avaient fait naufrage.

Elle les reçut fort civilement dans une case à la portugaise, avec des murailles de terre blanchie et un petit vestibule devant la porte, où ils s’assirent sur des nattes. Elle leur fit servir un dîner composé de deux poules bouillies avec du riz, fort bien apprêtées avec beaucoup de piment>, puis une galine pécate, c’est à dire qu’elle avait été hachée, assaisonnée et remise dans sa peau pour la faire bouillir et qui avait un goût de cervelat<.
Michel Jajolet de la Courbe y mangea pour la première fois de la batangue, qui est du pain fait de la farine de mil, rond et plat comme un gâteau, mince et qui se mange tout chaud; et comme dessert un ananas, qu’il trouva excellent, mais malsain; prétendant qu’en y enfonçant un couteau pendant deux jours, il en mangerait la lame; pour le corriger il était mangé avec du vin et du sucre; puis des bananes et des «Colles», très renommées dans le pays et qui venaient de plus de 300 lieues, qu’il trouva très mauvais et très amer. Il demanda à quoi ils étaient bons, et après qu’il lui fut répondu à trouver l’ eau meilleure; déclara qu’ayant bu de l’eau après les «Colles», l’eau lui avait paru meilleure pour cela. Ils burent du Vin de palme et de l’Eau-de-vie (alcool) qu’ils avaient apportée, dont la «Belinguère» but un peu.

Elle était habillée d’une chemise d’homme fort fine et d’un petit corset à la portugaise, qui lui marquait fort la taille et avait pour jupe une belle pagne d’«Africaine», qui s’appelle pagne ase, c’est à dire pagne de conséquence, qui viennent de Saint-Jacques et des Îles du Cap-Verd. Sur la tête elle portait une mousseline fort fine, qui faisaient plusieurs tours en forme de turban, et un peu élévée par devant. Elle avait l’air noble et la langue bien affilée; parlait un bon portugais, anglais et français, marque très assurée du grand commerce qu’elle avait avec toutes ces nations. Après lui avoir fait présent de corail et d’ambre, ils se retirèrent et se firent conduire au comptoir anglais de Gilfroid.

Ils allèrent à Bintam, et firent visite à une Mulâtresse, qui après avoir été mariée à un portugais, avait épousé un anglais nommé Agis, qui était en traite dans le haut de la rivière.
Sa femme, qui ne l’était qu’à la mode du pays, les reçut très bien. Il parait que quelques temps après leur départ, elle eut un enfant tout à fait noir, le capitaine Agis furieux de ce qu’il considérait comme preuve de l’ infidélité de sa femme, fit piler l’enfant dans un mortier et le donna à manger aux chiens.

En la quittant, ils firent voile pour «Gérège» où ils arrivèrent le soir. Ayant mis pied à terre; ils furent conduit à la case de l’Alkier, où ils lui demandèrent à voir le Roy de «Gérège», qui demeurait à un quart de lieue du village.

Le lendemain l’Alkier passa les prendre et les menèrent devant le Roi de «Gérège», qui les attendait à l’ entrée de sa case.
C’était un petit homme trapus, il avait un bonnet à la portugaise et un habit d’«Africain». il tenait à la main une épée à l’espagnol, sur laquelle il s’appuyait. Il les invita à entrer dans sa case et ils s’installèrent sur des selles en bois.

Michel Jajolet de la Courbe lui expliqua la raison de sa venue et qu’il avait pour objectif de se rendre à Cacheo; que la Compagnie l’envoyait pour connaître le commerce de ce pays et que lorsqu’il serait de retour en France, il persuaderait la Compagnie d’installer une case dans son village. Le Roi lui répondit qu’il y avait longtemps que cette promesse avait été faite, et pas encore tenue. Michel Jajolet de la Courbe lui fit présent d’un peu de Eau-de-vie (alcool).
Quelques temps après, le Roi les pria d’ entrer dans une autre chambre; car la case est faite à la portugaise; ils trouvèrent le déjeuner tout prêt, c’était une fricassée de poulets fait à la hâte, mais de bon goût qui fut servie par une de ses femmes. Ils se mirent à table y compris la femme, ce qui laissait à penser qu’en cet endroit, ils commençaient à prendre les manières des anglais. Ensuite, Michel Jajolet de la Courbe le pria de lui prêter un cheval pour aller jusqu’à Pasqua. Le Roi lui répondit que c’était l’affaire de son Alkier
Ils firent leurs adieux, et le lendemain, Michel Jajolet de la Courbe, quittait le Capitaine Guyon Basset qui rejoignait son navire et partit pour Cacheo, avec trois ou quatre africains pour le guider, sur un cheval dont la marche était si dure qu’au bout de quelques heures il le laissa à son chirurgien et fit route à pied.
Il passa par le village de Pasqua, habités par des «Bagnoums qui le reçurent bien. Il y demeura un jour et deux nuits en attendant des chevaux. Il fit ensuite quatorze lieues en deux jours, couchant dans des cases. Il arriva le troisième jours à James sur un affluent de la Casamance. Il y prit un canot et, suivant divers marigots, il arriva en deux jours au village de Quinquin à trois lieues au dessus de Cacheo où il descendit immédiatement. Son voyage se termina là et Michel Jajolet de la Courbe retourna en France.

Carte de l'Afrique française ou du Sénégal - Guillaume Delisle (Gallica-BNF)

Carte de l'Afrique française ou du Sénégal - Guillaume Delisle 1726 (Gallica-BNF)Source Gallica - BNF Clic...


Source: Premier voyage du Sieur De La Courbe fait à la Coste d'Afrique en 1685 édition originale manuscrite.image première page livre original manuscrit du voyage en Afrique et Amériques fait en 1685 par Michel Jajolet de la Courbe clic pour télécharger le livre pdf.

En 1686, le comptoir de Saint-Louis, qui commerçait dans le fleuve et Galam, était géré par 40 français. Son trafic se composait de cuirs, de captifs, d'ivoire et de gomme.

En 1687, la Compagnie, sans doute mécontente par suite des rapports de Michel Jajolet de la Courbe, envoya au Sénégal, le Sieur François, l’un des principaux intéressés, qui exerçait les fonctions de Directeur Général en remplacement du Sieur Dancourt.
En date du 1er mars 1687, le Roi Louis XIV, lui donna des ordres portant pouvoir d’exercer dans les lieux de la concession, les droits de propriétaire, suivant les ordres de la Compagnie, d’y faire tels règlements qu’il voudrait, et enjoignant à ses sujets de s’y soumettre à peine de désobéissance.

Il y avait longtemps que la Compagnie se croyait abusé par ses commis, ne recevant des uns et des autres que des plaintes et des reproches mutuels, bien ou mal fondés, car entre eux régnaient une animosité et une envie qui ne se calmait que quand il s’agissait de libertinage et de malversation, pour lesquelles tout le monde était d’ accord.
Il parait que les ecclésiastiques en étaient le plus souvent les «Boute-feu» . Un témoin rapporte qu’ils régnaient, non pas en bon pasteur, mais en paraissant les plus corrompus et ce, par des manières lascives et peu conforme à leur caractère; la Compagnie ne l’ a que trop expérimenté par les «funestes» événements qui se sont produits en diverses occasions, sur les conseils dangereux de quelques ecclésiastiques qui ont demeurés au Sénégal.

À cet époque, le comptoir de Saint-Louis dépendaient de Gorée, il se faisait peu de commerce et beaucoup de dépenses, parce que les employés n’étaient choisis et avancés que par la protection des intéressés, qui tenaient lieu de capacités. Il n’y en avait aucun, même les ecclésiastiques qui ne s’essayât aux plus infâmes excès, usant des africaines, comme si elles étaient leurs femmes légitimes, et c’était à celui qui ferait les plus belles productions, se réjouissant dans cet infâme plaisir, auxquels ils employaient les plus belles et les plus précieuses des marchandises de la Compagnie pour contenter et satisfaire le luxe de ces impudiques.

La Compagnie avait le tort de ne dresser aucun état des marchandises qu’elle envoyait au Sénégal, ni de ses charges et dépenses, de sorte qu’elle ne savait pas à quel prix lui revenaient les retours. Cette négligence avait duré depuis plusieurs années.
Il suffisait donc qu’un commandant n’eût pas commis de friponneries caractérisées; qu’il eût envoyé tous les ans une certaine quantité de marchandises, pour qu’il soit considéré sa gestion comme excellente, alors qu’il avait très bien pu faire un commerce désavantageux, ayant payé les marchandises qu’il renvoyaient beaucoup plus cher qu’il ne l’aurait dû, s’il avait été consciencieux.
La Compagnie se plaignait aussi des anglais en Gambie et des hollandais à Arguin, qui en dépit des traités et du privilège de la Compagnie, lui faisaient une concurrence désastreuse pour elle.

Le 21 avril 1687, le Sieur François, qu’il croyait particulièrement compétent, après avoir dirigé longtemps les affaires de la Compagnie, avec pour objectif de rétablir le commerce; s’embarqua pour le Sénégal à bord de la «Catherine». Il était accompagné par 85 hommes, commis, engagés ou ouvriers, car il voulait entreprendre la culture du tabac et de l’indigo. Il y avait parmi ses hommes un directeur des cultures. Il projetait aussi d’ occuper l’île de Bintam et amenait assez de monde pour remplacer les commis supposés devoir être interdits et renvoyés en France. Il était accompagné de quatre cordeliers du Couvent de Paris, les Révérents Pères Tartary, Jean-Baptiste Gaby, François de La Chaise et Pison.

En 1687, le Directeur Général des établissements du Sénégal était Denis Basset commandant de Gorée, portant le titre de Conseiller civil et criminel de la haute-justice du lieu; son lieutenant, François Truffault, était teneur de livres; un Sieur Lacoste faisait la Traite à Albreda; un Sieur Crissaye ou Cristaye, en Gambie et à Bintam.
Enfin il y avait des comptoirs et des commis à Portudal, à Joal, et les frères Bourguignon faisaient le commerce au quartier de «Bisseaux» (Bissao) et de «Cachos» (Cacheo).

À Saint-Louis, sous Louis Moreau de Chambonneau, commandant et Benoist son lieutenant; le Sieur Bazy faisait la traite du Désert, chez le «syratique», à Galam et au plus haut du Sénégal, jusqu’ au «Rocher». Avec les maîtres des bâtiments, les chirurgiens, les matelots, les ouvriers et les engagés, le personnel de toute la concession pouvait aller à 220 personnes.

Le Sieur François relâcha à Ténériffele 13 mai 1687 pour y faire monter une barque qu’il transporterait au Sénégal; il envoya de là, la chaloupe de son navire à Arguin, pour y saisir les vaisseaux interlopes supposés s’y trouver.
Elle rencontra cinq grandes barques marocaines qui lui donnèrent la chasse, et elle eut bien de la peine à leur échapper. Elle rejoignit la «Catherine» le 3 juin 1687, en suivant les Côte de Barbarie>, et le 5 juin 1687, la flottille mouilla devant la Barre de Saint-Louis.

Il débarqua à Saint-Louis s’y fit reconnaître, fit l’inventaire de tous les coffres, les mis sous scellés, n’y trouvant rien de répréhensible, et alla à Gorée où il procéda aux mêmes mesures. Il se fit livrer les clés des coffres, par le Commandant Denis Basset, comme pour le dernier des commis, en fit l’inventaire et ne trouva rien qui ne fut parfaitement régulier. Le commandant et les principaux employés se plaignirent de cette rudesse et déclarèrent qu’il n’avait pas le droit d’agir ainsi.

Puis il se rendit lui même dans l’ archipel du Cap-Verd pour y surprendre les vaisseaux interlopes et envoya deux de ses principaux auxiliaires le Sieur Hugollein et le Sieur Mathelot en Gambie, pour opérer, chez les agents de ces comptoirs, comme il l’avait fait à Gorée.
L’un des plus important était le Sieur Lacoste, qui avait un traité avec la Compagnie pour exploiter le comptoir d’Albreda.
Il y avait à cette époque cinq cases, dont une servait de magasin, une autre de poulailler et une troisième de cuisine. Avec le Sieur Lacoste vivait un matelot, son commensal. Les deux employés saisirent les registres et les coffres, mais là non plus, ils ne purent trouver que des irrégularités d’écriture et quelques feuillets déchirés. Ils supposèrent que le Sieur Lacoste, avait fait transporter son or dans la case d’ une métisse appelée la Lucia, qui est une grande du pays, mais n’osèrent pas aller perquisitionner chez elle, de peur de se faire massacrer.

Le Sieur Cristaye, à Gerèges, se prêta mal à l’enquête, il déclara qu’il en coûterait la vie à quiconque visiterait son coffre, il déchira ses papiers, les jeta à la mer et jura qu’il ne remettrait plus les les pieds à la Factorerie. Néanmoins le Sieur Lacoste et lui se laissèrent emmener à Gorée.

Le Sieur François prescrivit de mettre le Sieur Lacoste aux fers. Le commandant Denis Basset tira l’épée pour empêcher cette arrestation; il fallut deux hommes pour le contenir, et le Sieur François eut beaucoup de peine à faire exécuter l’ordre qu’il avait donné.
Quelques jours après, Les Sieurs Lacoste et Cristaye et deux autre commis enlevèrent une barque chargée de marchandises, et s’enfuirent à Joal, puis de là en Gambie, avec tout ce qu’ils purent piller dans les comptoirs de la Compagnie. Ils se réfugièrent chez un anglais qui les reçut bien, et tous les comptoirs des rivières sud se trouvèrent abandonnés.
L'autorité du Sieur François aurait été certainement méconnue à Gorée, s’il n’était arrivé à ce moment deux vaisseaux du Canada, dont les officiers lui prêtèrent main forte.

Le Sieur François remplaca Denis Basset par Louis Moreau de Chambonneau. Celui ci repassa en France en juillet 1688 avec le titre de Commandant et Agent Général, et rendit compte à Jean-Baptiste Colbert de Seignelay, chef et Président de la Compagnie royale du Sénégal, de l’état des comptoirs et de ce qu’il jugeait nécessaire d’y faire. Il lui expliqua qu’il allait et demeurait au Sénégal depuis 1675, il avait constaté que le grand fleuve était très propre à faire une colonie de français. Il l’avait remonté lui même, sur 300 lieues, et peut être celui-ci avait il un cours d’ autant et plus, au dessus. Il n’y avait que 40 français qui l’occupaient pour le commerce, sur une île à quatre lieues de l’ embouchure.
Ils y traitaient par ans: 10.000 cuirs, 60 captifs, 15.000 ivoire, 300 quintaux maures de gomme arabique, un peu de plume et d’ or, avec des barques qui naviguent 300 lieues.
Les Rois du voisinage leurs faisaient payer des gros tributs et coutumes, et ils n’étaient pas sans subir des pillages.

En 1688 Fumechon, Directeur de la «La Compagnie du Sénégal ou d'Afrique» est rappelé en France, il est remplacé par <Louis Moreau de Chambonneau, qui abdique en 1689.

En 1689, la Compagnie royale du Sénégal nomma Michel Jajolet de la Courbe, pour dirigé, par intérim, le Comptoir de Saint-Louis. En 1689, dans son récit Relation de la Nigritie
Le religieux français Jean-Baptiste Gaby, qui y séjourna, raconte que l'île appartenait au Roi Brak dont la pays s'appelait pas Senega mais Ouhalle. Ce Roi avait pour voisin Damel Roi de Cahior et de l'autre le Roi Syratique, celui-ci touchant au Royaume de Galaam et celui-là au Royaume de Thim

Carte de la Sénégambie en 1707 par Guillaume Delisle

Carte de la Barbarie de la Nigritie et de La Guinee réalisée en 1707 par Guillaume Delisle Source:Bibliothèque du Congrès Carte Division Géographie Cote G8220 1707 L5



En 1691, Makhourédia Diodio Diouf Fall décède, il est remplacé par son frère de père, Biram Mbenda Thilor Fall (Fall-Madior de Sant, 1er Dorobé de Khêt) qui sera le 12ème Damel du Cayor. C’est le premier Damel Dorobé.
Peu de temps après son avènement au trône, Madiakhère Dieng Fall, Prince Mouïoy, allant se baigner dans un étang à 2 ou 3 kilomètres de Ndiakher, se vit suivi par temps de monde, qu’il résolut de s’emparer du pouvoir. Il se mit en route pour assiéger Mboul. Le Damel Biram Mbenda Thilor Fall vint à sa rencontre, mais fut repoussé; alors il envoya la nuit son captif Massamba, pour le tuer d’un coup de lance.

En date du 28 août 1692, la Compagnie royale du Sénégal obtient du Roi Louis XIV, un Arrêt du Conseil, l’autorisant à vendre leur concession pour les 19 années à courir sur les trente qui lui étaient accordées.

En 1692, Michel Jajolet de la Courbe, Directeur par intérim de la «La Compagnie du Sénégal ou d'Afrique», est remplacé par Louis Moreau de Chambonneau, qui revient avec le titre de Directeur et Commandant général.

En 1693, Biram Mbenda Thilor Fall, décèda, son cousin Dethialao Bassine Sourang Fall (Fall-Madior de Sant, 1er Bey) lui succéda comme 13 ème Damel du Cayor, c’était le fils du frère de son père. Bey est le nom d’une famille de Diambar. Il avait été nommé par les Ayor pour sa sagesse et sa bonté. Il régna 4 ans et devint aveugle.

Le 1er janvier 1693, deux vaisseaux anglais l’ «Anne» et l’«Amérique», sous le commandement de John Booker (Agent général de la Compagnie royale anglaise d'Afrique en Gambie), après être arrivés le 29 décembre 1692 et avoir eu de la peine à découvrir la Barre; la reconnaissaient et l’exploraient le 30 avec des chaloupes guidées par un français, fait prisonnier en Gambie, qui se noya le 31 quand son canot chavira.
Ils s'emparèrent de Saint-Louis et de ses dépendances, gouverné par Desmoulins, qui se rendit sans résistance. Ils le renommèrent «Fort William-Mary». Ils y trouvèrent quantité de marchandises dont 2.342 dents d’ ivoire, un assez grand nombre de pièces de drap et de toiles, des rassades et du cristal, beaucoup de vieux cuivre rompu, des cordages hors d’ usage, de vieux canons, de vieux pierriers, des ustensiles et du métal hors service, et quelques esclaves seulement.

Le 4 février 1693 ils s’emparèrent de Gorée dirigée par Félix; ils y trouvèrent une centaines de dents d’éléphant, 200 ou 300 canons de mousquet et de pistolet, des bassines de cuivre ou d’étain en mauvais état, quelques pièces de toile, de serge, de vermillon, et une soixantaine de gros canons.
Le butin n’était pas considérable; il fut partagé entre la Compagnie anglaise, les armateurs des deux vaisseaux l’«Anne» et l’«Amérique», les officiers et l’équipage, ces derniers recevant la ferraille.
John Booker fit démolir le haut du Fort de Gorée et brûlé dans toute l’île ce qu’il avait pu, de sortes que lorsque les français reprirent le comptoir, ils refusèrent de s’y réinstaller.

Le 26 mars 1693, Michel Jajolet de la Courbe, commandant, Directeur et Inspecteur général de la Côte d Afrique, de retour en France, rédiga un mémoire donnant l’état de la concession. Il dit que les hollandais s’étaient rétablis dans le Fort d’Arguin, bien que la Compagnie royale du Sénégal l‘ait fait sauter en 1678; il décrit l’habitation du Sénégal (Saint-Louis), qui n’ a pas changé depuis quelques années; il expose que la navigation pendant la saison sèche, s’étend sur 80 lieues en amont, où se trouve un seuil de rocher qui l’ arrête, tandis que pendant les hautes-eaux, elle s’étant jusqu’à une chute d’eau du Félou.
Il évalue le commerce par an à :
- 14.000 à 15.000 cuirs, valant 5 sous la pièce au Sénégal, et 3 livres 6 sous en France, avec possibilité d’ en traités 18.000 à 20.000;
- 160 à 180 quintaux d’ ivoire, le quintal ne revenant pas à 12 livres et se vendant 100 livres, avec possibilité d’ en traités 200.
- 200 captifs revenant à 30 livres la pièce, et vendus 300 livres aux Îles;
- 2000 quintaux de gomme arabique valant 3 livres le quintal et 20 livres en France
- 12 marcs d’ or valent 4.800 livres.
Soit un commerce total de 169.550 livres par an.

Ces évaluations sont beaucoup plus fortes que celle de 1688, données par Louis Moreau de Chambonneau, qui en particulier ne mentionnait pas l’or.

Michel Jajolet de la Courbe, dit qu’ils étaient allés à Galam depuis 7 ou 8 ans; la 1ère fois ils avaient traités 15 captifs; la seconde 50 captifs et la troisième y étant allé lui même, il en avait traité 116 en six jours. Mais depuis ce temps, faute de marchandises, ils n’y étaient plus retournés.
D’après les gens du pays, il y serait possible d’y traité 300 captifs et 40 marcs d’ or par ans.

Carte 1707 du Sénégal de Delisle (Source Gallica - BNF)
Carte 1707 du Sénégal de Delisle (Source Gallica - BNF)



Michel Jajolet de la Courbe regretta que la Compagnie royale du Sénégal ait négligé la Gambie, où les anglais avaient un Fort et les empêchaient de commercer.
Les français faisait quelques affaires dans la Casamance, ou se vendait de la cire et avaient en 1 an négocié 600 captifs, mais ils n’y allaient plus régulièrement, et n’y avaient aucun établissement. Il reprochait à la Compagnie royale du Sénégal de n’avoir jamais eut en France un directeur qui connut la marchandises, l’assortiment, les prix, et les dates favorables pour la navigation. Elle envoyait des navires pour charger des marchandises, quand les comptoirs étaient encombrés de captifs qui mouraient de maladie dans des enclos; et des négriers à une époque où il y avait pas d’esclaves et où pourrissaient jusqu’ à 50.000 cuirs faute d’ être enlevés.
Les Directeurs de comptoirs faisaient leur apprentissage aux dépens de la Compagnie royale du Sénégal, et la quittaient ensuite parce qu’elle ne les payait pas. La plupart des commis étaient des fripons, joueurs, ivrognes et débauchés; elle avait autant perdu par leur friponnerie que par ses propres fautes. Ainsi les cuirs qui étaient envoyés en France étaient mangés par les vers, faute des commis, qui ne les avaient pas battre ou mettre à couvert. Depuis ils avaient trouvé moyen de les conserver en les salant, mais encore fallait-il le faire. La Compagnie royale du Sénégal avait d’ailleurs négligé beaucoup d’endroit de ses concessions, et n’avait jamais envoyé le quart des marchandises nécessaires.

Au mois de juillet 1693, le Capitaine Antoine Bernard commandant le vaisseau du Roi «Le Léger», qui amenait, comme Directeurs: à Saint-Louis le Sieur Louis Moreau de Chambonneau, et à Gorée, le Sieur Jean Bourguignon; eut la précaution, arrivé à quatre lieues du fleuve, de mettre pavillon anglais; le Fort ne répondit pas. Mais quand il arbora le pavillon français, il reçut des quelques coups de canon.
Averti par les africains du pays, qui détestaient les anglais, de l’état médiocre de la garnison, le Capitaine Antoine Bernard mis 60 hommes dans une chaloupe et dans une barque, elles franchirent la barre et firent prisonniers 30 ou 40 soldats anglais qui occupaient Saint-Louis. Louis Moreau de Chambonneau en repris possession.
Il paraît que John Booker s’en était rendu maître par perfidie, avec l’aide du sous lieutenant français Larrouy, qui après avoir repris la religion protestante, abjurée par lui autrefois, avait rejoint les anglais. Celui-ci profitant de l’absence du Gouverneur général, avait abusé de la crédulité des habitants en leur montrant diverses lettres et en faisant paraître à bord de son vaisseau qu’il disait français appartenant à la Compagnie royale du Sénégal, un équipage composé de protestant émigrés comme lui.

Le Capitaine Antoine Bernard alla ensuite à Gorée, le Sieur Jean Bourguignon ne voulut pas y demeurer, parce qu’il n’y avait plus aucun bâtiment et se fit conduire à la Martinique, où il rendit compte à la Compagnie royale du Sénégal.

En date du 20 avril 1694, un Arrêt confirme l’autorisation de vente de la concession de la Compagnie royale du Sénégal. La vente a lieu du 18 septembre au 13 novembre 1694, moyennant une somme 300.000 livres; et homologuée par Arrêt du Conseil le 30 novembre 1694. L’acquéreur Monsieur Claude d’ Apougny s’associe avec des personnes riches. Le Roi confirme cette réunion par Lettre Patente en Mars 1696, et prolonge le Privilège de 12 années au delà des 18 années, qui formaient l’ acquisition. La nouvelle Compagnie royale du Sénégal envoya comme Directeur de Saint-Louis Monsieur Jean Bourguignon, qui y resta 1 an et demi.

Plan île de Gorée vers 1700 (source Gallica)

Plan île de Gorée vers 1700 (source Gallica)



En 1695 , un état indique que Claude d'Appougny, ayant soutenu seul le commerce depuis 7 ans, et s'étant engagé dans des emprunts qu'il ne pouvait rembourser, fait vente de son droit moyennant 300.000 livres. Les Comptoirs sont en état de défense : il y a 12 canons et 35 hommes à Gorée et 60 canons et 60 hommes au Sénégal (Saint-Louis).

En 1695, Louis Moreau de Chambonneau, Directeur de la «La Compagnie du Sénégal ou d'Afrique», décède à Saint-Louis au Sénégal.

En 1695, le Directeur intérimaire est Jean Bourguignon, qui avait été nommé Gouverneur de Gorée en 1693.

En 1696, départ de Michel Jajolet de la Courbe, et retour de Monsieur Louis Moreau de Chambonneau.

Le 23 janvier 1696 Claude d'Appougny cède son contrat à des nouveaux actionnaires pour 250.000 livres. Le contrat est confirmé par Lettre-Patente en mars 1696 et le privilège prorogé de 12 années. Le Droit de relief imposé à la Compagnie royale du Sénégal précédente , qui consistait en une couronne de 30 marcs d'or à chaque mutation de règne, est changé, elle devra donner un éléphant vivant. ; le Roi l'exempt de la redevance annuel du Marc d'or et de tous Droits Féodaux et Seigneuriaux, à charge pour elle d'entretenir les Prêtres en nombre suffisant dans ses concessions.

Le 24 juin 1696, les nouveaux associés de la Compagnie royale du Sénégal prennent possession de la colonie, qui comprenait 200 habitants au plus.
Pour faire commerce, elle acheta un vaisseau de 150 tonneaux le Maupeau et le Roi Louis XIV leur prêta un vaisseau de 250 tonneaux. Quand la flotille arriva au Sénégal, elle n'y trouva que deux forts en si mauvais états, à Gorée et à Saint-Louis, que les commis avaient à peine de quoi se mettre à couvert. ils y mourraient de faim; ils avaient du vendre, pour acheter du mil, les verroux et les gonds des portes. Néanmoins, ils avaient réunis quelques marchandises et des esclaves.

Compagnie royale du Sénégal acheta encore une «Flûte» de 150 tonneaux, la "Marianne" et une «Frégate», pour les envoyer à sa concession pour y charger les esclaves, qui seront envoyés aux Antilles.Car c'est la "Traite négrière" qui lui donnait le plus grand bénéfice.

En 1697, après la prise de Carthagène, Compagnie royale du Sénégal s'entendit avec avec Joseph d'Honon de Galliffet, Lieutenant du Roi à Saint-Domingue, pour y fournir 1000 esclaves, pièces d'Inde, à 250 livres. Elle acheta encore deux vaisseaux de 300 tonneaux, d'autre plus petit pour pénétrer dans les rivières, 9 tartanes, et plusieurs barques qui furent envoyées en fagots, c'est à dire démontées. Elle avait 250 commis, employés au commerce et à l'exploration. Ils avaient signalés, dans l'intérieur du pays, l'existance du coton et du bois d'ébène; ils avaient visité aussi le pays de Galam, où ils ne pouvaient aller que par les hautes eaux, pendant 4 ou 5 mois de l'année.

Compagnie royale du Sénégal leur avaient recommandé de faire filer le coton par les africaines; elle avait résolu de former un établissement sur le Haut-Fleuve; et avait envoyé le matériel nécessaire.

Le 4 juin 1697, André Brüe, est nommé Directeur général de la Compagnie royale du Sénégal, en remplacement de Jean Bourguignon

Le 20 juin 1697, à l'arrivée en Afrique d'André Brüe, nommé Directeur général de la Compagnie royale du Sénégal le 4 juin 1697 avec le titre de «Chevalier du Saint-Sépulcre»; l'île de Saint-Louis comprenait 200 habitants au plus.
La Compagnie royale du Sénégal déclare qu’elle est pleinement informée des capacités et expérience aux faits de guerre et du commerce d’ André Brüe, et de la profession qu’il fait de la religion catholique, apostolique et romaine.

La Compagnie royale du Sénégal ne possédait ni territoires, ni sujets et les français étaient tributaires des chefs indigènes, à qui ils payaient, pour la pratique du commerce, des coutumes qui ne seront supprimées totalement qu'en 1855. Lors de ce séjour, les quatre dernier mois de 1697, et fit rétablir les fortifications à Gorée: le Fort Saint-Michel et Saint-François au cours de deux voyage en octobre et fin décembre 1697; et eut un différent avec le Damel du Cayor.

Le 16 juillet 1697, André Brüe arriva au Sénégal (Saint-Louis) et commença son «Journal de la Concession».

Le 28 juillet 1697, André Brüe souhaitant rendre visite le Chieratik, souverain des Fouls, partit de Saint-Louis, précéder par un barque et deux petits bâtiments, ordonnant à ceux qui les montaient de répandre partout la nouvelle de son arrivée et surtout de faire savoir au Chieratik, qu’il venait payer les coutumes.

Carte Sénégal 1707 Delisle

Il prit des précautions, car il savait que le Siratik était mécontent, car la Compagnie royale du Sénégal depuis longtemps, négligeait de lui payer les droits et d’entretenir le commerce dans son pays. Ces bâtiments avaient ordre de traiter peu de choses chemin faisant, et de s’avancer vers Galam, où ils devaient faire leur véritable traite. Ils étaient chargés des coutumes que la Compagnie royale du Sénégal devait au «Tonka».

Le Chieratik fut ravi d’ apprendre qu’il allait recevoir ses coutumes, et que le Général des français venait en personne pour renouveler les anciennes alliances. Il ne mit pas le moindre obstacle au passage et au commerce de ces premiers bâtiments; il ordonna même à ses sujets de traiter avec eux et de leur rendre tous les services dont ils auraient besoin.

André Brüe, s’avançait lentement, faisant route à la voile seulement, sans se servir du secours des Laptots pour se faire haler à la cordelle, quand le vent manquait ou qu’il lui était contraire. Le fleuve était navigable partout. Il en visita les deux bords. Il s’arrêtait à toutes les escales qu’il rencontrait, faisant des présents à tous les chefs de village et traitait tout ce qui lui était présenté; et à mesure du chargements des barques, les renvoyait à Saint-Louis, avec ordre de décharger et de revenir au plus tôt. C’est ainsi qu’il ressuscita le commerce de la Compagnie royale du Sénégal, et qu’en renouvelant les anciennes alliances, il acquit une connaissance entière de tout le pays et de tout le négoce, qui était possible de faire et d’introduire.
L’escale du Coq était près d’un village et d’une petite île du même nom. Ce village était situé à la pointe occidentale de la grande île à Morphil, et vis à vis d’un autre village, bâti dans l’île, appelé Niolé.
À dix lieues de la pointe occidentale de l’île Morphil, en remontant la rivière et sur sa rive droite, il y avait un village appelé Lasly, auprès duquel était un endroit nommé le Terrier-Rouge, éloigné de 70 lieues du Fort de Saint-Louis; c’était une fameuse escale pour la traite de la gomme avec les Maures Braknas.

Du Terrier-Rouge à Houalaldé le pays des deux côtés de la rivière, était couvert de vastes prairies, où les bestiaux fourmillaient, mais qui devenaient des lacs quand la rivière débordait.

Extrait carte Sénégal 1726 Delisle (Gallica-BNF)

Extrait carte Sénégal 1726 Delisle (Gallica-BNF)



Le chef du village de Houalaldé et de ses environ s’appelait Farba, et était appelé Farba Houalaldé. Celui ci était un ami des français, il ne manqua pas d’aller saluer André Brüe, dès qu’il le vit mouillé à son escale et lui apporta un présent. André Brüe le reçut comme un ami fidèle, lui fit aussi des présents et le remercia des bons traitements qu’il avait fait à l’équipage d’une barque de la Compagnie royale du Sénégal, qui s’était perdue aux environs d’Houalaldé quelques mois auparavant.

Les eaux étant à une hauteur qui donnait moyen à ses barques de passer partout sans crainte de s’échouer, il passa le barrage de Donguel, et laissa dans ce village un commis avec des Laptots pour établir un petit comptoir, ce qui s’appelait en terme du pays «mettre une case», et faire la Traite de tout ce qui se présenterait.

Extrait carte Sénégal 1726 Delisle (Gallica-BNF)

Extrait carte Sénégal 1726 Delisle (Gallica-BNF)



Il reçut à cet endroit un courrier du Syratik, qui lui marquait l’impatience de le voir et de se faire connaître. André Brüe lui répondit qu’il avait la même impatience, mais que les bâtiments, n’allant qu’à la voile, dépendaient du vent et ne pouvaient pas faire leur route aussi vite qu’un courrier bien monté.

Le Chef de Kaedi sur un très beau cheval, vint le saluer, il était accompagné d’une vingtaine de cavaliers bien équipés et chargés de Grigris, et de sa femme, ses filles et leurs suivantes montées sur des ânes grands et forts et couverts de très belles pagnes. Ils se firent des présents mutuels.

Le village de Kaédi avait été autrefois le point extrême atteint par les français. Ils y avaient un magasin et payaient les coutumes pour leur protection. Mais le commerce se faisant plus haut, le magasin et la protection devinrent inutile et la coutume abolie.

André Brüe arriva à Guiorel, qui était l’escale du Chieratik et fit tirer 3 coups de canon. Le Chef du village appelé Farba-Guiorel, vint à bord le saluer. C’était l’ oncle du Roi, il fut reçut avec distinction, lui fit des présents en échange de ceux qu’il avait apporté, le fit boire et saluer de quelques coups de pierrier quand il retourna à terre. Il assura André Brüe, que le Roi serait bientôt prévenu, parce qu’il avait envoyé un courrier qui avait ordre de faire diligence.

Extrait carte Sénégal 1726 Delisle (Gallica-BNF)

Extrait carte Sénégal 1726 Delisle (Gallica-BNF)



Le même jour dans la soirée, le Prince Siré, un des fils du Roi, qui avait ses terres, ses cases, et sa famille environ à moitié chemin de Guiorel et Gourmel, qui était une des résidences du Roi, vint le saluer et lui dire que le Roi son père, souhaitait beaucoup le voir, qu’il avait appris qu’il était un homme équitable, civil, magnifique, libéral, qui s’était acquis l’estime et l’amitié de tous les Rois du pays et, c’est ce qui portait le Roi à faire amitié avec lui, et à mettre sa main dans la sienne. Il ajouta qu’il avait ordre de l’assurer que le Royaume de son père, était entièrement à sa disposition et qu’il en était absolument le maître. Il accompagna ses compliments de quelques boeufs gras, et d’une boite fort bien travaillée, qui pesait une once. André Brüe répondit avec beaucoup de politesse, à tous ces compliments, il fit des présents au Prince, dont celui-ci paru content, et quand il quitta la barque le salua d’ un coup de canon.

En attendant des nouvelles du Roi, il fit descendre quelques commis à terre, prit une case et traita toutes les bagatelles qui se présentait, en attendant que les africains, prennent confiance et lui proposent les meilleurs marchandises, telles que l’or, l’ivoire et les captifs. La traite se fit à merveille et comme les marchandises d’Europe manquaient presque absolument dans le pays, il eut bientôt de quoi charger ses bâtiments.

Cependant le Chieratik, avisé de l’arrivée d’André Brüe, lui envoya Baba Milé, son grand «Bouquenet», qui avait autorité sur tous les hauts dignitaires. Après les compliments ordinaires, celui-ci reçut les coutumes ou présents annuels que la Compagnie royale du Sénégal s’était engagée à faire au Chieratik, en considération du commerce qu’il lui permettait de faire dans ses Etats, et de la protection qu’il lui donnait.
Ils consistèrent en toiles de coton blanches et noires, en quelques morceaux d’écarlate et de serge, en laine filée et teinte, en corail, en ambre, fer en barre, chaudière de cuivre, sucre, «Eau de vie (alcool)», épicerie, en quelques argenteries et argent monnayé en Hollande. Il reçut également une casaque de drap rouge avec des brandebourgs d’argent, qui se boutonnait par devant et par derrière et en outre deux coffres pour enfermer les choses les plus précieuses qu’il lui offrit.

Le Bouquenet reçut également la coutume payée aux femmes du Chieratik, qui peut être de la moitié de celle du Chieratik, et n’oublia pas la sienne, qui est à peu prêt pareille. Il était accompagné du Lieutenant général du Royaume, nommé Camalingue, qui reçut aussi son présent annuel et qui présenta à André Brüe les coutumes ou présents d'honneur que le Chieratik lui faisait. Ils s’agissaient de trois boeufs gras des plus beaux et des plus grands. Toutes ces coutumes pouvaient coûter au total de 1.500 à 1.800 livres d’achat en France. Le Camalingue l’invita à venir à Gourmel, en lui présentant les officiers nommés par le Chieratik pour l’ y conduire. Il avait apporter bon nombre de chevaux pour lui et sa suite et des chameaux pour ses bagages.

André Brüe partit le lendemain vers 10 heure, en descendant à terre, les capitaines de ses barques, le saluèrent avec toute leur artillerie, causant la frayeur des africains, qui tombèrent par terre ou que les chevaux emmenèrent au loin.
La frayeur passée et les cavaliers revenus, les officiers du Chieratik vinrent le saluer, après quoi il monta à cheval avec 6 de ses commis, deux maître de langue (interprète), deux trompettes, deux hautbois et quelques domestiques et 12 Laptots armés, qui escortaient en deux corps marchant devant et derrière les chameaux chargés de bagages.
Après avoir traversé des grandes plaines parfaitement cultivées, coupées d’espace en espace par des bouquets de bois de haute futaies, peuplées de nombreux villages très proches les uns des autres, et croisé quantité de troupeaux de chameaux, de boeufs, de chevaux, de moutons, de chèvres, dont les gardiens avaient parfois peine à ouvrir le passage à la troupe.

Il arriva au village de Boucar un peu avant la nuit, Le Prince Siré, fils du Chieratik, avisé de son arrivé et accompagné d’une vingtaine de cavaliers, le chargea en brandissant sa sagaie, comme s’il voulait la lancer, André Brüe s’élança de la même façon, le pistolet à la main. Ils s’approchèrent, le Prince Siré baissa sa sagaie et André Brüe rangea son pistolet. Ils mirent pied à terre et après s’être salués réciproquement, ils remontèrent à cheval.

Le Prince Siré le conduisit dans une grande case, qu’il avait fait préparer à l’intérieur de la tapade ou l’enclos, où étaient ses cases et celles de ses femmes. Ce qui était une marque de distinction et de confiance, il s’excusa de n’avoir pas de logement plus magnifique pour le recevoir et se retira.

André Brüe se prépara à la visite qu’il voulait rendre à la première femme du Prince Siré. Celle-ci était de taille moyenne, mais très bien prise, elle était jeune et fort enjouée, elle avait les traits du visage réguliers, des yeux grands, vifs et bien fendus, la bouche petite, les dents d’une blancheur à éblouir, son teint était olivâtre, relevé par du rouge appliqué fort judicieusement. Elle avait près d’elle des femmes qui se retirèrent quand il entra. Elle le reçut fort civilement, lui donna la main, le fit asseoir auprès d’elle et le remercia de ses présents.
Après cette visite il se rendit chez le Prince Siré, où il demeura jusqu’à l’heure du repas. Il trouva en rentrant dans sa case, des plats de viande, du couscous, du sanglet, des fruits et du lait, le tout en abondance, que lui avaient envoyés les femmes du Prince Siré.
Après le repas, le Prince Siré, suivi de 40 cavaliers et de bon nombre de gens armés à pied, l’accompagnèrent à cheval pour rendre visite au Chieratik.
Tous les chemins étaient bordés de gens que la curiosité de voir les français et d’entendre le son de leurs instruments, attiraient de tous côtés. Le Camalingue (héritier présomptif du Royaume), accompagné de 30 cavaliers, vint le recevoir à une bonne lieue en deça du village de Gourmel, qui est considérée, vue la proximité des cases du Chieratik, comme la Capitale. Il s'avança, se découvrit, lui donna plusieurs fois la main, l’embrassa et lui fit un compliment de la part du Chieratik, le Prince Siré étant à droite d'André Brüe, il se plaça sur sa gauche, avec deux Maîtres de langue (interprètes) entre eux et un derrière.
Le Camalingue était vêtu par dessus ses amples et grandes culottes, d‘une chemise blanche de toile de coton très fine, faite à peu près comme un surplis; une bande d’ écarlate de plus d’ un demi pied de large lui servait de baudrier et soutenait un sabre garni d’argent; son bonnet et son habit étaient garnis de Grigris, il tenait à la main une longue sagaie. Ses gens étaient bien montés, vêtus et armés comme lui.

Ils traversèrent le village de Gourmel, les cases du Chieratik étaient éloignées d’ une demi-lieue, et faisaient une espèce de village assez grand, tout environné d’ une «tapade» ou enceinte de roseaux entrelacés les uns dans les autres, et soutenus par une haie vive de grosses épines noires plantées fort près, qui la rendaient impénétrable, même aux bêtes les plus féroces.
Le Chieratik averti de son approche, lui envoya tous les chefs de sa Cour, qui lui firent leur compliment et se joignirent à la troupe. Ainsi, c’est accompagné de plus de trois cents chevaux, qu’André Brüe arriva chez le Chieratik. Celui ci donnait une audience, mais tous les plaideurs disparurent lorsqu’il entra dans l’enceinte particulière qui renfermait ses logements et celles de ses femmes. Tout ceux qui l’accompagnaient mirent pied à terre à la première porte; il n’y eut que lui, le Prince Siré et le Camalingue qui entrèrent à cheval et mirent pied à terre à trois ou quatre pas de la salle où se trouvait le Chieratik.
Celui ci était assis sur un petit lit, accompagné de quelques unes de ses femmes et de ses filles, qui étaient assises sur des nattes. À la vue d’André Brüe, il se leva et ôta son bonnet en le voyant porter la main à son chapeau; il s’avança de quelques pas, lui présenta la main plusieurs fois et le fit asseoir auprès de lui.

Le Chieratik était alors agé de 56 ans environ. Il était d’une taille médiocre et assez replète, ses cheveux et sa barbe commençait à grisonner. Il n’était pas tout à fait africain, il avait plutôt l’ air d’un Mulâtre. Il avait un nez aquilin et bien fait, la bouche petite, de belles dents et des yeux petits, une physionomie douce et spirituelle. Il portait un habit simple constitué d’une chemise et d’un bonnet de toile de coton noire, sur ses culottes, des demi-bottes de maroquin et un sac de velours rouge, qui renfermait son Coran.

Un maître de langue (interprète) approcha, et André Brüe lui fit traduire qu’il était ici pour renouveler l’ancienne amitié qui avait été de temps immémoriaux entre la Compagnie royale du Sénégal et lui. Et que cette Compagnie royale du Sénégal qui avait pour protecteur le plus puissant Roi du Monde, estimait si fort cette amitié, que c’était plutôt pour la cultiver et lui donner des marques de la sienne, que pour les avantages qu’elle retirait du commerce, qu’elle traitait dans son Royaume; qu’elle l’avait chargé de le venir saluer de sa part, et l’assurer qu’il pouvait compter sur elle, sur ses forces et sur son crédit, tant pour le défendre contre ses ennemis, que pour l’aider à maintenir la paix et la tranquillité dans son Royaume, et y faire régner l’abondance en y faisant fleurir le commerce. Il s’étendit ensuite sur les avantages que les peuples de son Royaume retireraient de l’ union des deux Nations, et finit en affirmant au Chieratik, qu’il trouverait toujours en lui toutes les dispositions imaginables à lui rendre tous services.

À mesure des traduction du Maître de langue, le Chieratik éprouvaient de la joie. Il prit plusieurs fois la main d’André Brüe, et la portait sur sa poitrine. Ses femmes et ses courtisans disaient dans leur langue: «Voilà qui est bien, ces gens sont bons et ils sont nos amis».
Le Chieratik lui répondit en le remerciant d’être venu de si loin pour le voir, il l’assura qu’il avait pour la Compagnie royale du Sénégal et pour lui en particulier une véritable et sincère amitié, qu’il le rendrait Maître de tout son pays, et qu’il oubliait, pour jamais, les quelques sujets de plaintes que les gens de la Compagnie royale du Sénégal lui avaient donnés; persuadé qu’André Brüe réglerait les choses avec tant de prudence, qu’il n’arriverait plus de différents entres ses officiers et ceux de la Compagnie royale du Sénégal. Il ajouta, pour lui donner des marques d’une confiance entière, qu’il lui permettait de «mettre case», c’est à dire d’établir des comptoirs partout où il voudrait; il assura qu’il en serait le protecteur et le gardien, et qu’il s’obligeait à châtier rigoureusement ses sujets, et à réparer lui même les dommages qu’ils pourraient faire aux français; et qu’enfin pour lui donner preuve plus marquée de la confiance qu’il avait en lui; il lui permettait de bâtir des Forts et de mettre du canon dans tous les lieux ou il voudrait établir des Comptoirs.

Il était tard quand André Brüe acheva les visites que le cérémonial rendait obligatoire, et fut conduit aux cases qui lui avaient été préparées et qui étaient situées dans l’enceinte de celles du Chieratik et de ses femmes.
Il y trouva l’intendant du Chieratik nommé Amadi-Arde et deux Gouverneurs de Province appelés Lam-Gioudé-Boulou et Lam-Guiandé-Houté, qui l’attendaient pour le saluer. Ils étaient habillés d’étoffes rayées de blanc et rouge, que les Maures leur apportaient. Ils échangèrent des compliments, mais Mahométans rigides ils refusèrent de boire de l’«Eau de vie (alcool)». Il leur offrit des présents. Ils furent suivi par les moyens et petits officiers du Chieratik, à qui il fit distribuer quelques cordes de rassages jaunes et noires et qui repartirent content.

Les esclaves des femmes du Chieratik apportèrent les plats, qu’elles avaient fait préparer pour son souper. C’étaient de grandes gamelles de bois, ou des «coüis», c’est à dire des moitiés de calebasses, pleines les unes de sanglets, les autres de couscous, d’autres de viandes bouillies, d’autres de rôti et d’ autres de lait frais. À cette occasion le Chieratik lui offrit un jeune esclave.

Dès le point du jour, le Chieratik vint en personne trouver André Brüe, il entra familièrement dans sa case, s’assit sur le lit et s’entretint avec lui, pendant que ses gens l’habillait et l’invita ensuite à voir ses chevaux et sa cavalerie. Il fit amener des chevaux pour lui, André Brüe, ses officiers, ses trompettes et ses hautbois, qui devaient faire les honneurs de la fête. Les africains avaient des Trompes d’ivoire, ce sont des défenses d’éléphants de différentes grosseurs, creusées, pesantes et qui rendent un son rude.

André Brüe et le Chieratik à ses côtés se rendirent à un demi quart de lieue, dans une plaine où sa cavalerie, composée 700 cavaliers, tous très bien faits, fermes à cheval, et montant comme des Maures des chevaux barbes et quelques uns venant des pays du Sud du Sénégal, défilèrent deux par deux devant eux, puis se séparèrent en deux corps vis à vis l’un de l’autre et éloignés d’environ quatre cent pas. Le Chieratik en centre leur fit faire plusieurs mouvements, puis ils se chargèrent pour un combat en poussant leurs chevaux à toute bride et en brandissant leurs sagaies, prêts à les lancer. Les véritables chevaux barbes, très beaux étaient estimés à 15 captifs.

Après 3 heures de spectacle, vers 11 heures, le Chieratik raccompagna André Brüe à sa case et alla s’installer sur son petit lit dans la salle d’audience, pour juger les différents et les procès de ses Sujets. André Brüe curieux de savoir comment cela se déroulait demanda aux officiers du Chieratik d’être un témoin. Ils le placèrent à un endroit où il ne pouvait pas être vue de lui. Il vit que le Chieratik et 10 de ses plus anciens officiers écoutaient attentivement ce que les parties avaient à dire l’une contre l’autre. Après que les plaignants se furent retirés il conférait avec ses Conseillers, puis sur un signe de la main, les gardes les faisaient rentrer, et le Chieratik prononçait l’Arrêt d’ une manière grave et pleine d’autorité et sur le champ celui qui était condamné était saisis par les gardes et l’Arrêt éxécuté.

Après quelques jours, le Chieratik et toute sa suite, incommodés par les Maringouins que la crue de la rivière répandait de tous côtés, décida de changer de demeure, il fit venir André Brüe, lui confirma tout ce qu’il lui avait promis, et ajouta devant tout le monde que si quelqu’un de ses sujets était assez téméraire pour faire tort aux Comptoirs et aux commis qui resteraient dans son Royaume, ou pour empêcher la traite, ou exiger des présents, il lui permettait de le faire tuer sans autre forme de procès; après cela il lui fit présent de quelques esclaves et lui promit de lui en envoyer un nombre considérable.
Puis il ordonna à son grand Bouquenet, de lui fournir les chevaux et les chameaux dont il aurait besoin et de le reconduire à ses barques.

André Brüe prit congé du Chieratik, de ses femmes et des principaux Seigneurs de la Cour, et étant monté à cheval avec sa suite, le Bouquenet, deux autres seigneurs et trente cavaliers d’escorte, il alla se poster sur le chemin où le Chieratik devait passer afin de le saluer encore et voir l’ordre de sa marche. À peine arrivé à l’endroit que le Bouquenet jugea à propos pour voir défiler l’armée; il vit paraître l’avant garde de ces troupes.
Une cinquantaine ou soixantaine de cavaliers marchaient en tête, ils avaient de petits tambours, quelques trompettes d’ivoire, et de petites timbales qui n’étaient que des chaudrons ou fatalas de cuivre jaune, qu’ils achètent aux français et qui étaient couverts de gros parchemins. Les épouses du Chieratik et toutes leurs femmes venaient ensuite. Elles s’étaient placées accroupies, de manières à ne voir que la tête, avaient des parasols de jonc et étaient placées deux par deux dans des paniers en osier, sur la croupe d’ un chameau couvert de tapis et de pagnes, accompagnées de chaque côté par un homme qui avait la main sur les paniers, afin de les empêcher de tourner. Les esclaves étaient montés sur des ânes et se tenaient le plus près possible de leurs maîtresses, afin de leur pouvoir parler, de leur donner leurs pipes et leur rendre d’autres services.
Àprès les femmes et les petits enfants du Chieratik, parut une longue file de chameaux, de boeufs porteurs et d’ânes, chargés des bagages des femmes; chaque chameau était conduit par deux hommes. En gros plus de 100 cavaliers venaient ensuite et semblaient leur servir d’escorte. Les tambours, les trompettes et les timbales du Chieratik parurent à quelques distances de ce derniers corps; ils précédaient une troupe d’ environ 200 cavaliers fort bien montés et armés, après lequel le Chieratik parut seul.
Il montait un très beau cheval barbe, il avait sur la tête un chapeau bordé d’or avec un plumet blanc, cadeau d’André Brüe, et portait ses habits ordinaires d’une casaque d’écarlate avec un baudrier et une épée à la française, deux pistolets à l’arçon de sa selle et une petite sagaie à la main, ils se découvrirent, se touchèrent plusieurs fois la main, se firent des compliments et se séparèrent enfin avec de grands témoignages d’amitié.
Le Chieratik était suivi de quatre à cinq cents cavaliers, qui marchaient par quatre de front, les premiers rangs composés de ses principaux officiers et les plus grands Seigneurs de la Cour, ils étaient bien montés; la plupart outre le sabre et la sagaie avaient un arc et un carquois plein de flèches sur l’épaule, avec des écharpes de différentes couleurs qui leurs ceignaient le corps. Tous saluèrent André Brüe, et celui ci pour les honorer fit faire décharger l’artillerie de ses gens.

La maison du Chieratik venait ensuite, elle comprenait les murailles et les portes du lieu qu’il quittait, pour s’en servir à un nouveau domicile, où il était sur de ne trouver que les fourches et les piliers qui portent les combles et les chevrons de la couverture des cases. Tout était chargé sur des chameau, des boeufs porteur et des ânes, avec toutes les marchandises, les vivres, les meubles, en un mot tous ses biens. Les esclaves du Chieratik, hommes et femmes étaient du voyage et bien chargés. Un corps d’environ 200 cavaliers fermait cette marche et servait d’arrière-garde.
Toute cette cavalerie n’appartenait pas au Chieratik, les Gouverneurs des Province et les officiers étaient obligés d’en entretenir un certain nombre et de les lui amener quand il le commandait, à charge pour lui de leurs fournir des vivres pendant qu’ils étaient à son service, soit pour la guerre, soit pour l’accompagner dans ses voyages. Il pouvait mettre en campagne beaucoup plus de Cavalerie et d’Infanterie. La Compagnie royale du Sénégal lui fournit quelques armes à feu défectueuses, en espérant que l’humidité et la chaleur du climat les rendent inutilisables, la rouille les gâtant absolument en peu de temps.

André Brüe continua sa route, après le passage de toute cette multitude, il n’avait pas fait une lieue, que le Prince Siré, accompagné de 8 à 10 cavaliers, le rejoignit, en disant qu’il avait ordre de l’aller conduire jusqu’ à ses barques, et d’avoir très grand soins qu’il ne reçut dans son Royaume que de bons traitements.
Ils partirent de Boucar le troisième jour et arrivèrent de bonne heure à Guiorel. Le Prince Siré et ses officiers conduisirent André Brüe jusqu’à sa barque, où il leur fit des présents puis ils retournèrent chez eux, saluer par l’artillerie.

André Brüe trouvant que ses commis avaient fait un commerce avantageux pendant son absence, décida d’établir un comptoir à Guiorel. Farba qui en était le chef et connaissait les promesses du Chieratik, de le favoriser en toutes choses, prit le Comptoir, les commis et les marchandises sous sa garde et sa protection et envoya avertir de tous côtés que les français étaient établis à Guiorel et que la volonté du Chieratik étaient qu’ils y viennent traiter. Depuis que les barques avaient mouillées, tous les habitants des environs à 12 ou 15 lieues, étaient venus traiter en foule. Les commis qui avaient paru plus réservés, s’empressèrent d’envoyer traiter tous ce qu’il y avait de captifs, d’or, d’ivoire et de pagnes de ce pays, qui étaient fort belles et donnaient un profit considérable.

Les barques d’André Brüe étaient revenues du Fort de Saint-Louis, chargées de nouvelles marchandises pour continuer la traite sur le haut du fleuve, mais il apprit qu’il était arrivé des navires à la Barre de Saint-Louis, ce qui l’obligea à remettre cette expédition à une autre fois. Il se contenta d’envoyer des commis au Royaume de Galam et revint au Fort de Saint-Louis en 6 ou 7 jours, au lieu des quarante pour venir à Guiorel, sans compter les jours d’arrêt dans les différents lieux de sa route.

Source: «Nouvelle relation de l’ Afrique Occidental» Tome IV par Jean-Baptiste Labat. Edité 1728 par Guillaume Cavelier, rue Saint-Jacques au Lys d’ Or, proche de la Fontaine Saint-Séverin.
Important: Jean Baptiste Labat, qui rédigea son livre à l’aide des notes d’André Brüe, a plagié le livre de Michel Jajolet de la Courbe, en attribuant ses aventures à André Brüe avec une tendance à les enjoliver. Aussi cette rencontre avec le Chieratik, a aussi pu être faite par Michel Jajolet de la Courbe qui, en 1690, était remonté jusqu’à la Chute du Felou, il avait sans doute rencontré le Chieratik pour régler les différents survenus au temps de Louis Moreau de Chambonneau. Il n’est pas impossible qu’une partie de ce voyage ou la totalité, ne soit un nouvel emprunt, et les flûtes et hautbois des affabulations.

En octobre 1697, André Brüe s’embarqua de Saint-Louis pour l’île de Gorée. Il y trouva les deux forts en piteux état, les magasins découverts et presque abattus. Connaissant l’importance de ce poste, de par sa situation avantageuse au milieu des côtes de la Concession, et de sa rade où les plus grands navires pouvaient mouillés en toute sûreté, faire facilement de l’eau et du bois, dont ils avaient besoin, et trouver à la terre ferme voisine, tous les rafraîchissements nécessaires pour les voyages de long cour; il ne négligea rien pour fortifier cette île.
Le Fort de la Montagne, qui avait été rasé par le Comte Jean II d'Estrées, avait été partiellement relevé sur ses anciens fondements par la précédente Compagnie royale du Sénégal, et appelé Fort Saint-Michel, c’était un losange assez grand flanqué de deux bastions. Les murs étaient de grandes pierres forts élevés. André Brüe y fit placé 16 pièces de canon, et 8 autres en trois batteries, qu’il fit établir
. Le Fort de l’Anse appelé Fort Saint-François fut réparer, il y fit construire des logements pour les officiers, des casernes pour les soldats, des captiveries pour mettre les esclaves en attendant leur embarquement pour les Antilles, des Magasins, des forges et tout les bâtiments nécessaires pour la commodité et la défense du poste. Il fit placer 14 pièces de canon, sur les demi-bastion en face de l’ Anse, et 14 autres pièces dans trois batteries, dont deux se croisaient pour empêcher toute descente. Il y avait en tout 52 pièces de canon de 18,12,8, et 6 livres de balle. Son dessein était d’environner toute l’ Anse depuis la pointe du Cimetière jusqu’ à celle du Fer à Cheval.

Le 27 juillet 1698, André Brüe se rendit au Royaume de Galam , il avait avec lui deux barques, une double chaloupe et quelques canots et une cargaison considérable de toutes sortes de marchandises de traite, des vivres pour plus de trois mois, et des équipages choisis parmi les meilleurs de la Compagnie royale du Sénégal.
Les vents d’Ouest et du Sud-Ouest lui furent favorable et il arriva le lendemain à l’escale du Désert, où il fit tuer et saler plusieurs boeufs, qu’il fait préparer en vue de ce voyage.

Le 29 juillet 1698, il repartit avec les mêmes vents, mais quelques heures plus tard, le calme l’obligea à se faire haler à la cordelle. Il mouilla devant le village du Brak et lui envoya ses compliments. Le Brak vint le saluer, recevoir ses coutumes et échanger des présents.

Le 9 août 1698, il arriva à Guiorel, et se rendit à Gourmel pour payer les coutumes au Chieratik et renouveler leur amitié. Puis le 15 août 1698 il repart et arrive le 21 août 1698 à Dramané, qui est sur la frontière du Royaume de Galam

Carte 1707 du Sénégal de Delisle (Source Gallica - BNF)
Carte 1707 du Sénégal de Delisle (Source Gallica - BNF)



Il se rendit au village du Tonka Boucary, qui venait d’être élu, pour lui payer ses coutumes. Ce lieu est situé par 14 degrés 9 minutes de lattitude septentrionale.
André Brüe envoya à terre un de ses commis,le Sieur Perere qui parlait parfaitement la langue Mandingue. Il le fit accompagné de deux Marabouts et de deux Maîtres des langues (interprètes), en lui donnant l’ordre d’aller saluer le Chef et lui dire, qu’il ne tenait qu’à lui de vivre en bonne intelligence avec la Compagnie royale du Sénégal, et qu’il était prêt à lui payer ses coutumes.
Le lendemain matin le Tonka Boucary se présenta sur le bord du fleuve, avec une fort grande suite. Il lui envoya une chaloupe dans laquelle il vint à bord accompagné de cinq personnes. André Brüe le salua sans ôté son chapeau et en lui serrant la main plusieurs fois sans dire un mot. Puis ils entrèrent dans la chambre avec deux Maîtres des langues (interprètes), s’assirent et s’entretinrent aussi familièrement que s’ils se fussent connus depuis longtemps.
André Brüe lui offrit du chocolat qu’il ne connaissait pas et trouva fort bon, après s’être fait assurer qu’il ne contenait ni vin ni cochon, car sur ces deux articles il était d’une exactitude étonnante, mais accepta l’«Eau-de-vie (alcool)» et les différentes liqueursn’étant pas défendus expressément par la Loi de Mahomet. Il mangea des confitures et en partant André Brüe lui promit de lui apporter ses coutumes en lui rendant visite.
Il y alla dans la soirée, monté sur un cheval du Tonka Boucary, que les Officier du Tonka lui présentèrent, et accompagnés de ses officiers et de ses Laptots armés. Ses trompettes et ses tambours allaient devant et eurent bientôt fait assembler, tout le village autour de la case du Tonka Boucary. La distance était de 200 pas jusqu’à la case. Elle été faite comme toutes les autres, en forme de dôme, couverte de paille avec une muraille de roseaux enduite de terre grasse. Ce qui la signalait, c’était qu’elle était élevée d’environ 3 pieds hors de terre par des grandes pierres de marbre rouge brut, qui en faisait aussi le plancher.
Le Tonka Boucary vint l’accueillir à l’entrée, qui était si basse qu’André Brüe fut presque contraint d’y entrer à genoux. Après les civilités ordinaires, André Brüe lui fit présent d’une écharpe de satin cramoisi, garnie de franges d’or et d’argent, qu’il reçut avec des grands témoignages de joie, mais n’offrit rien en échange comme c’est la coutume, car il était extrêmement pauvre.
André Brüe avertit d’un bon vent d’Ouest favorable à le remontée du fleuve prit congé du Tonka Boucary, qui vint le reconduire jusqu’en dehors de la tapade qui environnait ses cases.
Il fit mettre les voiles et le soir même, il mouilla à Boubé Segalle, qui est l’escale de Maka, ancien Tonka du Galam qui venait d’être déposé. Il l’envoya saluer et lui fit porter un petit présent, qu’il accepta, sans témoigner aucun mécontentement, de ce que son adversaire Boukary est été reconnu comme Tonka.

André Brüe repartit le même jour et arriva à Dramané le 1er septembre 1698. Ce village était grand et peuplé, de plus de 4.000 personnes, La plupart étaient des Marabouts gens de bon commerce et d’aussi bonne foi, qu’il peut en avoir parmi les africains Mahométans. Ils trafiquaient jusqu’au pays de Tombouctou, qui selon eux était éloigné de 500 lieues d’ici.
André Brüe voyant qu’il pouvait faire un commerce considérable, se résolut à établir un Comptoir fixe, assez fort pour résister aux attaques des africains et des Maures pour le piller. Il chercha des îlets au milieu du fleuve, dont le terrain était assez élevé pour n’être pas inondé pendant les hautes-eaux. Les habitants du village lui déconseillèrent car, à la saison sèche, les Maures traversaient et pillaient tout. Il opta pour un terrain élevé, situé auprès de Makanet. Il fit les plans, le marqua avec des piquets, fit un devis, tant de la fortification que des bâtiments qu’elles devaient renfermer et instruisit un officier qui était destiné à cet emploi, au cas où il ne pût pas revenir en personne, après qu’il aurait obtenu l’accord de la Compagnie royale du Sénégal.

Extrait carte Sénégal 1726 Delisle (Gallica-BNF)

Extrait carte Sénégal 1726 Delisle (Gallica-BNF)



Il laissa à demeure, pour tenter de faire pénétrer par ses commis le pays de Bambouk, un frère Augustin, nommé Appolinaire, chirurgien de profession, il avait servi la Compagnie royale du Sénégal en cette qualité pendant quelques années avant de se faire religieux, il était entré à son service après sa profession, et y exerçait son art avec beaucoup de zèle. C’était un homme d’esprit, très habile et très capable de s’insinuer dans les esprits des africains, en espérant qu’ils pourraient les aider à y pénétrer.
Mais les Mandingues éludèrent toutes les tentatives qu’il fit pour les engager à l’y conduire et il se contenta d’examiner le Royaume de Galam et une partie de celui du Khasso, jusqu’à quatre lieues en dessous du Rocher de Gouina, sans pouvoir aller plus loin. Les Mandingues, sous prétexte d’une guerre, les empêchant de l’accompagner, lui interdire le passage.
Il eut plus de chance du côté de la Falémé, qu’il remonta jusqu’au banc de roches vis à vis de Cainoura, et eut l’adresse de mettre dans les intérêts de la Compagnie royale du Sénégal le chef de ce village.

Carte 1707 du Sénégal de Delisle (Source Gallica - BNF)
Carte 1707 du Sénégal de Delisle (Source Gallica - BNF)



André Brüe lui laissa un assortiment de marchandises de traite, et le recommanda au Marabout chef de Dramané, qui s’était chargé de lui et avait promis de le protéger de toutes ses forces.
Le chef du village lui donna une case, lui fit traiter avantageusement ses marchandises et lui donna tous les éclaircissements sur le commerce de ces pays.

Appolinaire, frère Augustin, envoya un mémoire le 8 octobre 1699, et la Compagnie royale du Sénégal lui demandant de nouveaux éclaircissements, il demanda à revenir en France pour y répondre de vive voix à toutes les questions. Il quitta donc Galam et arriva le 16 septembre 1700 à Saint-Louis où il embarqua pour la France en novembre 1701, avec des lettres pour la Compagnie royale du Sénégal, d’André Brüe, alors Directeur et Commandant général, dont une vantant les mérites de ce religieux, et demandait qu’elle fit tous ses efforts pour le garder à son service.

Le 10 janvier 1698, il envoya une barque à l’entrée du Lac de Cayar et en octobre un mémoire, du frère Appolinaire, en France.

Le 10 novembre 1698, il négocia avec Corker, le directeur anglais de la Gambie.

Suite...1700-1749