• Expédition du Dimar et Conquête du Ouala 1851-1855

  • Guerre contre les Trarza et leurs alliés du Oualo et des Brakna

    Vers le milieu du mois de mars 1855, Mohammed-El-Habib se rapprocha du fleuve avec ses tribus, comme tous les ans à la même époque. Les nouvelles qu'il connaissait déjà de la razzia des lioi
    Les insoumis du Oualo prirent encore part à la lutte des Trarza contre nous jusqu'à la conclusion de la paix avec cette tribu, en 1838.

    La reine Ndaté-Yalla ne tarda pas à mourir dans son exil, et Sidia, son fils, quelle avait eu de Béquio, et qui, Ely écarté, eut été l’ héritier du royaume du Oualo, reçut le commandement du cercle de Nder, tout en restant à l’ école des otages pendant quelques années.

    Une révolte du village de Brenn contre son chef de cercle, Fara-Coumbodj, en septembre 1858, fut sévèrement réprimée par le gouverneur par intérim, M. le capitaine de frégate Robin ; les trois chefs de la révolte furent fusillés et tout rentra dans l'ordre.

    Aujourd'hui, le Oualo est un pays tout français , parfaitement soumis aux chefs que nous lui avons donnés , et qui se livre avec ardeur à la culture et au commerce pour rétablir sa prospérité et oublier ses longues souffrances.

    Azouna et la conquête du Oualo, l'avaient beaucoup affecté ; il ne pouvait évidemment se dispenser de nous faire la guerre, et il avait toujours beaucoup redouté d'être obligé d'en venir à cette extrémité.
    Heureux dans toutes ses entreprises pendant un règne de plus de vingt-cinq ans, devenu le véritable et seul maître des deux rives du bas Sénégal, nous ayant abaissés plus qu'aucun de ses prédécesseurs, il sentait; par une espèce d'intuition, et malgré l'attitude assez craintive que nous avions prise devant lui, que notre réveil, un jour ou l'autre, pouvait lui devenir fatal; en outre, il y avait division chez les Trarza : une partie des princes de la famille royale était réfugiée dans l' Adrar, chez Ould-Aïda, cheikh des Ouled-Yahia-Ben-Othman, en hostilité avec le roi des Trarza; aussi Mohammed- El-Habib disait-il, dans son intimité : « Pas de guerre avec les blancs ; ils tueraient mon fils aîné Sidy que je ne leur ferais pas la guerre ! »

    Cependant, dans les circonstances présentes, il ne pouvait abandonner tout d'un coup le ton superbe dont il avait l'habitude envers nous ; il était obligé de montrer de l'assurance, ne fût-ce que pour en donner à ses peuples. Aussi, à une lettre que lui écrivit le gouverneur pour lui dire que la paix ne se rétablirait qu'aux conditions suivantes : Suppression des escales , — suppression des coutumes, — renonciation au Oualo , — cessalion de pillages sur la rive droite, il répondit :
    « J'ai reçu tes conditions, voici les miennes : Augmentation des coutumes des Trarza, des Brakna et du Oualo, — destruction immédiate de tous les forts bâtis dans le pays parles Français, — défense à tout bâtiment de guerre d'entrer dans le fleuve, — établissement de coutumes nouvelles pour prendre de Veau et du bois à Guet-Ndar et à Bop Nldor, — enfin , préalablement à tout pourparler , le gouverneur Faidherbe sera renvoyé ignominieusement en France. »
    Ainsi, notre programme lui paraissait aussi peu sérieux, que l'étaient pour lui-même ces conditions dérisoires. La question était donc carrément posée de part et d'autre ; c'était à la force de décider.

    L'ennemi qui entrait en ligne contre nous, était plus nombreux, plus redoutable et surtout plus difficile à saisir que les Tiédo du Oualo.
    Les Maures guerriers, qui forment à peu près la moitié de la population des Trarza (les autres étant marabouts et sans armes), sont armés de fusils à deux coups et à pierre, qu'ils achètent à nos comptoirs. Beaucoup d'entre eux sont estropiés aux mains et aux bras par suite de l'explosion de quelqu'une de ces armes; en effet, ces fusils ne sont pas très solides et ils sont souvent beaucoup trop chargés avec deux, trois et quatre balles ; ils sont du reste parfaitement entretenus et leur poignée est généralement renforcée par les forgerons du pays, au moyen d'une gaîne ou d'une simple bande de fer poli.
    Enfin, ils sont toujours renfermés avec soin dans un étui en cuir, d'où on ne les sort qu'au moment de s'en servir pour combattre.
    Les Maures ne sont vêtus que d'une culotte courte et d'une espèce de gandoura qu'ils relèvent latéralement au-dessus de leurs épaules de manière à laisser les bras entièrement libres et qu'ils serrent à la taille par une ceinture; avec ces vêtements noirs, la tète nue, et leurs longs cheveux bouclés et flottant au vent, ils ont un air excessivement sauvage.

    Leurs selles sont petites et ne pèsent, toutes garnies, que quatre kilogrammes au plus, de sorte que, comme les cavaliers eux-mêmes sont généralement maigres, leurs petits chevaux n'ont pas une grande charge à porter et sont susceptibles de fournir de longues courses.

    Quant à leur manière de faire la guerre, les Maures n'attaquent que pour enlever du butin ou des captifs; s'il n'y a rien à gagner, ils refusent généralement le combat; ils montrent même moins de vigueur pour défendre leur propre bien que pour enlever celui des autres.

    S'ils veulent attaquer une caravane en route, ils s'embusquent dans l'herbe, et, au moment où la caravane arrive sur eux, ils tuent à bout portant quelques hommes, se lèvent en poussant des cris, et , si les conducteurs fuient , ils s'emparent du butin; si les conducteurs |se défendent, les agresseur se sauvent généralement eux-mêmes.

    Pour enlever un troupeau, ils le font observer au pâturage pendant quelques jours par des espions; puis, à un moment propice, ils assassinent les bergers qui sont souvent des enfants et se sauvent avec le troupeau. S'ils ont à craindre d'être poursuivis, ce sont des cavaliers qui enlèvent le troupeau et le font courir à toute vitesse et, dans ce cas, une bande de fantassins s' embusque dans l’ herbe sur le chemin que doit suivre la razzia; les maîtres du troupeau , en cherchant à rattraper leur bien , tombent dans l'embuscade, perdent quelques hommes et cessent généralement la poursuite.

    S'agit-il d'enlever un village de noirs, les Maures l’ entourent pendant la nuit; à un signal donné, ils tirent des coups de fusil et poussent des cris qui, pour les habitants, sont plus effrayants que les rugissements du lion; les hommes du village se sauvent presque toujours, et les Maures emmènent femmes, enfants et bestiaux.

    Les seuls cas ou les Maures se battent avec acharnement, c'est dans leurs querelles intestines, suscitées par des haines de famille ou de tribus ; alors ils se livrent des combats sérieux, des luttes à mort; mais contre les blancs et contre les noirs que leurs chefs méprisaient presque également, le point d'honneur consistait pour eux à faire du mal à l'ennemi sans en éprouver. Si un noble Trarza était tué par les blancs, ou par les noirs, c'était un déshonneur pour sa famille.

    Du reste, ces espèces d'hommes de proie sont infatigables et pleins d'énergie pour supporter les souffrances et les privations ; ils montrent en outre une grande cruauté envers les vaincus et les prisonniers ; de là , l'immense terreur qu'ils inspiraient.

    D'après le portrait qui vient d'en être fait, on voit qu'il n'est pas tout à fait exact de dire, comme on l'a répété souvent, que les Maures sont aussi lâches que cruels, qu'ils manquent complètement de cette qualité, assez mal définie, du reste, que nous nommons courage : le Maure a certainement du courage : ce n'est pas la brillante valeur des héros de nos histoires et de nos romans, ce n'est pas non plus le courage du devoir, le courage sans faste et sans ostentation du soldat qui, à toute heure du jour et de la nuit, est prêt à courir à la mort sur un mot de ses chefs, parce que ce sont les conditions de son noble métier; c'est encore bien moins le courage spontané du dévouement, apanage des âmes d'élite sous toutes les latitudes et dans toutes les classes de la société , mais c'est le courage de l'homme qui vit de rapines à main armée. Puisqu'il tire ses ressources journalières de ces violences, il ne faut pas qu'il en meure. La première condition est qu'il rapporte du butin sans être tué ni blessé, aussi fuit-il devant la résistance ; tout cela est conséquent; mais ne faut-il pas à une bande de ces brigands un grand courage pour traverser le fleuve à la nage, par une nuit noire, malgré les croisières et les crocodiles, pour s'engager dans un pays où ils sont détestés, pour passer entre des villages populeux, se cacher pendant des jours et des nuits en pays ennemi, attaquer hardiment un village qui a quelquefois beaucoup plus de fusils qu'eux, faire des prises considérables et les ramener malgré la poursuite des populations , à travers les forêts , les marigots, les bras du fleuve, où ils peuvent à chaque pas tomber dans dès embuscades

    Quoi qu'il en soit , le retour des Trarza fut tout d'abord signalé par un fâcheux accident : une embarcation chargée d'une assez grande quantité de marchandises et qui se hâlait sans précautions, à la cordelle, fut surprise au marigot des Maringuoins par des Maures embusqués dans l' herbe; son équipage fut tué en grande partie et l’ embarcation pillée.

    Dans la nuit du 22 au 23 mars, une autre embarcation chargée de mil, revenant seule de Mérinaghen, fut aussi enlevée dans la Taouey ; un homme fut tué et une femme prise, le reste de l’ équipage put se sauver.

    Le 22 du même mois , le lieutenant d'infanterie de marine Guillon, commandant Mérinaghen , alla avec sa garnison brûler le village de Lambayo, dont les habitants, à l'instigation d'Ely, se montraient hostiles ; il eut un petit engagement dans lequel il blessa 3 hommes sans éprouver aucune perte.

    Le 26 mars, le gouverneur partit avec 450 hommes, y compris 200 volontaires, pour aller faire une razzia sur des troupeaux appartenant à l'ennemi, entre Mpal et Dialakhar; le départ eut lieu à sept heures du soir, on emportait deux jours de vivres; à dix heures, on campa au pont de Leybar.
    Le 28, à deux heures du matin, on se remit en marche, et à neuf heures, on bivouaquait sur le marigot de Menguey, en face du village de ce nom. Les spahis étaient partis en avant pour faire la razzia avec les volontaires Peuls. A onze heures du matin , nous aperçûmes des groupes de cavaliers maures; nous nous mîmes à leur poursuite et ils disparurent bientôt. A deux heures, les spahis revenaient, nous ramenant 150 bœufs. Ils avaient aussi rencontré les cavaliers maures, mais ceux-ci n'avaient pas osé les attaquer.

    Notre but étant atteint, nous partîmes à trois heures de l'après-midi , pour aller bivouaquer la nuit à Dialakhar , afin d'avoir un peu moins de chemin à faire le lendemain pour revenir au pont de Leybar.

    A trois heures et demie du matin, au moment où la lune venait de se coucher, et dans l'obscurité la plus complète, on fut éveillé par une fusillade très vive sur les quatre faces et même dans l'intérieur du camp ; les sentinelles criaient : « Le troupeau se sauve! » Les Maures, excessivement adroits pour enlever les troupeaux pendant la nuit , cherchaient à nous reprendre nos|150 bœufs; ceux-ci, effrayés par la fusillade , s'enfuirent dans toutes les directions. La nuit étant très noire, on ne put, après avoir tiré quelques coups de fusil au hasard, que rester chacun à son poste jusqu'au lever du soleil.
    Nous avions 1 homme tué, 2 blessés et 2 chevaux d'officiers tués. Un Maure tué était resté dans le camp, et les gémissements qu'on entendait à une certaine distance indiquaient qu'ils avaient abandonné quelques blessés.
    Trois quarts d'heure après, le jour commençant à paraître , le gouverneur se mit à la poursuite des Maures avec un tiers de son monde ; mais ils avaient déjà beaucoup d'avance sur nous, et après les avoir vivement poursuivis pendant une heure, craignant que leurs forces ne s'accrussent de moment en moment par l'arrivée des contingents ennemis qu'on avait dû aller avertir la veille , réfléchissant qu'il fallait nécessairement retourner au pont le jour même à cause du manque de vivres, n'ayant pas de moyens de transport pour porter plus de 8 malades ou blessés, le gouverneur revint au camp prendre le reste de la colonne, et on se mit en marche pour Leybar.

    Les Maures qui s'étaient rapprochés peu à peu, en se cachant dans les broussailles , voyant que nous étions partis de Dialakhar, reprirent un peu de courage et il y avait environ une heure que nous étions en marche quand nous les vîmes paraître sur nos derrières. 100 tirailleurs à l' arrière-garde, sous les ordres du capitaine Bruyas, suffirent pour tenir à distance pendant toute la route des bandes de cavaliers bien montés , dont un certain nombre fut abattu par nos carabines , armes dont les indigènes du Sénégal ne connaissaient pas encore la portée.
    Des hommes envoyés sur les lieux quelques jours après, apprirent que les bœufs n'étaient pas tombés au pouvoir des Maures, mais qu'ils étaient retournés dans leur village. Quant aux pertes de l'ennemi, en chevaux et en hommes, elles furent plus fortes qu'on ne l'avait d'abord supposé ; 14 cadavres furent comptés sur la route et il y avait un assez grand nombre de blessés , parmi lesquels se trouvait un prince du Oualo.

    La colonne arriva au pont à dix heures, n'ayant pas eu un seul homme touché pendant la route; sur la fin , les Maures étaient tellement intimidés qu'ils ne s'approchaient plus qu'à portée de canon et ils disparurent tout à fait à une demi-lieue du pont, à la grande saline, où le gouverneur les attendit cependant avec le seul peloton de spahis, pour voir s'ils oseraient engager un combat de cavalerie.

    La guerre existant avec les Trarza , le commerce fut interdit avec eux dans le fleuve jusqu'à Podor exclusivement.
    Des deux compétiteurs au trône des Brakna , l'un , Sidi-Ely , en désaccord avec Mohammed-El-Habib, était naturellement de notre parti, l'autre, Mohammed-Sidi, quoique s'appuyant sur les Trarza, fit tous ses efforts pour ne pas se mettre en hostilité avec nous ; il voulut même nous faire croire qu'il nous aiderait dans notre guerre contre les Trarza, mais il fut toujours impuissant à réaliser cette promesse ; il ne put même pas toujours conserver la neutralité et nous força, comme on le verra plus tard, à sévir contre lui et contre son parti.

    Au commencement d'avril 1855 , le chaland armé de Mérinaghen ayant été à une lieue du poste pour faire une razzia, fut attaqué par des bandes de Maures et de noirs qui se mirent à l'eau pour chercher à le prendre; nos laptots (matelots indigènes) se défendirent parfaitement et parvinrent à retourner au fort sans avoir éprouvé aucune perte, et après avoir fait quelque mal à l'ennemi.
    Nos laptots se montrent toujours, dans les guerres que nous avons à soutenir au Sénégal, d'une grande bravoure et d'un dévouement complet à noire cause.

    Le 12 avril 1855, une tentative fut faite par l’ ennemi sur le poste de Richard-Toll .
    A cinq heures et demie du matin, les Maures vinrent en grand nombre s'établir à Floiseac, habitation alors abandonnée, située sur les bords de la Taouey, à mille mètres environ de Richard-Toll et où se trouve aujourd'hui la maison de commandement. D'autres bandes cherchaient à entourer le poste du côté opposé. Les premiers se trouvèrent pris entre les feux du poste et ceux d'un blockhaus qui avait été établi en tête de pont sur la rive droite de la Taouey; ils furent bientôt forcés d'abandonner cette position en emportant leurs morts.
    M. Portalez, lieutenant d'infanterie de marine, commandant du poste, en était sorti avec quelques hommes pour se mettre à portée d'obusier de montagne de l'habitation Floissac. Ce que voyant, la seconde bande chercha à tourner ce petit détachement , mais elle fut arrêtée par quelques coups de canon de 8, à mitraille, et tout disparut.

    Ce jour là, le gouverneur, décidé à aller attaquer les Maures sur leur propre terrain, partait de Saint-Louis à sept heures du soir, avec une colonne de 1500 hommes, y compris les volontaires, sur les bateaux à vapeur le Marabout, le Rubis, le Grand-Bassam, le Serpent et l' Anacréon et les deux bateaux écuries. Le 13 avril, on touchait à Richard-Toll, où l'on apprit que Mohammed-El-Habib avait réuni toutes ses forces pour envahir le Oualo et nous le disputer pied à pied.
    Afin de diviser des forces que tout le monde croyait considérables ,le gouverneur persista dans sa résolution de faire une diversion chez les Trarza même; il comptait les forcer ainsi à rentrer chez eux pour défendre leurs familles et leurs biens ; on n'avait pas besoin de se préoccuper de nos postes du Oualo qui étaient imprenables pour de tels ennemis, et une tour en maçonnerie avait été construite au pont de Leybar, pour couvrir l’ île de Sor.

    En conséquence, le 15 avril, à deux heures du matin nous débarquions vis-à-vis de Gaé, au marigot de Morghen; après avoir fait trois lieues et demie, nous tombâmes sur quatre ou cinq petits camps d'Ouled-Aïd et de Klibat, nous tuâmes quelques hommes et nous fîmes une cinquantaine de prisonniers dont nous relâchâmes la plus grande partie, comme n'ayant aucune valeur, et parce que nous en étions déjà encombrés à Saint-Louis.

    En revenant, pendant la journée, la colonne fut exposée à un vent d'est tellement violent qu'un matelot tomba mort d'une congestion cérébrale, en route, et que nous comptâmes 40 malades à notre retour an bord du fleuve. Un autre matelot se perdit pendant cette course ; se trompant de direction, il s'engagea dans l'intérieur et fut massacré par les Maures.

    Le vent d'est nous réduisit à une complète inaction le 16 et le 17. Le 17, on apprit qu'à la nouvelle de notre razzia, le contingent des Ouled-Aid avait quitté l'armée du roi des Trarza et repassé le fleuve.

    Le 18 avril, la colonne alla à Richard-Toll pour tâcher de rencontrer Mohamraed-El-Habib, s'il était encore dans les environs, ou pour aller le chasser de Nder, s'il occupait cette capitale du Oualo, comme on le disait.
    Nous fîmes des sorties dans différentes directions sans rien voir, et des espions envoyés dans le pays , nous apprîmes que Mohammed-El-Habib s'était dirigé avec toutes ses forces vers Lampsar et Gandiole, pour inquiéter Saint-Louis. Comme on avait pris toutes les précautions nécessaires pour mettre hors de danger les environs de cette ville, sans se préoccuper de ce mouvement de l'ennemi on résolut de profiter de son éloignement pour faire quelque bonne razzia au cœur de son propre pays.

    Le 22 avril, à deux heures du matin, nous débarquions vis-à-vis de Ronk. La colonne fit quatre lieues au nord, et à la pointe du jour nous étions au milieu des camps et des troupeaux.
    Une fusillade maladroite et prématurée donna l'éveil aux Maures, de sorte que nous ne fîmes que 10 prisonniers, mais 3,000 bœufs restèrent entre nos mains ; ces bœufs appartenaient aux tribus de Dagbadji, des Koumlaïlen, etc. Nous eûmes un cheval tué.

    Malgré la difficulté d'une telle entreprise , le gouverneur résolut de ramener ces bœufs à Saint- Louis, par terre; nous avions pour cela trente lieues à faire sur le territoire des Trarza et on devait penser que leur armée repasserait le fleuve pour nous couper le chemin. Cependant , après trois jours de fatigues inouïes, nous eûmes la salisfaction de rentrer à Saint-Louis, le 24, avec notre immense troupeau, un peu diminué, il est vrai, parce que nous avions été obligés de couper les jarrets en route à toutes les bêtes qui ne pouvaient pas suivre.

    Pendant ces événements, le pont de Leybar était le théâtre d'un fait d'armes très remarquable. Mohammed-El-Habib, qui se vantait depuis dix ans qu'il irait faire son salam dans l' église de Saint-Louis, et qui, dans toutes ses guerres avec nous, était toujours venu nous braver à Guet-Ndtar ou dans l’ île de Sor, voulut y pénétrer cette fois par le pont de Leybar. Il y était surtout poussé par Ely qui avait eu l'impudence de lui raconter qu'à l'affaire de Dialakhar , il avait battu , poursuivi les blancs, tué le gouverneur et jeté le reste de la colonne à la mer.

    Le roi des Trarza vint donc avec toute son armée attaquer la tour défendue par le sergent d'infanterie de marine Brunier , avec 11 hommes de son corps et 2 canonniers.
    A l'étage de cette tour hexagonale se trouvait un obusier de montagne tirant par les fenêtres en guise d'embrasures. Le rez-de-chaussée était percé de huit créneaux.

    Le 21 avril, de sept heures du matin à midi, les Maures se ruèrent sur la tour avec un acharnement incroyable. Les cavaliers venaient emboucher les créneaux du rez-de-chaussée, d'autres cherchaient à démolir la maçonnerie avec leurs poignards. Une case en paille qui était auprès de la tour et servait de cuisine, fut brûlée par les assiégeants , ainsi qu'une femme qui, voulant sauver ses effets, n'en sortit pas assez vite.
    La fumée et les étincelles remplissaient la tour et les défenseurs craignaient à chaque instant de voir sauter leurs munitions.
    Dans des circonstances aussi critiques, malgré les cris furieux d'un millier d'ennemis dont les pertes ne faisaient qu'augmenter la rage, ces braves soldats ne perdirent pas un seul instant le sang-froid qui leur était si nécessaire. Ils avaient décidé qu'ils se feraient sauter avec leurs dernières munitions si les Maures parvenaient à escalader la tour.

    Enfin leur courage reçut sa récompense. Après cinq heures de lutte, les Maures très maltraités par un dernier obus qui éclata près du roi , prirent la fuite, abandonnant des armes et un certain nombre de morts.

    Le lendemain, les défenseurs avaient déjà brûlé une trentaine de cadavres qu'ils avaient trouvés dans un petit rayon autour de leur poste. Deux princes Trarza et un ministre du roi étaient parmi les tués, et les Maures, en se retirant, traînaient avec eux un nombre considérable de blessés , parmi lesquels les fils de Béquio.
    Le sergent Brunier avait été légèrement atteint, ainsi que deux de ses hommes.
    Mohammed-El-Habib, après cet affront, se retira précipitamment à Ross. Trois jours après, il apprenait notre grande razzia du 22 , et en éprouvait d'autant plus d'épouvante, qu'il paraît que son propre camp , renfermant sa famille , n'était pas bien loin du lieu où nous avions fait cette razzia, ce que nous ne savions pas.

    En Mai 1855, apprenant, en même temps, que le gouverneur était sorti de Saint-Louis, le 30 avril, par Leybar, pour marcher sur lui, il s'empressa de prétexter que Ould-Aïda menaçait ses camps, du côté du nord, pour évacuer en toute hâte le Oualo avec son armée. Il parvint à passer sans difficulté près de Mbagam, malgré le blocus qui n'était pas complet. Les gens du Oualo lui reprochèrent en vain l'abandon dans lequel il les laissait; Mohammed-El-Habib leur dit de s'en tirer comme ils pourraient et voulut même emmener son fils Ély avec lui. Mais ce jeune homme qui se montrait plein d'énergie et de résolution s'emporta contre son père et voulut continuer la lutte.

    Immédiatement après le départ des Maures, notre chef des Pouls, Bélal, faisait une. razzia de bœufs dans le Oualo. Les Pouls de Diaoudoun, sont des auxiliaires précieux pour nous dans nos guerres ; ils excellent surtout comme éclaireurs et daus l'enlèvement des troupeaux ; leurs chefs ont donné maintes preuves d'un grand courage.

    Le 25 mai 1855, le gouverneur envoya 400 hommes d'infanterie, sous les ordres de M. le capitaine Ghirat, sur huit embarcations bien armées, dans le lac de Guier, sous l'escorte d'une petite colonne de volontaires jusqu'à rentrée du lac, pour enlever et brûler les villages de l’ lle Ghiéland ainsi que ceux des bords du lac qui avaient été épargnés lors des expéditions précédentes.
    Cela fait, M. Chirat, avec l'appui de M. le lieutenant Guillon, commandant du poste de Mérinaghen, brûla cinq ou six villages des environs de ce poste, qui avaient été forcés par Ély de se déclarer contre nous. Le 1er juin, la flottille rentra à Richard- Toll avec tous ses hommes en bonne santé.

    Le 2 juin 1855, l'aviso à vapeur le Serpent alla débarquer 200 volontaires au marigot de Ouallalané sur la rive droite. Ils pénétrèrent à peu près à trois lieues dans le pays et prirent 800 bœufs et 800 moutons, sans résistance de la part des Maures, qu'ils ramenèrent heureusement à Saint-Louis. Ces troupeaux appartenaient aux Bouïdat, Koumlaïlen et Tendra.

    Le 4 juin, Fara-Penda, notre chef du Oualo, fit deux razzias sur des caravanes qui cherchaient à traverser la Taouey pour passer le fleuve entre Richard-Toll et Dagana ; il tua plusieurs hommes à l’ ennemi et fit six prisonniers.

    Le 10 juin, une chaloupe armée en guerre enlevait deux petites caravanes à quelques lieues de Saint-Louis en tuant plusieurs Maures.

    Mais notre meilleure affaire à cette époque eut lieu à Mérinaghen.
    Le 7, les insoumis du Oualo tentèrent d'aller brûler le village français qui est entre le fort et le lac. Les habitants se déployèrent bravement en tirailleurs pour protéger leur village. Le fort les soutint de son artillerie. La lutte dura de six heures à dix heures du matin. L'ennemi ne fut mis définitivement en déroute que par un boulet qui traversa un cheval et son cavalier et tua un second cheval; le coup avait été pointé par M. Guillon.
    Un homme du village qui s'était trop avancé, ayant eu la jambe cassée, le prince du Oualo, Bighi-Yad, parent de la reine, vint l'achever à coups de poignard et fut lui-même tué raide, à vingt pas, par le traitant de Saint-Louis, Daour.
    Les pertes de l'ennemi montaient à une dizaine de morts restés sur place. On lui vit enlever douze blessés, sans compter ceux qui pouvaient encore marcher. Nous ne perdîmes qu'un homme tué par Bighi-Yad.

    Le manque d'eau douce dans cette saison et les fortes chaleurs ne permettaient guère plus de parcourir le pays avec une colonne. On s'occupa surtout de la croisière qui fit beaucoup de mal à l'ennemi : le 10, le Serpent, du capitaine Butel, en descendant à Saint-Louis, coupa une caravane qui traversait le fleuve. M. le lieutenant d'infanterie de marine Bénech débarqua avec quelques hommes, mit l'escorle en fuite et prit quelques prisonniers, des chameaux, des bœufs porteurs et des marchandises.

    Le 11 juin, le même aviso portant 425 volontaires de Saint-Louis, allait les débarquer à une lieue au-dessus du marigot des Maringouins.
    Le lendemain à la pointe du jour, ces volontaires tombaient à deux lieues dans l'intérieur sur de nombreux troupeaux appartenant aux tribus des Tendra, Taba et Djiaoudj et ramenaient au bord du fleuve, après un petit engagement, plus de 2,000 bœufs.
    De notre côté, trois hommes avaient été tués. Un volontaire, chasseur d'éléphants, tua à lui seul trois Maures, sur cinq qui restèrent sur le terrain; deux prison- niers tombèrent ealre nos mains. La nuit, les Maures vinrent tirer sur le bivouac quelques coups de fusil et firent, par ce moyen, échapper la moitié des bœufs; l'autre moitié fut ramenée à Saint-Louis.

    Voici comment on opère pour reprendre un troupeau. On étudie la nuit le bivouac des capteurs. On s'en approche du côté opposé à l’ endroit où les bœufs sont habitués à aller boire, et on tire tout à coup quelques coups de fusil; les bœufs, effrayés, passent par-dessus ceux qui les gardent, se sauvent du côté opposé aux coups de fusil, et, se trouvant tout naturellement sur la direction que leur instinct leur fait reconnaître pour celle de leurs pâturages ou de leur abreuvoir, ils courent au grand galop jusqu'à ce qu'ils soient arrivés, sans que rien puisse les arrêter.

    Le 11 juin, Bélal alla avec ses Pouls enlever un troupeau de bœufs à Killa, près de Lampsar. Il réussit à ramener les bœufs, quoique suivi par une bande avec laquelle il échangea des coups de fusil pendant toute la route: deux de ses hommes reçurent des égratignures, il blessa trois hommes à l'ennemi, dont deux grièvement.

    Le 14 juin, à quinze lieues de Saint-Louis, le Serpent portant la compagnie de débarquement de l’ Héliopolis, aperçut un troupeau de bœufs escorté par des cavaliers; il mit à terre les matelots sous les ordres de M. Serres, lieutenant de vaisseau, ainsi que quelques soldats et laptots, et 125 bœufs restèrent en notre pouvoir; l'escorte s'enfuit.

    Depuis le commencement de la guerre, 8.000 bœufs avaient été enlevés aux Trarza et ramenés à Saint-Louis où ils avaient été partagés, vendus et dirigés sur les pâturages du Cayor. Mais les Trarza en avaient bien perdu autant, de misère, parce que leurs troupeaux ne pouvaient plus fréquenter leurs pâturages habituels.

    Dès le mois de juin, notre parti dans le Oualo commençait à prendre quelque importance. Sans Ély, la reine elle-même serait venue nous demander grâce; le prestige qui entourait Mohammed-El-Habib et les Maures dans l'esprit des noirs était complètement tombé. Ce chef humilié, mortifié, proclamant lui-même son impuissance contre nous, s'était enfoncé dans le désert.

    Malheureusement, Mohammed-El-Habib se trouvait encore assez puissant sur la rive droite pour forcer Mohammed-Sidi des Brakna à se joindre à lui contre nous, et ce prince se mit à contrarier l'arrivage des caravanes à Podor et à vouloir exiger les anciennes coutumes.

    Le 20 juin, les chefs des Diambours du Oualo, Sibs et Baors qui, depuis longtemps nous berçaient de promesses de soumission, se trouvant réunis avec leurs gens à Ntiago, M. le commandant Morel, partit de Richard-Toll avec 300 hommes d'infanterie, 30 chevaux et un obusier pour les surprendre. Il entoura et enleva le village un peu avant la pointe du jour. Malheureusement les gens du Oualo avaient quitté Ntiago la veille et on n'y fit qu'une dizaine de prisonniers.

    Le gouverneur voulut en finir avec le parti hostile du Oualo en allant faire une expédition dans le Tianialde, centre du pays, dernier refuge des Maures, qui s'appuyaient sur Béquio, chef que nous avions ménagé dans nos courses antérieures et qui , malgré cela , forcé il est vrai par Mohammed-El-Habib, avait commis à plusieurs reprises des hostilités contre nous.

    Le 25 juin, il partit de Bouëtville avec une colonne de 1,100 hommes: 5OO de troupes de toutes armes et 600 volontaires, et il passa le pont de Leybar.
    Les volontaires partirent pendant la nuit pour fouiller le pays à sept ou huit lieues en avant, et ne trouvèrent rien.
    Le 29 juin, nous allâmes coucher à Guémoy, des embarcations nous apportèrent de l'eau douce de Saint-Louis, par le marigot.
    Le 27, nous allâmes à Diarao où nous arrivâmes à quatre heures du matin après une marche pénible et sans eau. Les hommes d'infanterie souffrirent beaucoup.

    Dans la journée, le gouverneur, avec 20 spahis et les volontaires, alla brûler Baridiam, Sokhogne et Ngôd-ou-Amar-Fal ; dans le premier de ces villages nous trouvâmes quelques habitants armés; sept hommes furent tués, et trois, parmi lesquels le chef du village, furent pris; les femmes et les enfants furent relâchés.

    Nous sûmes à Baridiam, qu'en apprenant notre rentrée dans le Oualo, Ély et les Maures étaient retournés chez les Trarza; que la reine et ses captifs s'étaient de nouveau réfugiés à Nguik, dans le Cayor, et que Béquio, ses gens et ses troupeaux s'étaient sauvés la veille et étaient aussi entrés dans le Cayor, à Ngay.

    Dans cette journée du 27, aucun marigot ne nous permettant de nous ravitailler en eau douce par des chalands, et nos moyens do transport à terre étant insuffisants, nous ne bûmes que de l’ eau saumâtre du marais de Diarao.

    Le 28, nous nous rendîmes à Lampsar pour trouver de l’ eau douce. En passant, on brûla Ndellé et ses magasins de mil; le soir du même jour, nous bivouaquâmes sur le marigot de Khassakh, à trois lieues au delà de Lampsar; des embarcations nous portèrent de l’ eau douce.

    Dans la nuit, 200 Pouls et Toucouleurs partirent en avant, pour aller fouiller l’ île comprise entre les marigots de Khassakh et de Gorom, refuge assez ordinaire des Maures; de son côté, le gouverneur partit avec la cavalerie, les volontaires et un obusier dont les servants étaient montés, et alla brûler Kilen et Ross, la capitale de Béquio. L'eau du marigot était potable devant Ross. Dans la nuit du 29 au 30 , nous essuyâmes une tornade , les soldats furent abrités par leurs petites tentes; les volontaires n'en avaient pas.

    Le 30 juin, après avoir repassé par Lampsar, nous traversâmes le marigot des fours à chaux, avec beaucoup de difficulté à cause de la vase dont il fallut retirer les chevaux comme des masses inertes, et nous campâmes sur ses bords.
    Le 1er juillet, nous traversâmes le Toubé, dont les habitants rassurés par le départ des Maures, étaient revenus dans les villages et commençaient leurs travaux de culture. Le même jour nous rentrâmes à Saint-Louis, par le pont de Leybar.
    Nos ennemis, Maures ou noirs, étaient définitivement chassés du Oualo, dont quarante villages avaient été brûlés depuis le commencement de la guerre.

    Tous les villages des bords du fleuve étaient rétablis et habités par notre parti; ils s'entourèrent de tatas et protégés en outre par des stationnaires ou par des croiseurs, ils se mirent en hostilités ouvertes avec les Trarza; ainsi, le 29 juin, des volontaires de Ronq, transportés par le Marabout enlevèrent une petite caravane au marigot des Maringouins. Ce même bateau à vapeur avait coupé deux caravanes à Risga et enlevé une partie de leurs bœufs et de leur mil.

    Dans la dernière quinzaine de juillet 1855,les bateaux à vapeur, le Grand- Bassam le Rubis et le Marabout avec l' aide de nos volontaires du Oualo, de Dagana et même de Bokol, firent quelques razzias sur les Maures et leur prirent plusieurs centaines de têtes de bétail, 12,000 kg. de mil, une grande quantité de sel, etc.

    De son côté, Bélal avait de nouveau parcouru le Oualo avec ses hommes, n'y avait rien trouvé, et avait brûlé les deux derniers villages de l’ intérieur, Ndimb et Boity.

    Au commencement d'août 1855, une partie des Azouna fugitifs qui s'étaient enfoncés dans le Cayor, voulant retourner sur la rive droite, et ne pouvant passer par le Oualo occupé par nos villages amis, voulurent passer par le Dimar, et offrirent inutilement une forte récompense aux gens de Fanaye, pour leur faire passer la rivière avec leurs femmes, leurs enfants et leurs bagages.
    La bande essaya de traverser à Risga, où elle fut coupée par la goélette en croisière nie-dOléroji, qui lui prit une partie de son bagage.

    En septembre 1855, les Maures étaient retournés dans le désert à cette époque et nous laissaient plusieurs mois dans l'impossibilité de pousser la guerre. En octobre 1855, voyant l'ascendant que nous avions pris dans le pays, le Bourba Djolof, envoya proposer au gouverneur d'être notre tributaire et de nous payer annuellement les 200 bœufs qu'il payait aux Trarza; il nous remerciait beaucoup de la sécurité dont avait joui son pays depuis un an et offrait le concours de ses guerriers contre les Maures; cette offre était peu sérieuse.

    Dès la fin d'octobre 1855, les Maures poussés par la famine se rapprochèrent du fleuve.
    Le commandant de Mérinaghen, malgré les ordres formels de ne jamais faire naviguer d'embarcations dans la Taouey, pendant la guerre, sans les faire escorter entre Ntîago et Richard-Toll , par Fara-Penda , envoya, le 20 octobre, deux chalands dont l'un, armé d'un perrîer avec dix hommes, et l’ autre monté par six hommes.
    Une caravane de Maures qui passait dans la partie encore déserte du Oualo, ayant vu de loin, dans le lac, ces deux chalands qui allaient s' engager dans la Taouey, fut s'embusquer dans les herbes et broussailles de la rive, vis-à-vis de Ntiago et fit feu sur les chalands dont les laptots, insouciants comme le sont les noirs, n'avaient pas même leurs bastingages de peaux de bœufs en place.
    A la première décharge, le premier chaland eut quatre hommes tués et trois blessés grièvement. Le patron du chaland, gourmet du Marabout nommé Ouali-Diabé, resté presque seul debout, montra un sang-froid et un courage remarquables. Il mouilla son chaland et se mit à servir son pierrier; il fit mouiller l'autre chaland contre lui, et avec les huit hommes qui lui restaient, il tint tête à l'ennemi depuis trois heures jusqu'à dix heures du soir, lui faisant éprouver des pertes sensibles, comme nous le sûmes plus tard.
    A dix heures, arrivèrent les gens du village de Richard-Toll, envoyés par le commandant du poste qu'avait été prévenir un des laptots des chalands et qui mirent l'ennemi en fuite.

    Le 1er novembre 1855, ayant su que quelques petites bandes de Maures se trouvaient dans le Cayor, cherchant à acheter des munitions de guerre, le gouverneur alla faire une reconnaissance, avec tout ce qu'il put réunir de cavaliers, dans le Toubé, qu'il parcourut dans tous les sens.

    A la suite de cette reconnaissance, les gens de Gandiole et du Ndiambour se mirent tous à chasser les Maures de leurs villages, en les dépouillant même de ce qui leur appartenait.

    Au commencement de 1856, le Guet'Ndar ayant été dans le marigot de Khassakh, jusqu'à quatre lieues au-dessus de Ross, captura 8 hommes de Béquio, des filets de pèche et une grande quantité de poissons secs; ces malheureux, poussés par la misère, étaient revenus dans leurs anciennes pêcheries.

    En même temps, trois caravanes de Trarza qui voulaient passer le fleuve entre Saint-Louis et Richard-Toll, furent arrêtées et repoussées avec pertes par nos embarcations qui firent sur elles quelques prises, et les gens du Oualo, du cercle de Richard-Toll, se mirent ensuite à la poursuite de ces caravanes.

    Le 12 janvier 1856, 300 volontaires envoyés de Saint-Louis chez les Trarza, rentrèrent avec une razzia de 700 bœufs, 800 moutons et 10 prisonniers.

    Le 18 janvier, nous portâmes un coup bien sensible aux Trarza ; toutes leurs petites caravanes qui étaient parvenues malgré nous à passer le fleuve, pour aller chercher dans le Cayor le mil dont ils étaient tout à fait dépourvus, s'étaient réunis à Nguick, en une seule grande caravane, pour, tenter de repasser le fleuve par force.
    Nos espions nous avertirent du jour de son départ et de la direction qu'elle suivait ; elle se composait de 5OO bêtes de somme, chargées de mil et de guinée et de 500 hommes environ, dont une bonne partie étaient armés.
    On envoya 500 volontaires attendre la caravane entre Ronq et Ross, sur le marigot de Khassakh et le gouverneur se transporta lui-même sur le Rubis, à la hauteur de Ronq pour les appuyer.

    Le 20 janvier 1856, ayant entendu dire que la caravane était arrivée au point où on l'attendait, et qu'elle était aux prises avec les nôtres il leva 200 volontaires des villages de Khann et de Ronq, et se transporta immédiatement avec eux et les laptots des compagnies de débarquement sur les lieux; mais tout était fini, les volontaires étaient déjà repartis pour Saint-Louis, emmenant toutes les bêtes de somme, dont près de 400 bœufs porteurs, 550 pièces de guinée, 500 toulons de mil, quelques chevaux et un peu de poudre. Il ne restait sur place que sept cadavres de Maures (les Maures en se sauvant en avaient enlevé d'autres) et une grande quantité de mil; les volontaires de Ronq et de Khann s'empressèrent de l'emporter et ils furent aidés, le soir même, par 300 volontaires des villages de Fara-Penda, que celui-ci, averti par nos soins, s'était empressé d'amener.

    On saisit encore, vers le même temps, plusieurs petites caravanes partielles, et journellement les captifs des Maures mourant littéralement de faim sur la rive droite, venaient se rendre à nous.

    Un fâcheux accident arrivait alors aux environs de Saint-Louis; quatre manœuvres, employés à une briqueterie à Thionq, ayant eu l’imprudence de s'éloigner sans armes (ils avaient bien des fusils, mais pas de poudre), tombèrent sur quatre Maures embusqués qui firent feu sur eux et se sauvèrent; un des manœuvres fut tué sur place et les trois autres blessés. Vers le commencement de février 1856, il y eut une série de razzias faites sur la rive droite par la rive gauche et toutes avec succès ; le Toro lui-même s'en mêla et tomba sur les Brakna de Mohammed-Sidi. Ainsi, Lam-Toro enleva 2,000 moutons à la tribu des Hamites.
    Le 10 février, il enleva un troupeau de bœufs aux Tanak, près du marigot d'Aloar.

    Le 20 février, Fara-Penda alla enlever à l'entrée du lac Kbomak (lac Gayar), 800 moutons aux Ouled-El-Fari, il tua quelques Maures et eut un homme tué et un homme blessé.
    Le même jour, des Pouls du Toro, du Dimar, et des volontaires de Podor, enlevèrent 350 moutons aux Touabir (Brakna) sur la rive droite, en face de Podor; ils tuèrent 6 Maures et eurent un tué et cinq blessés. Le lendemain, M. le sous-lieutenant Bénech, avec une partie de la garnison de Podor et des laptots du Basilic, prit et brûla un camp de Ktibat, sur la rive gauche, à Lamnayo.

    Le 27 février, 400 volontaires de Saint-Louis enlevèrent, au marigot des Maringouins, 600 moutons aux Loumàg.

    Enfin, le 28 février, Fara-Penda, avec ses hommes seuls, alla faire une nouvelle razzia qui réussit; il ramena 700 moutons, des ânes, des chameaux et 10 prisonniers : il avait tué plusieurs Maures et n'avait éprouvé aucune perte.

    Tant de pertes coup sur coup et sans compensations, étaient bien faites pour décourager les Trarza et les amener à composition ; mais, par l’ effet de la longue erreur dans laquelle ils avaient vécu, ils ne pouvaient encore se mettre dans la tète que nous fussions plus forts qu'eux. Ils cherchaient à s'expliquer à leur manière les événements si étranges dont ils étaient témoins et victimes, et s'efforçaient encore de trouver les moyens de faire tourner la guerre à leur avantage.

    Il se passa, au commencement de l' année 1856, un événement grave chez les Maures. Il y eut auprès de Chikh-Sidia, grand marabout des Brakna, révéré dans toute cette partie du Sahara, une grande réunion des chefs de tribus pour aviser aux mesures à prendre au sujet de la guerre désastreuse que leur faisaient les Français.

    Les bruits les plus variés coururent sur les résolutions prises dans cette assemblée. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on parvint à y réconcilier Mohammed-El-Habib avec Ould-Aïda.
    Le roi des Trarza fit aussi des concessions aux princes de sa famille réfugiés dans l'Adrar et ils rentrèrent dans leur pays pour prendre part à la lutte contre nous.
    Sidi- Ély, roi d'une partie des Brakna et notre allié, ne fut pas appelé, ou bien ne voulut pas aller auprès de Chikh-Sîdia avec les autres.
    Feignant de reprendre courage, le roi des Trarza, bien que forcé de reconnaître par ce qui s'était passé l' année précédente, qu'il ne pouvait nous disputer, ni les pays de la rive gauche, ni le fleuve, proclamait bien haut qu'il nous exterminerait jusqu'au dernier, si nous osions encore pénétrer dans l’ intérieur de son pays. Les noirs de leur côté, attendaient cette dernière expérience pour croire à notre supériorité définitive sur les Maures.

    En février, ayant reçu quelques renforts de France et quelques secours de M. le capitaine de vaisseau Mauléon, commandant la station dès côtes occidentales d'Afrique, le gouverneur résolut de faire une course dans le Ganar, en y pénétrant par Podor, afin de s'interposer entre les Trarza et leurs alliés les Brakna, du parti de Mohammed-Sidi.

    Dans l'ignorance où l' on était de leurs forces réelles que les anciens documents faisaient monter à 6,000 combattants pour les Trarza seuls, et ne voulant pas, dans l'intérêt de la colonie, s'exposer au moindre échec, qui aurait été fatale dans un moment où tous les peuples de la Sénégambie avaient les yeux sur nous, on avait réuni des forces considérables : 1,000 hommes de troupe ou de marine et 1,500 volontaires, ce qui faisait une colonne de 2,500 hommes avec 200 chevaux, dont 100 de volontaires et 4 obusiers.
    Nous péchions, comme toujours, par les moyens de transport. Nos moyens de transport pour une colonne de 2.500 hommes, tous combattants, se réduisaient à 6 chameaux et 40 chevaux ou mulets.
    En Algérie, une colonne de cette force aurait eu au moins un convoi de 300 mulets, et on lit dans l'ouvrage de M. le comte de Warreu, sur l'Inde, qu'une colonne anglaise de 2,470 combattants, après avoir laissé les 2/3 de son bagage en arrière avait encore 2,500 serviteurs non combattants, 8 éléphants, 200 chameaux, 130 chevaux et 700 bœufs, mulets et ânes.

    L'infanterie de marine était commandée par M. le chef de bataillon Morel, la compagnie de débarquement de l'Héliopolis par M. le lieutenant de vaisseau Serres, l'artillerie par M. le chef de bataillon Delassault, le génie par M. le capitaine Parent, les laptots par M. le capitaine de frégate Desmarais, la cavalerie par M. le capitaine de la Touloubre. Les fonctions de chef d'état-major étaient remplies par M. le capitaine d'artillerie de marine Bonnet, M. Flize, lieutenant d'infanterie de marine, était chargé du service des affaires indigènes et des volontaires. M. le chirurgien en chef Lepetit et l'aide-commissaire Liautaud, dirigeaient leurs services respectifs.

    On devait chercher à atteindre ce fameux lac Cayar, autour duquel se réunissent les tribus de Trarza, quand elles ne peuvent s'approcher du fleuve. Une partie de la colonne fut transportée à Naolé, par la flottille, l'autre arriva de Podor au même point, par la rive gauche, et le 16 février, au soir, nous étions tous bivouaques sur la rive droite, en face du premier de ces villages. Le 17 février au matin on se mit en marche, en se dirigeant vers un gué du marigot de Koundi, qu'on appelle El-Abdjià. Nous fîmes quatre lieues dans une épaisse forêt de gonaké, qui sert de refuge aux Brakna, quand ils sont en guerre avec leurs voisins.
    Nous bivouaquâmes la nuit du 17 au 18, au confluent des marigots de Barouadi et de Koundi, dans un lieu très pittoresque.
    Le 18 février, la marche continua d'abord, dans la même forêt de gonaké. Une des difficultés qu'éprouvait la colonne dans sa marche, provenait de ce que les sentiers que nous suivions, avaient tous été défoncés par des troupes d'hippopotames, au moment où le sol était détrempé par la pluie.
    Nous sortîmes enfin de ce bois et arrivâmes dans une belle plaine sablonneuse, parsemée de bouquets d'arbres, de collines et de petits lacs d'eau douce. C'était sous cet aspect inattendu que se montrait alors à nous ce désert si mystérieux et si redouté. Nos volontaires Pouls, toujours furetant, prirent une petite caravane, mais les conducteurs s'échappèrent.

    La grande halte se fit dans un lieu assez remarquable, où se trouvait autrefois le village Ouolof de Dimar, qui s'est depuis transporté à Dialmath. De Dimar, une marche de nuit nous conduisit dans une forêt de gommiers clair-semés, sablonneuse et sans eau, où les hommes souffrirent beaucoup de la fatigue et de la soif.
    Déjà on commençait, signe fâcheux, à offrir beaucoup d'argent pour une goutte d'eau; une distribution d'eau-de-vîe rendit un peu de force et de courage aux hommes, et l' on reprit la marche ; après avoir fait cinq lieues, étonné de ne pas voir le lac que, d'après les renseignements et une carte inexacte, on croyait au plus à quatre lieues de Dimar, le. gouverneur pressa ses prétendus guides de s'expliquer, ils avouèrent qu'ils ne savaient plus où ils étaient.
    Nous étions donc perdus au milieu du désert, peut-être très loin de l'eau dans toutes les directions, avec des hommes mourant de soif, qui se couchaient par terre et ne pouvaient plus marcher. La situation était critique et propre à inspirer une grande inquiétude.

    On fit halte et on envoya quelques cavaliers vers l'ouest, où l'on pensait qu'était le lac, tandis que les guides nous faisaient faire du nord. Au bout d'un quart d'heure, les cavaliers reparurent poussant des cris de joie; ils avaient trouvé à un kilomètre de nous, non pas le lac, mais un grand marigot d' eau douce, celui de Guédayo, qui conduit au lac et l'alimente.
    Nous y trouvâmes un excellent bivouac, et la colonne s'y reposa toute la journée du lendemain. Le gouverneur profita de cette journée pour aller visiter le lac avec les laptots, l'escadron de spahis et les volontaires. En route, nous reconnûmes les traces des tribus, qui, averties de notre approche par les fugitifs de la caravane enlevée la veille, se sauvaient devant nous.

    On avait envoyé les volontaires en avant, pour tâcher d'atteindre les tribus fugitives. Les volontaires Pouls atteignirent quelques Mradin à l'extrémité nord du lac, et nous rentrâmes à notre camp, avec un troupeau de 500 moutons et quelques prisonniers.

    L'intention du gouverneur était de faire le tour du lac; mais il y avait trop d'hommes fatigués et blessés aux pieds, sans moyens pour les transporter; il fallut renoncer, pour cette fois, à ce projet.

    Le 20 février, au point du jour, nous nous mimes en marche pour revenir vers le fleuve, en côtoyant le marigot de Guédayo et, après une halte faite sur ses bords, pour laisser passer la chaleur du jour, nous arrivâmes le soir en face de Gaé, après avoir traversé le marigot au gué de Kanabé-Sal.

    Le 21 février, nous allâmes de Gaé, à Dagana, en passant le marigot de Sokam, au gué de Tio-Toro.
    Le 22, nous nous rendîmes de Dagana à Richard-Toll, toujours sur la rive droite; l’ avant-garde fit lever quatre magnifiques lions.

    Dans la nuit du 22 février, nos volontaires allèrent à Téniadar, à six lieues dans l'intérieur, faire une razzia sur les Zomboti ; ils ramenèrent 300 moutons et 25 prisonniers.
    Le 23, on brûla, en passant, les deux villages de Garak, habités par des Ouolofs, sujets des Trarza. Le 25, nous allâmes de Dîekten (ancienne escale du désert) à Khan. Les volontaires partirent le soir même pour aller faire une razzia aux environs de Dara; ils ramenèrent 600 bœufs, 20 chameaux, 800 moutons et 20 prisonniers. Cette razzia fut faite sur les Ouled-Rahmoun, Roumbaten, Takharedjent et sur quelques tribus de marabouts.

    Toute la colonne devait aller à Dara, village du Ganar, à cinq lieues du fleuve, habité par des Ouolofs, sujets des Trarza. Nos guides nous assurèrent qu'il n'y avait d'eau douce ni sur la route ni à Dara.
    Le gouverneur laissa donc la colonne campée sur le marigot de Bépar-Ndekh, à une lieue du fleuve, et, prenant avec lui les 100 laptots et les 80 cheveaux de l’ escadron de spahis, il partit le 27, à midi, pour Dara; c'était donner la partie belle aux Maures, s'ils eussent voulu se mesurer avec nous.

    Le gouverneur prit bientôt les devants avec l'escadron et après avoir fait trois lieues, il rencontra une bande armée d'Ouled-Rahmoun. On se mit à leur poursuite et quelques-uns d'entre eux se voyant coupés, se blottirent dans une broussaille, décidés à vendre chèrement leur vie. On se jeta sur eux; le quartier-maître indigène Rifal, en se précipitant le premier dans la broussaille, eut le bras gauche fracassé par deux balles, un spahis eut le front effleuré, et un cheval fut blessé à la tête; huit Maures furent tués à cet endroit et six faits prisonniers.

    Les Maures du Sénégal font la guerre sans quartier. Aussi, quand l' un d'eux s'aperçoit que la fuite est impossible, il se jette dans une broussaille et on peut être certain que ses ennemis ne le tueront qu'après que deux d'entre eux auront été abattus de ses deux coups de fusil. Aussi, fussent-ils cent contre un seul, ainsi embusqué, ils ne rattaqueront pas, si ce n'est pas un personnage très important.
    En général, les indigènes du Sénégal ne se rendent pas et ne jettent pas leurs armes. Contre un cavalier qui les poursuit et va les atteindre, ils tirent quelquefois leur premier coup de fusil à une distance assez grande pour le manquer, mais le cavalier est sur de recevoir le second coup presque à bout portant. Aussi faut-il user très prudemment de la cavalerie contre ces gens-là quand ils sont armés de leurs fusils à deux coups, dispersés en tirailleurs et sur leurs gardes.

    Après cette petite affaire, on continua à pousser en avant au trot, jusqu'à Dara, que venait de quitter un peu auparavant le prince Trarza, Ould-Ahmed-Chein à qui le village payait tribut.

    Nous brûlâmes le village et nous en enlevâmes, en bloc, la population qui était de 500 habitants environ, qu'on envoya s'établir dans le Oualo.

    Le 27 février 1856, la colonne se rendit à l'entrée du marigot de Ndiadier (Maringouin), là l’infanterie et les matelots de Y Héliopolis s'embarquèrent sur l’ Epervier pour rentrer à Saint-Louis et la cavalerie, l’ artillerie avec ses mulets, sans ses pièces, les laptots et les volontaires, continuèrent leur route par terre avec les troupeaux pris aux Maures et rentrèrent à Saint-Louis après avoir fait depuis Podor, une marche de cent lieues, en comptant les pointes que nous avions poussées dans l'intérieur.
    Nous avions tué une dizaine d'hommes à l'ennemi, fait 600 prisonniers, enlevé 1,600 moutons, 600 bœufs et 20 chameaux, mais cela n'était rien auprès de reflet moral produit par notre expédition.

    Nous apprîmes par les prisonniers que Mohammed-El-Habib, qui devait nous exterminer, s' était sauvé bien loin dans l’ intérieur, avec sa famille, laissant son pays, ses tribus et leurs biens à notre merci.

    Il entra à l’ hôpital, à notre arrivée à Saint-Louis, qu'une quinzaine d^hommes atteints de légères diarrhées.

    Le 6 mars 1856, M. le lieutenant Flize, se trouvant à Dagana, apprit qu'une caravane des Ouled-Bou-Ali, commandée par leur cheikh, Hamzata, se tenait depuis quelques jours sous Dialmatch, cherchant l'occasion de passer sur la rive droite. Il envoya aussitôt les volontaires de Dagana, commandés par Dembodj, pour enlever cette caravane que les gens du Dimar ne voulaient pas nous livrer, mais qu'ils étaient disposés à laisser prendre. Hamzata comprit que la résistance était inutile et se rendit avec tout son monde, ses bêtes de somme et ses marchandises, au capitaine Graiid-Bassarriy qui gardait le passage du fleuve.

    Le 10 mars 1856, Fara-Penda enlevait 20 prisonniers, vis-à-vis de Mbagam; le 19, une péniche de la croisière tuait 3 ou 4 Maures au marigot des Maringouins ; le 20, une baleinière tuait 4 chameaux à ce même endroit, et le 24, le Basilic y connu aussi une caravane et lui prenait quelques bêtes de somme.

    Pour se rendre compte par lui-même de l'état du Oualo, le gouverneur partit le 9 mars, avec l'escadron et un obusier pour Mérinaghen, par Menguey, Diarao, Baridjam et Ndimb : le 13, on traversa le lac de Guier, à gué, à une lieue en dessous de Mérinaghen, et le 14, on arriva à Richard-Toll par la rive orientale du lac ; l’intérieur du Oualo fut trouvé presque entièrement désert.

    Cependant, Mohammed-El-Habib conservait encore son ascendant sur la rive droite et surtout sur les Brakna, et, avec son appui, Mohammed-Sidi, leur roi, entretenait une grande partie de cette nation dans un état d'hostilité contre nous. C'était une affaire importante pour nous que de faire reconnaître comme roi des Brakna, Sidi-Ély, le compétiteur de Mohammed-Sidi , et de chercher à nous faire de cette nation une alliée contre les Trarza.

    La tâche était un peu difficile parce que Sidi-Ély n'avait nulle confiance en nous, se souvenant qu'en 1850 les Français avaient eu un instant la velléité de soutenir ses droits et qu'on l'avait abandonné presque aussitôt après l'avoir compromis pour obtenir la paix de Mohammed-£l-Habib ; quoiqu'il en soit, le 8, l’Epervier transportait à Podor un bataillon d'infanterie et une section d'artillerie.
    Le 11 mars, ces troupes formaient sur le marigot de Koundi, à une lieue en face de Podor, sur la rive droite, un petit camp retranché pour protéger l'approche de Sidi-Ély. On devait en profiter pour travailler à une route conduisant dans l'intérieur. Pendant les travaux les Maures ennemis s'embusquaient dans les environs, et le 15, trois manœuvres toucouleurs qui coupaient du bois tombèrent dans une de leurs embuscades et furent tués.

    Le 22 mars pour s'occuper lui-même des Brakna et tenter quelque chose en faveur de notre parti, dans cette tribu, le gouverneur se fit conduire par le Basilic à Mbarobé ; les gens de Mohammed-Sidi, embusqués dans les gonakés de la rive, fusillèrent le bateau au passage ; on ne trouva pas Sidi- Ély, du côté de Mafou, comme on l'espérait mais le gouverneur étant redescendu à Podor, ce prince y arriva le 27, par la rive gauche, avec 40 cavaliers.
    Il demanda au gouverneur de venir avec une colonne jusqu'à Âleybé, pour rendre la roule libre à ses tribus séparées de Podor par les camps de Mohammed-Sidi. Le mouvement se fit le surlendemain 29, on prit les troupes du camp de Koundy, et le 29 au soir, le Basilic, remorquant un bateau écurie, remontait avec 500 hommes de troupes ; 30 cavaliers Brakna suivaient en même temps la rive gauche avec 40 volontaires de Podor et 10 de Doué.
    Arrivé à Mafou on ne trouva plus qu'un mètre vingt centimètres d'eau à marée haute de sorte qu'il fut impossible d'aller plus avant. Il fallut donc renoncer à aller à Aleybé et à se mettre en communication avec les camps de Sidi-Ély.

    Cependant, comme il était urgent de mettre les deux partis aux prises, et de profiter de notre présence dans le pays occupé par notre ennemi, pour tenter au moins sur lui, de concert avec Sidi-Ély, quelque entreprise qui mît celui-ci en relief, on mit à terre notre petite colonne le 30 mars, et le gouverneur, étant indisposé, on donna le commandement à M. le chef de bataillon Delassault.
    Le jour même, on surprit quelques Maures de la tribu hostile des Geuddala et le fils du chef de cette tribu fut tué; on prit aussi quelques bestiaux et des marchandises.
    Le 31 mars, la colonne s'arrêta à Sarpoli où elle retrouva Sidi-Ély, qui s'y était rendu la veille au soir. On longea le fleuve jusqu'à Mafou. Sidi-Ély et les volontaires s'enfoncèrent dans l'intérieur, vers le lac Nbéria. La colonne fut à eux pour les soutenir, en entendant la fusillade. On prit 4,000 moutons des Gueddala, des Aidelig, etc.,on tua 5 Maures et on en blessa plusieurs. Parmi les morts se trouva le fils du cheikh des Tanak. On ramena aussi 10 prisonniers et quelques bœufs. Le 1er avril, le Grand- Bassam remorqua la razzia à Podor, sur des chalands, et la colonne resta campée à Mafou devant le Basilic.

    Le 2 avril 1856, on fit une nouvelle pointe sans résultatsdans l'intérieur, et le 3, la colonne retourna au camp de Koundy ; nous n'avions eu dans toutes ces affaires que 2 hommes tués, un laptot et un Maure de Sidi-Ély.

    Pendant que nos troupes guerroyaient ainsi contre les Brakna de Mohammed-Sidi, les Trarza se remuèrent beaucoup, sans doute, pour tâcher de faire descendre le gouverneur avec ses forces, car la question des Brakna, c'est-à-dire, de sa complète domination sur la rive droite, touchait peut-être encore plus sensiblement Mohammed-El-Habib que celle du Oualo. Il cria bien haut qu'il nous avait attendu avec son armée, à Tokoscoumba, vis-à-vis de Brenn ; mais ce n'était là qu'une fanfaronnade de sa part, comme il le prouva plus tard, quand en mai 18S7, une colonne pénétra au cœur de son pays, et qu'il se retira devant elle au lieu de l'attaquer. Seulement, des bandes de Maures s'approchèrent du fleuve, passèrent même sur la rive gauche et parvinrent à enlever une centaine de bœufs, au village de Menguey.

    De leur côté, les volontaires de Saint-Louis capturèrent 25 chameaux aune caravane et les péniches du blocus eurent une foule de petits engagements avec l'ennemi.
    Depuis quelque temps, le fleuve était couvert de cadavres de bœufs et de chameaux tués dans ces escarmouches, ou noyés en traversant le fleuve. Quelques Maures plus hardis que les autres, essayèrent d'attaquer le village de Ntiago, sur la Taouey, et la tour en construction de Ndiago, au nord de Saint-Louis. Ils furent facilement repoussés d'un côté comme de l'autre.

    Le 10 avril 1856, un troupeau qui venait de Dagana à Saint-Louis par le Oualo, tomba sur une embuscade de quelques Maures et fut dispersé par la fusillade ; deux gardiens furent tués, mais les Maures furent eux-mêmes mis en fuite par quelques coups de fusil, de sorte que les gardiens, les assaillants et le troupeau se sauvèrent dans trois directions différentes.

    Le 15 avril 1856, nous eûmes 2 soldats tués par des Maures embusqués dans les environs du camp de Koundy, mais, le 20, on en tira une vengeance éclatante.
    M. le capitaine d'infanterie de marine Guillet partit du camp avant le jour, avec 160 hommes d'infanterie et 2 obusiers, et tomba à la pointe du jour sur un endroit où il soupçonnait que les Maures bivouaquaient. Il ne s'était pas trompé, et ses tirailleurs se trouvèrent bientôt à deux pas de l'ennemi.
    On se jeta sur celui-ci qui prit la fuite en laissant 8 cadavres sur le terrain, un cheval, un chameau et du butin. Parmi les morts, se trouvait le plus grand guerrier des Trarza, le cheikh des Ouled-Daman, beau-père du roi Mohammed-El-Habib, et plusieurs autres princes de sa famille. Cette perte fut plus sensible pour les Maures que celle de cent personnages ordinaires.

    Deux jours après, les Maures en grand nombre cherchaient à se venger en essayant d'enlever une corvée de fourrage de 20 hommes qui, par la plus grande imprudence, avait été envoyée à trois quarts de lieue du camp.
    L'ennemi nous tua 4 hommes, le reste de la corvée put se sauver; un Maure fut tué dans l'affaire. M. le commandant Morel se porta vivement avec les troupes du camp sur les lieux que les Maures avaient déjà quittés et rapporta les cadavres de nos hommes.

    Le même jour, les Maures allèrent mettre le feu, comme on s'y attendait, aux gourbis du camp de Koundy, que les troupes avaient abandonné pour s'établir sur le bord du fleuve, afin de terminer plus commodément la route commencée. On avait eu soin de laisser des obus chargés, dans ces gourbis en paille, de sorte que ces obus éclatèrent au milieu des Maures. Deux d'entre eux furent tués ainsi que quelques chameaux, et le neveu de Mohammed-El-Habib, fils de son frère aîné Ely- Khamlech, fut blessé à l'épaule.

    Les Trarza complètement démoralisés par l’ inutilité de leurs efforts et par les pertes qu'ils avaient faites, s'éloignèrent des environs de Podor et retournèrent tous, consternés, dans leur pays.

    Par suite, Mohammed-Sidi, abandonné de presque tous les Brakna et à qui les Pouls de Guédé venaient d'enlever 2,000 moutons, se retira lui-même dans l'intérieur et Sidi-Ély vit ses forces

    Le 27 avril, Fara-Penda, avec 100 fusils, traversa le fleuve à Ronk et ramena 2,000 moutons, 40 bœufs et 13 prisonniers; il avait tué 2 Maures. Le lendemain, une patrouille de 14 Pouls, à cheval, qui parcourait le Oualo, par nos ordres, détruisit une bande de 7 Maures; mais le chef de nos Pouls, Bélal, fut tué dans cette escarmouche ainsi que son beau-frère.
    La mort de Bélal fut pour nous une grande perte ; ce chef nous avait rendu des services bien importants pendant la guerre ; son frère Samba-Ngouma le remplaça et se montra digne de lui.

    Le 9 mai 1856, le gouverneur partit de Saint-Louis pour faire une razzia dans le pays des Trarza, entre Dara et Mbal.
    A 10 heures 1/2 du soir, la colonne débarquée près de Khann se mit en marche; à 2 heures 1/2 du matin, on se reposa deux heures sur les bords d'une mare d'eau douce, nommée Kémer; à 5 heures, on repartit pour Dara où l'on arriva à 6 heures i/2. Mohammed-El-Habib et les tribus guerrières s'étaient sauvées ; on prit de nombreux troupeaux dans la direction de Mbal et deux jours après nous étions rentrés à Saint-Louis, ramenant 4,000 bœufs, 120 ânes et 120 prisonniers, dont 20 furent ramassés en route par les volontaires qui ramenaient les bœufs.

    Les Maures, gardiens des troupeaux, avaient fui devant nous. On leur tua 2 hommes. Nous n'eumes qu'un volontaire blessé d'un coup de poignard. Les volontaires du Oualo et du Diniar nous avaient accompagnés dans cette expédition. Nous pûmes nous assurer dans cette course que les Trarza mouraient littéralement de faim : ils se nourissaient de racines d'arbres grillées et de vieilles peaux de bœufs.

    Le 15 mai, Fara-Penda et Diadié-Coumba réunis à Boubakar-Ndoundé, chef du gros village de Gaé (Dimart), firent sur deux tribus guerrières des Trarza, les Mradin et les Zomboti, une razzia de 100 prisonniers et 400 bœufs. C'était un coup très sensible pour Mohammed-El-Habib, parce qu'il portait sur ses tributaires personnels.

    Le 20 mai, une bande nombreuse de Takharedjent, put enlever 2 femmes et 3 enfants, au village de Makà.
    Les gens du village, exaspérés, quoiqu'ils ne fussent que 12 hommes armés, les poursuivirent et tiraillèrent bravement avec eux, toute une journée dans les broussailles. Les noirs eurent un hommes tué et deux blessés légèrement ; ils tuèrent 4 Maures et en blessèrent 3.
    A la première nouvelle de cette affaire, les volontaires de Guet-Ndar coururent au secours des gens de Maka qui sont leurs parents, mais tout était fini quand ils arrivèrent.

    Le 21 mai M. Des Essarts , capitaine du Guet- Ndar, avec les volontaires de Ronq, Diaouar et Khann, fut enlever 166 prisonniers près du lac Kémer.
    Le 27, les volontaires de Saint-Louis prirent à Belou-Khassan, au delà du marigot des Maringouins, 350 bœufs et 30 prisonniers.
    Le 29, Charles Duprat, chef du Oualo tout récemment soumis, avec les volontaires de Richard-Toll et de Ndiao, fut prendre 50 bœufs, 2 prisonniers et 2 beaux chevaux. Le même jour, les volontaires de Brenn, Diektenn et Tiaggar, prirent 50 bœufs et 1 prisonnier.
    Enfin le 30, 200 volontaires de Dagana et de Mbilor sous les ordres de Dembodj et de BaraGuay, frère du chef de Mbilor, enlevèrent à deux tribus guerrières des Trarza (Idebbagram et El-Hamet) 5.800 moutons, 50 bœufs, 10 ânes, un chameau, 13 prisonniers et tuèrent 2 ennemis.

    Le 1er juin, l'escadron de spahis surprit, dans le haut du marigot de Menguey, des pêcheurs insoumis du Oualo, en tua trois et enleva tous les effets et ustensiles de pèche des autres, de sorte que les malheureux qui purent se sauver retournèrent tout nus, à Ngay, où était toujours réfugié Béquio leur chef.

    Vers cette époque, nous éprouvâmes un échec contre les Brakna hostiles.
    Le 6 juin 1856, au soir, M. le commandant de Podor reçut l'ordre d'opérer un débarquement vis-à-vis de Mbanam pour tenter d'enlever le camp de Mahommed-Sidi. Il avait avec lui 450 hommes du Oualo, commandés par Fara-Penda, 30 Peuls de Saint-Louis, 130 Brakna de Sidi-Ely, dont 60 cavaliers, 150 hommes d'infanterie, 40 laptots, 14 artilleurs avec un obusier et quelques hommes du train; en tout 850 hommes.
    Après une marche de quatre heures, rendue excessivement pénible par une affreuse chaleur, les volontaires du Oualo et les Maures (qui se trouvaient à une demi-lieue en avant des troupes) arrivèrent auprès du camp ennemi et commençaient déjà à enlever les troupeaux et les prisonniers, lorsqu'une décharge presque à bout portant de Maures embusqués, leur fit éprouver des pertes assez fortes et les mit dans une déroute complète.
    Malgré les efforts de leurs chefs et de quelques officiers qui se trouvaient avec eux, entre autres le lieutenant d'infanterie de marine Poupon, ils prirent la fuite sans se défendre et furent poursuivis par les Maures, avec acharnement. Mais ceux-ci furent arrêtés court quand ils arrivèrent à la hauteur des pelotons d'infanterie qu'on avait déployés en tirailleurs au bruit de la fusillade.

    Après une heure de repos, voyant que les volonlaires noirs étaient complètement démoralisés et qu'il n'y avait plus aucun parti à en tirer, on retourna vers le fleuve. Les Maures n'osèrent pas nous suivre.
    Nos volontaires noirs laissèrent 23 hommes tués et ramenèrent 15 blessés. Nous perdîmes de plus un laptot tué et un homme d'infanterie mort d'un coup de soleil. On évalua la perte de l'ennemi à une vingtaine d'hommes tués parmi lesquels 3 chefs. Nos gens ramenèrent quelques centaines de moutons et 10 prisonniers. Parmi les volontaires tués se trouvait Demba-Gouma, frère de Bélal.

    Le camp de Mohammed-Sidi était défendu par la tribu des Ouled- Ahmed; le grand marabout Chikh-Sidia s'y trouvait et cette circonstance contribua à la mauvaise issue de l'affaire pour nous.

    Le 21 juin, 300 volontaires de Saint-Louis allèrent faire, entre Bélou-Khassan et Dara, une razzia de 800 bœufs et de 100 moutons. Ils tuèrent trois Maures et ramenèrent 67 prisonniers.

    A cette époque, un camp établi sous Ross et commandé par le capitaine Ringot, gardait le Oualo, de concert avec l'escadron de spahis, pour intercepter les routes aux Maures.
    Le 27, une bande de Maures ayant traversé le fleuve à Naolé, tentait d'enlever le troupeau de Podor et était repoussée avec pertes, après avoir blessé 3 hommes.
    Le 28, Charles Duprat allait enlever, près de Téniadar, 250 bœufs et 12 prisonniers, mais le même jour les Maures enlevaient quelques bœufs à Diekten.

    Le 3 juillet 1856, 150 volontaires de Saint-Louis, déposés par le Grand-Bassam au marigot des Maringouins, ramenèrent 50 chameaux et 40 bœufs pris aux Bouïdat, dont 2 furent tués ; la razzia avait eu lieu entre Dara et Mbatar. Mais en même temps, le troupeau de Saint-Louis était enlevé dans l’ île de Thionq et livré aux Maures par ses propres bergers qu'on avait eu l’ imprudence de choisir parmi des captifs fugitifs des Trarza. On le poursuivit vainement jusqu'au marigot de Khassakh, car il avait traversé le fleuve ; un homme de Saint-Louis fut tué dans la poursuite.

    Fara-Penda et Diadié-Coumba avec 160 hommes du Oualo, partis de Richard-Toll, le 3 juillet, rentrèrent deux jours après avec 350 bœufs, 4,000 moulons et 32 prisonniers ; ils avaient tué une vingtaine de Maures et n'avaient perdu personne. La razzia avait été faite sur les Azouna.
    Quelques volontaires de Saint-Louis, partis le 2 juillet, rentrèrent le 9, ramenant 554 bœufs, 41 ânes et 32 prisonniers. Cette razzia fut faite près de Bélou-Khassan.

    Une autre bande de 400 volontaires, commandée par le toucouleur Guibi, partie le 21, rentra le 29, avec 967 bœufs, 82 chameaux, 200 moutons, 9 ânes et 60 prisonniers. Elle avait été transportée par le Rubis, entre Brenn et Djiaouar; elle alla à Mbal, où elle mit en fuite les Bouïdat et les Dagbadji.
    En revenant, elle battit, à Mbompri, les Takharedjent et les Ouled-Akchar. Elle ne perdit qu'un homme.

    Vers le 15 août 1856, Fara-Penda, avec une centaine de fusils, alla enlever sur la rive droite 400 chameaux, 200 bœufs et 12 prisonniers; il tua quelques Maures. Le roi des Trarza et son fils Sidi faillirent être faits prisonniers. La selle du premier fut prise et il se sauva sur un cheval sans selle.

    A la suite de ces razzias, les captifs des Trarza vinrent se rendre en masse. Tous les Ouolofs du Ganar vinrent s'établir dans le Oualo et les marabouts, mourant de faim, venaient se faire prendre exprès pour avoir à manger.

    Guibi fit à la fin d'août une course de vingt jours avec 315 volontaires de Saint-Louis. Ils étaient d'abord dans le Oualo à la piste d'une caravane qui devait traverser le fleuve au-dessus de Dagana. Ne l'ayant pas trouvée après six jours de recherches, ils passèrent sur la rive droite, enlevèrent le camp des Ouled-Bou-Ali, puis celui des Ouled-Akchar qui se défendirent bien. La nuit suivante, ils furent attaqués par les Ouled-Akchar, les Dagbadji et les Bouïdat, mais l'avantage leur resta. Après un jour de repos, ils allèrent livrer un combat de douze heures aux Takharedjent. Pendant les quatre nuits suivantes, nos volontaires eurent à repousser les attaques de tous les Elguebla.
    Enfin, le 13 septembre, ils rentraient à Saint-Louis avec 130 prisonniers, 183 chameaux, 200 bœufs, 104 ânes et 800 chèvres ou moutons. Ils avaient tué une cinquantaine d'hommes aux Maures.

    Diadié-Coumba fit, le 28 septembre, à Mbal, 243 prisonniers; c'étaient des gens affamés qui cherchaient leur subsistance dans les environs.

    Boubakar - Ndoumbé de Gaé enleva, le 10 octobre, 63 prisonniers et 30 bœufs aux Mradin ; le fils du chef de cette tribu fut tué.
    Le 11, Fara-Penda et Diadié-Coumba avec 130 hommes, firent une prise de 300 captifs, près de Téniadar.

    En novembre 1856, ces deux chefs, ne cessant de parcourir à l'envie le pays des Trarza démoralisés,leur enlevèrent, dans le mois de novembre, plus de 500 prisonniers.

    Vers le commencement de décembre, les Trarza pressés par la faim, se rapprochèrent du fleuve et tentèrent plusieurs coups de main. Ils tuèrent deux pêcheurs à Mbagam, enlevèrent trois femmes à Djiaouar, 100 bœufs à Brenn et 13 à Char. Dans ce dernier village, le seul qu'ils attaquèrent ouvertement, ils furent repoussés avec perte de quatre hommes.

    Pendant ce temps, le goum du Oualo faisait le tour du lac Cayar, enlevait des camps de Mradin et ramenait 800 prisonniers, 1,000 bœufs et 3 à 600 moutons. Ce fut à cette époque que la tribu des Ouled-Bou-Ali se rendit à nous et vint s'établir à Maka.

    Le 3 décembre 1856, cinq habitants de Saint-Louis, ayant été couper du bois près de Mbéray, se laissèrent surprendre par les Maures pendant leur sommeil et furent tués ou pris ; on envoya quelques patrouilles pour purger les environs de Saint-Louis et le 29, le capitaine de rivière Moussa-Pal-meyra, avec seize laptots du Basilic rencontra près de nie aux Biches une bande de Maures qui traversaient le fleuve. S'étant embusqué dans les roseaux, il en tua cinq, en blessa trois et les autres se sauvèrent en perdant leurs fusils; c'étaient des Takharedjent.

    Le 30 du même mois, 50 laptots du Serpent et du Rubis, commandés par les capitaines de rivière Toro-Boli et Ramata, avec 300 hommes du Oualo, allèrent enlever le camp de cette même tribu, à seize lieues dans l'intérieur. On brûla le camp et on ramena une trentaine d'enfants.
    Pendant ce temps, 300 volontaires de Saint-Louis, avec Samba-Ngouma et Guibi, brûlaient, à trois jours de marche du fleuve, le camp des Ouled-Akchar auquels ils prirent seize prisonniers et quelques bestiaux; et Hamzata, avec 50 Ouled-Bou-Ali, et 100 volontaires toucouleurs de Saint-Louis, allait vis-à-vis de Dagana enlever des camps Maures ; ayant rencontré des forces considérables, il revint au fleuve, ramenant quelques centaines de bœufs et 40 prisonniers.
    Se voyant traquée de tous côtés, une partie de la tribu des Tendra vint se rendre à nous vers cette époque et s'établir près de Saint-Louis.

    En janvier 1857, les pertes journalières essuyées par les Maures jetaient parmi eux le plus grand découragement, et vers le mois de janvier 1857, on commença à faire courir le bruit que les Ouled-Dahman et leurs tributaires voulaient se séparer des Trarza. On disait aussi que Mohammed-El-Habib désirait vivement la paix mais que le respect humain l’ empêchait seul de la demander.
    Les marabouts le suppliaient de faire cette démarche; ils n'obtinrent de lui que la permission de nous demander la paix pour eux-mêmes. Sur leur prière, une espèce de trêve leur fut accordée à la fin de janvier; le roi et les guerriers ne s'en mêlèrent pas.

    A la suite de cet arrangement , des rixes à coups de bâton avaient lieu aux abords de Dagana et de Podor, entre les marabouts qui venaient vendre leurs gommes et les guerriers qui voulaient les en empêcher; il y eut même des marabouts massacrés ou mutilés par les guerriers; en revanche, trois Zombotis, surpris par nous, en embuscade sur la route des caravanes, vis-à-vis de Dagana, furent passés par les armes.

    Cette trêve des marabouts, qui avait paru à beaucoup de personnes être un acheminement vers la paix générale, tourna au contraire très mal comme on le verra plus loin.

    En février 1857, Mohamed-El-Habib avait éprouvé un violent dépit, en voyant que nous étions disposés à faire du commerce avec ses sujets sans sa participation, et surtout en apprenant que le gouvernement local, pour le punir de son obstination, avait l'intention de supprimer radicalement le droit prélevé au profit des rois Maures, sur le commerce des gommes.

    Pour se venger, et en même temps pour prouver que le commerce ne pouvait pas se faire sans sa protection, ou encore, afin d'arriver à obtenir de meilleures conditions pour la paix, dont il prévoyait ne pouvoir reculer encore bien longtemps le moment, il voulut tenter un suprême effort contre nous. Il supplia ses princes et ses sujets de Faider franchement et de montrer, enfin, un peu

    de courage et d'ensemble contre nous. En mars, il commença par envoyer le roi des Brakna, Mohammed-Sidi, à l' almamy du Fouta, Mohamadou, pour l'engager à entrer dans une ligue contre les Français ; mais l’ almamy et le lam Toro, Ahmed, furent les seuls qui ne se montrèrent pas éloignés d'accepter cette proposition.
    Le Fouta tout entier refusa. En même temps le roi des Trarza faisait tous ses efforts pour lancer tous les Ël-Guébla sur le Oualo, mais les cercles de Fara-Penda et de Diadié-Coumba étant bien peuplés et bien décidés à se défendre, les El-Guébla hésitèrent quelques temps à passer le fleuve.

    En présence des dangers qui menaçaient le Oualo, la moitié des troupes de Koundy qui travaillaient à la route vis-à-vis de Podor, et protégeaient l'arrivage des caravanes fut appelée à la Taouey et y forma un camp d'observation.

    En avril, les Maures reprirent l'offensive. Les gens de Brenn ayant été pêcher sur la rive droite, furent attaqués par une bande qu'ils parvinrent à mettre en fuite, après un petit engagement.
    En même temps, une colonne maure de 3 à 400 hommes traversait le fleuve entre Diaouar et Khan, et, n'osant s'attaquer aux parties du pays déjà réorganisées complètement, mettait encore une fois en déroute nos cercles de Mérinaghen et de Lampsar, où quelques habitants commençaient à rétablir leurs villages isolément et sans armes, malgré les avertissements que nous leur avions donnés.

    Cette bande qu'avaient en vain recherchée, immédiatement après son passage, les laptots de la croisière, avec les habitants de Ronq, suivit le chemin de Mérinaghen, le lendemain du jour où le gouverneur en était revenu avec 50 chevaux, après avoir été faire une reconnaissance et une razzia sur la frontière du Ndiambour, contre les insoumis du Oualo qui s'y étaient réfugiés.
    Les Maures tuèrent sept hommes dans l'Ile de Guiélaàd, où ils avaient été reçus en amis; ils brûlèrent çà et là à Nit, Fos et Naéré, quelques cases commencées; à Ndakhar-Fos, ils enlevèrent aux Pouls, un troupeau qui leur fut immédiatement repris; la même chose leur arriva avec des pertes sensibles, à Djeuleus, avec d'autres Pouls.
    Près de Ndakhar-Pos, ils furent vivement repoussés par les laptots de deux chalands; puis apprenant que le capitaine Roman, avec les troupes du camp de la Taouey, et le goum de Fara-Penda et de Diadié-Coumba se mettait à leur poursuite, ils repassèrent sur la rive droite au marigot de Gorum, n'emmenant pour tout butin que huit prisonniers.

    Mais le fait le plus sérieux fut un échec très grave éprouvé à cette époque, par les volontaires du Oualo.
    Fara-Penda voulut aller attaquer les Mradin, au nord du lac Cayar.
    Au lieu de 1,000 volontaires qu'il espérait avoir, il ne put en réunir que 300, dont 160 cavaliers du Oualo et une centaine de Toucouleurs de Saint-Louis. Ils commencèrent par enlever un camp considérable avec ses habitants, puis, au lieu de retourner sur leurs pas avec leurs prises, ils se laissèrent emporter par l'espoir d'en faire d'autres. Les Maures les amusèrent en tiraillant pour attendre leurs renforts. Des forces considérables arrivèrent en effet à cheval et à chameau. Les volontaires lâchèrent pied; les gens du Oualo et surtout les cavaliers parvinrent en grande partie à regagner le fleuve, mais les Toucouleurs furent exterminés pour la plupart après une belle résistance, sous les ordres d'un chef nommé Bolo.
    Les Maures en firent quelques-uns prisonniers, et s'amusèrent ensuite à les couper par morceaux dans leurs danses et leurs fêtes. C'est par ces cruautés qu'ils se font tant redouter des noirs.

    La paix faite avec les marabouts fut considérée comme n'ayant pas été sans influence sur ces malheureux événements, en permettant aux Maures d'avoir une foule d'espions chez nous.

    En raison du mauvais produit par ces affaires, il était indispensable d'aller avec les noirs eux-mêmes combattre les Maures, sur le théâtre de leur récente victoire, pour abattre l'ascendant qu'auraient repris ces derniers et pour rendre un peu de confiance à nos alliés.

    Le gouverneur partit donc, un mois après, le 7 mai 1857, avec une colonne composée de 412 hommes d'infanterie, commandée d'abord par M. Guillet, et après la mort de celui-ci, par M. le capitaine Roman, de 90 hommes d'artillerie, commandés par M. le capitaine Duhamel de 14 hommes du génie, de 65 spahis, commandés par M. le lieutenant Lafont, de 110 hommes des compagnies de débarquement, commandés par M. le capitaine de frégate Duroc, de 50 noirs auxiliaires dans les différents corps et de 1,230 volontaires ou hommes des contingents du Oualo avec leurs chefs. Nous avions 285 chevaux ou mulets, cinq voitures et trois obusiers; M. Fulcrand, chef du génie, dirigeait son service ; M. Thèse, chirurgien de 1ère classe de la marine, dirigeait le service de santé.

    C'était la première fois qu'on essayait de se servir de voitures pour transporter une partie de nos bagages et de nos vivres. Cette innovation réussit à peu près. Le Sénégal n'étant pas un pays de montagnes, il vaut mieux y faire traîner que porter. Seulement, comme il n'y a pas de routes, le charriage offre quelques difficultés, principalement au passage des marigots. En somme, l'expérience nous a démontré que de bonnes charrettes à deux roues, avec de bons attelages et raisonnablement chargées, convenaient comme moyens de transport de guerre au Sénégal, mais que cependant, pour une petite colonne très légère, il faut encore préférer les mulets porteurs, parce qu'un passage de marigot peut faire perdre quelques heures avec les voitures.

    Le 7 mai 1857, dans la soirée, nous partîmes de Saint-Louis avec le Basilic et le Podor, remorquant les deux écuries ;
    le 8, nous étions à Dagana. Une grande partie de la colonne, qui se trouvait à la Taouey, se rendit par terre, dans la journée du 8, de Richard-Toll à Dagana.
    Le 9, toute la colonne était réunie à Dagana.
    Le 1O, les troupes passèrent sur la rive droite. On ne se pressait pas, parce que, désirant cette fois une rencontre sérieuse avec les Trarza, on voulait leur donner le temps de réunir leurs forces.
    Le 11, à une heure et demie du matin, nous nous mettions en route. Nous arrivâmes bientôt dans un bas-fond défoncé par les hippopotames, où une de nos voitures versa et se brisa. On distribua au bataillon d'arrière-garde, le biscuit dont elle était chargée. Chaque homme se trouva approvisionné pour huit jours.

    Pendant cette marche, nous avions toujours le marigot de Sokam, à quelques milliers de mètres sur notre droite. Nous le traversâmes à l'endroit où il se bifurque et où il forme le marigot de Sokam, à l' est, et le marigot de Térélé, à l'ouest. Nous cheminâmes dans l'angle des deux embranchements jusqu'à dix heures, où nous établîmes le bivouac auprès d’une mare d'eau, dans le lit desséché du marigot de Térélé. Nous avions fait cinq lieues. Ce bas-fond, couvert d'herbes touffues, était infesté de serpents et des pires espèces.

    Douze hommes malades et un cheval décousu par une troupe de sangliers qui s'étaient jetés dans la colonne pendant notre marche, furent renvoyés à Dagana pendant la nuit.
    Le 12, à deux heures du matin, nous nous remettions en route; à quatre heures, nous eûmes à traverser le marigot de Térélé, à un passage très difficile pour les voitures; les laptots nous donnèrent un bon coup de main pour leur faire gravir une crête un peu escarpée.
    A cinq heures et demie, nous atteignîmes l’ extrémité méridionale du lac, que nous longeâmes jusqu'à neuf heures. Nous campâmes sur ses bords ; nous avions encore fait cinq lieues dans cette journée.
    Ce jour-là, le sous-lieutenant de spahis indigène Alioun, avec 10 spahis noir, 20 laptots et 1,000 volontaires, prit les devants pour tâcher de surprendre le camp de Sidi, fils du roi de Trarza, qu'on disait ne pas être bien loin.
    Le 13, départ à deux heures du matin; nous bivouaquâmes à huit heures. Un spahis envoyé par M. Alioun, vint annoncer qu'il était à une lieue et demie de là, en présence de l'ennemi retranché dans un bois épais, sur les bords du lac. On envoya immédiatement un renfort de 60 laptots, avec ordre de maintenir les Maures dans cette position, sans les attaquer avant notre arrivée.
    A midi trois quarts, on leva le camp, et nous nous mîmes en route par une chaleur suffocante.
    A deux heures, nous arrivâmes en face du bois; nous trouvâmes les noirs entourant à moitié et ayant eu déjà une escarmouche avec l'ennemi qui avait attaqué le premier et qui occupait encore la partie la plus fourrée, d'où les volontaires n'avaient pu le déloger et où les laptots se trouvaient assez vivement engagés.
    M. le sous-lieutenant Alioun avait montré l'exemple dans ce premier engagement à ses volontaires, en abattant de sa main un chef ennemi, et avait été parfaitement secondé par les laptots et ses spahis.

    Le gouverneur fit arrêter le train et l’ ambulance qu’ il laissa sous la garde d'un peloton d'infanterie; il fit déposer les bagages des hommes et les besaces des chevaux et prit les dispositions suivantes :
    Les laptots commandés par M. le capitaine de frégate Duroc, trois pelotons d'infanterie commandés par M. le lieutenant Bénech, un obusier par M. Féry, et l’ escadron par M. le lieutenant Lafont, exécutèrent un mouvement tournant par la gauche, pour arrêter et couper l'ennemi dans sa fuite; puis, deux obusiers furent mis en batterie à 150 mètres du bois, et y lancèrent une dizaine d'obus.
    Au dernier coup, cinq pelotons d'infanterie commandés par M. le capitaine Roman, s'élancèrent au pas de charge et la bayonnette au bout du fusil, dans le bois. L'ennemi se sauva du côté opposé, il laissa sur le terrain de 25 à 30 morts. L'escadron le poursuivit en vain pendant une heure environ.

    Nous restâmes maîtres du terrain, ayant entre les mains 42 prisonniers et une centaine de bêtes de somme, chameaux, bœufs porteurs et ânes.
    Pendant cette journée, où régnait le vent du désert (vent du N. -E.), le thermomètre resta, jusqu'à six heures du soir, à 87° centigrades. Jamais nous n'avions autant souffert de la chaleur au Sénégal. M. le capitaine Guillet, commandant l’ infanterie, fut foudroyé par un accès pernicieux.

    Parmi les Maures tués se trouvait le beau-frère du roi des Trarza, un prince de la famille royale et trois princes des Ouled-Dahman. Quant aux blessés, on n'en connut pas le nombre.

    Par un bonheur tout particulier, nous n'eûmes qu'un cheval blessé et un volontaire contusionné au front par une balle. Les volontaires qui virent les Maures rassemblés au commencement de l'affaire, évaluent à 2,000 hommes environ les forces qu'avait réunies Sidi sur ce point.

    Nous couchâmes sur le lieu du combat et nous y restâmes encore la journée et la nuit du lendemain, pour nous reposer et dans l’ espoir d'avoir une affaire plus sérieuse avec l'ennemi.
    Ayant appris, au contraire, que les Maures s'étaient dispersés de tous les côtés, le 15, à deux heures du matin, nous quittions le bivouac et à huit heures, nous campions près de Tound-ou-Mourmar, à l'endroit où était parvenue la colonne l’ année précédente et d'où on avait vu, pour la première fois, le lac Cayar.

    Le 16 mai 1857, à deux heures et demi du matin, nous longeâmes le marigot de Guédayo et nous campâmes sur ses bords, à huit heures.
    Le 17, à sept heures du matin, la colonne arrivait sur les bords du fleuve, vis-à-vis de Gaé. L'infanterie et la cavalerie s'embarquèrent pour Saint-Louis, et l'artillerie et le train se rendirent par terre de Gaé à Dagana, où ils s'embarquèrent aussi pour Saint-Louis. M. le capitaine du génie Fulcrand avait fait le lever du pays parcouru.

    Le gouverneur avait été parfaitement secondé dans tout ce qui concerne l'organisation de la colonne, des transports, et, en général, pour tous les détails du service, par le chef d'état-major, M. le capitaine d'artillerie Bonnet qui, depuis trois ans, avait acquis une précieuse expérience de ces fonctions si difficiles lorsqu'il faut , pour ainsi dire , tout improviser.

    Pendant notre expédition du lac Cayar, qui avait causé une panique générale sur la rive droite, 15 hommes des Ouled-El-Fari, la plus détestable de toutes les tribus maures, eurent l'audace de se réfugier vis-à-vis de Podor même, mêlés à des marabouts et croyant ne pas être reconnus. Le commandant du poste averti, envoya des laptots qui parvinrent à s'emparer de ces misérables, convaincus d'être de la même bande qui, depuis six mois, pillait et assassinait dans les environs ; ils furent immédiatement fusillés et pendus.

    Le lendemain de la rentrée de la colonne à Saint-Louis, les Trarza qui n'avaient pas osé venir nous combattre sérieusement au lac Cayar, faisaient une diversion très hardie sur la rive gauche. Mohammed-El-Habib, pendant que son fils Sidi commandait l'armée que nous avions battue, avait réuni une partie de ses fidèles, les princes de sa famille, et les avait envoyés, avec 3 ou 400 hommes, une cinquantaine de chevaux et autant de chameaux, traverser le fleuve à Mékinak.

    En passant au marigot de Gorum, les Maures trouvèrent 15 pêcheurs de Char, qui avaient stupidement déposé leurs fusils loin d'eux sur la rive. Ils prirent les fusils et tuèrent la plus grande partie des pêcheurs, avec leurs propres, armes.

    On apprit cela à Saint-Louis, le 19 au soir, et le 20 au matin, c'est-à-dire avant qu'on pût bien s'assurer du fait, ni prendre aucune mesure, le village de Gandon était enlevé par la même bande, à la pointe du jour.

    Il n'y eut aucune résistance de la part des gens du village, ni des villages voisins, qui auraient pu, réunir plus de mille fusils. En moins d'une heure 10 hommes de Gandon furent tués, environ 80 femmes ou enfants enlevés, ainsi que 450 bœufs et le village fut incendié.

    Les prises furent aussitôt envoyées dans la direction de Diarao, deux ou trois cavaliers restant auprès de Gandon, à battre le tam-tam, pour effrayer ceux qui auraient eu l'intention de courir après les capteurs; mais c'était bien inutile, personne n'avait cette envie.

    Vers huit heures, on fut averti à Saint-Louis de ce qui se passait: le gouverneur et 80 spahis ne purent être transportés de l’ autre côté qu'à neuf heures et se rendirent rapidement à Gandon, où ils arrivèrent à dix heures ; ils suivirent les traces de la razzia, depuis Gandon jusqu'à Dialakhar, et s'arrêtèrent quelque temps dans ce dernier village, pour avoir des renseignements sur la direction qu'avaient suivie les Maures.
    Vers midi, un Poul ayant déclaré que les Maures n'étaient pas loin et qu'ils longeaient le marigot de Menguey, on reprit la chasse jusqu'à deux lieues de Diarao, sous la conduite du brave sérigne Guey, Maguey-Fari, chef de Dialakhar, en suivant les traces très visibles du passage de la razzia. On trouvait en effet, des bœufs avec les jarrets coupés, des veaux, des chèvres et on rencontra même une pauvre vieille femme assommée; mais on avait déjà fait neuf lieues, le jour allait baisser, les hommes n'avaient pas de vivres, le pays où l'on entrait était très boisé et n'avait pas d'eau douce et il devenait évident que les Maures avaient une avance considérable. On ne pouvait donc pas aller plus loin, et Tescadron, après avoir passé la nuit à Dialakhar, revint à Saint-Louis.

    Le 25 mai 1856, on apprit à Saint-Louis que cette bande se trouvait sur les bords du lac de Guier, et le 26, au matin, au moment même où le gouverneur s'embarquait avec 200 hommes, 50 chevaux et un obusier, pour aller lui fermer le chemin, ou la poursuivre par Richard-Toll, le bruit courut qu'elle s'était rendue au village de Nder; en effet, le 25, elle avait attaqué le blokhaus placé sur ce point, essayant de le brûler, mais elle avait été repoussée vigoureusement.
    Le blokhaus avait pour garnison le caporal blanc Valette, un caporal noir, un soldat blanc el 6 soldats noirs. Ces braves gens ayant essayé à deux reprises de se servir de leur espingole, deux fois tous les madriers d'une des faces du blokhaus leur étaient tombés sur le dos, les laissant exposés à découvert comme sur un théâtre, au feu de l'ennemi. Sans se décourager, ils avaient reconstruit leur blokhaus, tout en tenant les assaillants en respect, et avaient fini par les mettre en fuite après avoir tué ou blessé les plus audacieux qui s'étaient approchés pour apporter des bottes de paille enflammées, entre autres, le nommé Yougo-Fally, notre ennemi le plus acharné parmi les gens du Oualo. 10 morts restèrent au pied du blokhaus. La garnison n'avait eu qu'un homme tué.

    Ély, qui commandait cette attaque, renvoya ses blessés avec quelques hommes à Nguik, dans le Cayor, et se porta avec les Maures à Bat, à l'entrée de la Taouey dans le lac de Nguier, dans l'intention de gagner le Fouta. En passant la Taouey, le 26, il fit mine d'attaquer Ndombo ; Fara-Penda avait eu le temps de se jeter, avec quelques hommes, dans ce village et repoussa Ély, en lui tuant un cheval.

    Le 27 mai, au matin, le gouverneur, étant arrivé à Richard-Toll, avec la petite colonne embarquée, y apprit les résultats de l’ attaque de Nder, la résistance du blokhaus et l' attaque de Ndombo. D'après les renseignements divers le commandant du poste croyait qu'Ély, avec une partie de ses gens, se dirigeait alors vers le Dimar, mais qu'une autre partie avec son butin, n'avait pas encore passé la Taouey.

    En conséquence , on résolut de chercher d'abord celle-ci dans la plaine de Djeuleus, refuge ordinaire des Maures; on le fit dans les journées du 27 et du 28, mais sans trouver même de traces.

    Pendant ce temps, des bandes de Trarza, envoyées sans doute au secours de celle qui se trouvait dans le Oualo, tentaient de passer le fleuve.
    L'une d'elles, de 200 hommes environ, dont beaucoup de cavaliers, se faisait repousser jusqu'à trois fois par des péniches de la croisière, auprès de Khann ; une autre se montrait vis-à-vis de Richard-Toll.

    Le 28 mai 1857, un courrier de Dagana vint nous apprendre à Richard-Toll , que les Maures d'Ély avaient passé, le 27, près de Bokol; que les gens de Bokol avaient tiré sur leurs cavaliers au bord du fleuve, et leur avaient tué un cheval, et enfin, que ces Maures étaient pour le moment à Fanaye avec leurs prises; que les volontaires de Dagana, Gaé et Bokol, envoyés contre eux par le commandant de Dagana, avaient tiraillé avec eux, entre Fanaye et Bokol; qu' ils leur avaient tué deux chevaux et blessé 2 hommes, et qu'eux-mêmes avaient eu 2 hommes légèrement blessés. N'ayant rien trouvé dans DJeuleus, nous crûmes alors que tous les Maures avaient traversé la Taouey, le 26, avec Ély, contrairement à l'opinion du commandant de Richard-Toll, et qu'ils avaient tous remonté vers le Dimar.
    En conséquence, le 29, nous allâmes débarquer à Fanaye pour les poursuivre. Là, nous apprîmes que les Maures, continuant leur marche, avaient passé la journée à Dialmatch. On nous dit qu'ils étaient 3,000, tant la peur grossissait les objets auprès des gens du pays.

    Le 30 mai, à trois heures du matin, nous partîmes de Fanaye pour Dialmatch, mais Ély et les Maures, en apprenant notre arrivée, avaient fait une marche forcée et dans la même journée du 30, ils allèrent d'abord à Ndiayen, puis le soir à Nbanto, près de Guédé, c'est-à-dire au delà de Podor.
    Il était inutile d'aller plus loin, et nous passâmes la journée et la nuit du 30, dans Dialmatch, renonçant à poursuivre l'ennemi.
    Mais le soir, un courrier de Richard-Toll, venu en toute hâte, nous apprit qu'une seconde bande de Maures avait passé la Taouey, le 28, se dirigeant aussi vers l’ est.

    D'après cela, comme les volontaires de Gaé, Bokol, Dagana et du Oualo, devaient déjà retourner le lendemain par terre, de Dialmatch à Fanaye, l'escadron reçut l'ordre d'aller avec eux, au lieu de s'embarquer, pour leur donner de la confiance et tâcher de rencontrer la bande signalée.
    Or, cette bande n'était en effet, qu'une partie de celle de Gandon; le 26, après l'attaque de Ndombo, Ély, se dirigeant vers le Fouta, entraîna avec lui trois de ses cousins germains et les El-Guebla; mais une partie des princes Maures avaient refusé de le suivre, et n'avaient pas passé la Taouey avec lui; seulement, au lieu de s’ arrèter dans la plaine de Djeuleus, où nous avions fait nos recherches, ils étaient allés immédiatement, avec leur part de prise, dans l'angle du marigot de Khassakh et de Gorum, pour refaire, dans de bons pâturages, leurs animaux fatigués, puis pour tenter le passage du fleuve.
    Notre chef des Pouls, Semba-Ngouma, qui traversait le Oualo, avec 4 hommes, les avait vus au passage du marigot de Khassakh et leur avait tué un cheval et pris un autre, en s'embusquant dans les herbes.

    Le 27 mai, ces Maures allèrent pour passer le fleuve à Bépar-Ndekh, ils y trouvèrent Hamzata et ses Ouled-Bou-Ali, qui leur tirèrent quelques coups de fusil de loin. Ils remontèrent alors à l’ embouchure du marigot de Gorum, où des péniches tirèrent sur eux et leur tuèrent, dit-on, 5 hommes.
    Enfin, le 28, désespérant de forcer le passage du fleuve, ils se décidèrent à remonter à Bat, pour suivre la même route que la première bande.

    Comprenant leur fâcheuse position, ils passèrent les journées du 29 et du 30 derrière Kouroumbay, sans oser venir boire au fleuve.

    Le 31 mai au matin, mourant de soif, ils arrivaient à Fanaye, presque en même temps que les volontaires et les spahis, et prenaient la fuite devant eux.
    Le capitaine Bilhauleur donna la chasse. Après avoir fait 3 lieues au galop, il les atteignit et les extermina à Langobé, près de Dialmatch; leurs chevaux, leurs méharis, leurs captifs et leurs troupeaux furent pris par nous, par nos volontaires ou par les Pouls du Dimar. Parmi les morts, au nombre de 30, au moins, se trouvaient plusieurs neveux du roi des Trarza.
    Trois personnages importants furent faits prisonniers, fusillés et pendus quelques jours après, à Gandon même. De notre côté, nous n'eûmes qu'un spahis tué et un blessé. M. le lieutenant de Négroni et le sous-lieutenant Canard, commandaient les spahis, sous les ordres du capitaine Bilhau, à cette brillante affaire. Quant à l’ autre bande, mise presque en déroute par la peur, quoiqu'elle ne connût pas encore l'affaire de Langobé, elle alla passer le fleuve un peu au-dessus de Mafou, ayant ainsi fait une centaine de lieues depuis Gandon. Il y avait certes, dans tout cela, de quoi dégoûter les Trarza de leurs courses sur la rive gauche.

    On voit, par cette affaire de Gandon, que les Maures ne sont pas aussi lâches qu'on veut bien le dire et qu'ils se montrent quelquefois, au contraire, pleins d'audace et d'énergie.
    A Langobé, aucun d' eux ne sourcilla devant la mort; il y eut même de la part de l'un d'eux un trait de dévouement qui mérite d'être raconté : nous avons dit tant de mal des Maures, qu'il ne serait pas juste de laisser passer une occasion d'en dire du bien.
    Il y avait au combat de Langobé, trois frères, cousins du roi des Trarza, Mokhtar, Mohammed et Ibrahim; avec eux se trouvait un jeune enfant, fils de Mokhtar.
    Ibrahim montait une jument du roi des Trarza, nommée El-Bouïda (Blanchette), jouissant d'une grande réputation de vitesse, et portait en croupe le jeune fils de Mokhtar. Il dit à celui-ci de monter, lui troisième sur la jument pour se sauver. Mokhtar répondit : ce serait nous perdre tous trois, « sauve l’ enfant, Mohammed et moi, nous allons nous faire tuer ici pour protéger votre fuite » quelques spahis étaient déjà sur eux, et les sabrèrent, mais la jument put mettre ses cavaliers en sûreté.

    Le 6 juin 1857, une vingtaine de Maures, dont 10 à cheval et 10 à pied, tentèrent de passer le marigot de Tiallakh, près de Saint-Louis ; une embarcation qui croisait dans ce marigot et qui était cachée dans les mangliers, fit feu sur eux au moment où ils commençaient à se mettre à l'eau, en tua deux et en blessa un qui fut emporté par les cavaliers.

    Au commencement de juillet, les gens de Mbilor firent une razzia chez les Maures; ils tuèrent 3 hommes, et ramenèrent 1O prisonniers et des bestiaux.
    Le 5 du même mois, M. le commandant de Richard-Toll fut prévenu qu'une bande de Maures venait d'enlever le troupeau du poste qui était à paître auprès des lougans de Ndiao et qu'elle se dirigeait sur le passage de Roço, près de Mbagam, pour repasser avec sa prise sur la rive droite.
    Il fit courir immédiatement après eux, quelques volontaires de Richard-Toll, commandés par Fara-Penda et une dizaine de soldats noirs du poste. Mais déjà les gens de Ndiao, commandés par leur chef, Charles Duprat, avec l’aide des gens de Mbagam, qui, cette fois, étaient sortis de leur apathie habituelle, et les laptots du chaland qui croise devant Roço, avaient repris le troupeau et mis en fuite les pillards au moment où ils voulaient forcer le passage.

    Fara-Penda, Charles Duprat, les volontaires et les soldats du poste, en tout 34 fusils, se mirent alors à la poursuite des fuyards qu'ils atteignirent vers cinq heures et demie du soir, sur la route de Nder, à une lieue environ de Sentch-Beukkenek.
    Le combat s'engagea immédiatement et la fusillade dura pendant deux heures; elle aurait duré plus longtemps, si la nuit n'eut permis aux Maures de prendre la fuite, emportant leurs blessés et laissant leurs morts sur le terrain.
    L'ennemi, qui se composait d'une centaine d'hommes de la tribu des Takharedjent et de celle des Ouled'Akchar, dut faire de grande pertes, car le lendemain, on compta encore 10 tués sur le lieu du combat. Les blessés avaient dû être très nombreux, à en juger par le sang répandu à terre dont étaient souillées les herbes environnantes.
    Nos volontaires n'eurent pas de tués, 3 hommes seulement furent atteints ; leurs blessures étaient sans gravité.

    Enfin, le roi des Trarza, en personne, voulut profiter de l’ absence du gouverneur et des troupes qui étaient allés délivrer Médine, à deux cent cinquante lieues de Saint-Louis, pour faire parler de lui.
    Dans la nuit du 11 au 12 juillet 1857, il vint avec un millier d'hommes à une lieue de Ndiago. Il s'arrêta là avec la plus grande partie de son monde et envoya dans l'île de Thionq, une quarantaine de cavaliers et une centaine d'hommes à pied qui entourèrent les tentes des Tendra réfugiés sur ce point et dépouillèrent ces pauvres marabouts de leurs vêtements, la seule chose qu'il fût possible de leur prendre.
    Une cinquantaine de bœufs parqués près du camp des Tendra et appartenant aux gens de Guet-Ndar, furent enlevés par les pillards. Ces bœufs étaient gardés par un seul homme qui parvint à s'échapper. Mohammed-El-Habib, qui n'avait pas quitté son poste d'observation, n'attendit pas le jour pour s'éloigner; il fit quinze lieues d'une traite, ce qui ne permit pas de le poursuivre.

    Pendant que ceci se passait aux environs de Saint-Louis, cinquante volontaires du Oualo, commandés par le chef de Mbilor, Samba-Diène, enlevaient aux Trarza un troupeau de huit cents chamelles perte irréparable pour eux, et à laquelle ils furent d'autant plus sensibles qu'elle tombait entièrement sur les princes.de la famille du roi. Comme on le voit, les expéditions que commandait le roi des Trarza, en personne, ne lui réussissaient guère.

    Le 15 juillet 1857, 60 hommes du Oualo, faisant partie de la bande qui avait suivi Ély, dans le Fouta, après l'affaire de Gandon, passèrent, en retournant dans le Cayor, à deux kilomètres de Mérinaghen.
    Le commandant du poste les fit poursuivre par sa garnison et quelques volontaires du village qui les mirent en fuite et leur prirent un cheval de selle, quinze bêtes de somme et 10 captifs que ces bandits avaient volés dans le Fouta.

    En août et septembre 1857, Ély se décida enfin, pour la première fois, à rester avec son père sur la rive droite, et les Maures s'éloignèrent du fleuve à cette époque, comme les autres années, nous laissant reconstituer complètement le Oualo sous nos ordres.

    En octobre 1857, le bruit courut que la discorde et l'anarchie, suite de l’ humiliation et de la misère, commençaient à se mettre parmi les Trarza.

    En novembre 1857, décidés par une reconnaissance poussée par les spahis jusqu'à Ngay, les derniers insoumis du Oualo rentrèrent enfin dans leur pays. A cette époque, un traité fut passé avec les Douaïch, sur les bases que nous voulions adopter avec les autres Maures.

    Convention avec le roi des Douaïch.

    Bakel, le 1er novembre 1855.

    Entre le gouverneur du Sénégal, L. FAIDHERBE, et BAKAR, roi des Douaïch.
    Considérant qu'il est très juste que les cheikhs des nations maures Douaïch, Brackna, Trarza, tirent un revenu du commerce de la gomme, produit des forêts de leur pays recolté et apporté à nos comptoirs par leurs sujets ;
    Le gouvernement français consentirait à ce que ces chefs fissent percevoir, à leur profit, dans nos postes du fleuve, un droit d'environ 3 p. 100 sur la valeur des gommes apportées de la rive droite.
    Ce qui ferait, en traduisant en pièces de guinée suivant l'usage du pays :
    - A Saint-Louis, Dagana et Podor, une pièce de guinée marchande pour 500 kilogrammes de gomme ;
    - A Matam, une pièce de guinée marchande pour 700 kilogr. ;
    - A Bakel, une pièce de guinée marchande pour 800 kilogr. ;
    - A Médine, une pièce de gainée marchande pour 900 kilogr.
    A cet effet, les cheikhs des trois nations maures auraient des agents dans ceux de nos comptoirs qui sont situés à hauteur de leurs territoires respectifs, savoir : le cheikhs des Douaïch à Bakel et à Matam ; le cheikh des Brakna à Podor ; le cheikh des Trarza à Dagana et à Saint- Louis.
    Pour plus de commodité dans la perception, les commerçants français qui achètent les gommes payeraient eux-mêmes le droit de sortie dont serait grevé ce produit, au profit des cheikhs, après en avoir tenu compte dans le prix qu'ils donneraient aux Maures.
    Le commandant du comptoir, d'accord avec les agents des chefs maures, s'assurerait des quantités de gommes traitées et percevrait le droit proportionnel qui serait livré aux chefs maures, par l'entremise de leurs agents, aux époques et suivant le mode convenu avec chacun d'eux.
    Les chefs maures auraient intérêt à empêcher leurs sujets d'aller nous vendre leurs gommes sur d'autres points que dans nos comptoirs, car ce n'est que dans ceux-ci que le Gouvernement français ferait percevoir le droit convenu.
    Les chefs maures décideraient quelle fraction du droit sur les gommes serait abandonnée à leurs agents, chargés de la perception, comme rémunération de leurs soins. Aucun autre droit ne serait exigé sous aucun prétexte, soit des commerçants, soit des bateaux, soit des établissements à terre, par les chefs maures, qui n'ont à se mêler en rien de ce que nous faisons dans le fleuve ou sur la rive gauche. Le gouvernement français, de son côté, avertirait les commerçants qu'il reconnaît aux chefs maures le droit d'empêcher, par tous les moyens, leurs sujets do faire le commerce des gommes sur d'autres points que dans les postes. Leur action répressive ne pourrait pas cependant s'exercer à bord des navires ; mais ils pourraient confisquer les gommes encore à terre, entre les mains de leurs sujets, quand même les traitants prétendraient les avoir payées.
    Signé : L. FAIDHERBE.
    Signé : BAKAR, pour ce qui concerne les Douaïch.

    Le roi Bakar nous promit même de chercher à décider les rois des Trarza et de Brakna à accepter ces mêmes conditions. Chez les Trarza, deux partis se dessinaient de plus en plus; d'un côté, les Ouled-Ahmed-Ben-Dahman, avec les princes de la famille royale et de l'autre, les Ouled-Dahman et leurs tributaires qui faisaient du commerce avec nous à Podor, malgré les premiers.
    Mohammed-El-Habib, pressentant qu'il ne pourrait plus continuer longtemps la guerre, voulut tâter le terrain, pour arriver à un arrangement, et le 24 décembre, le fils de son ministre et Mohammed-Ély, chef des Azouna, arrivèrent à Saint-Louis, pour entrer en pourparlers avec nous.
    Ils ne se reconnaissaient pas comme les envoyés officiels du roi des Trarza, mais ils consentaient à servir d'intermédiaires pour les propositions qui pourraient être faites de part et d'autre. Quoique disposés à faire la paix, craignant que ces ouvertures ne fussent que des ruses, nous n'en continuâmes pas moins les hostilités.

    Le 28 décembre 1857, Fara-Penda, Diadié-Coumba et Samba-Diène, avec 30 cavaliers, allèrent à deux jours de marche dans l’ intérieur du pays des Trarza, enlever un camp de marabouts. Ils firent du butin et ramenèrent 380 vaches et 50 prisonniers.
    Le même jour, Samba-Ngouma, avec cinq cavaliers, enleva une caravane qui avait passé le fleuve à Gorum. Après avoir tué un guerrier qui faisait mine de se défendre et avoir pris toutes les bêtes de somme, il renvoya les marabouts, au nombre d'une soixantaine, sur la rive droite.

    Le même jour, les Ouled-Bou-Ali, petite tribu Trarza qui, comme nous l'avons dit, s'était mise avec nous pendant la guerre, allèrent, sous les ordres de leur cheikh Ahmed, à deux journées de marche du fleuve, attaquer une bande de Takharedjent, leurs ennemis personnels. Ils en tuèrent ou blessèrent 4 et en firent 5 prisonniers; les autres prirent la fuite.
    Cependant, malgré la colère de Mohammed-El-Habib, les gommes arrivaient à Podor; elles étaient escortées par les Ouled-El-Fari , et les Ahratin des Ouled-Dahman. Les Ghellouha, tributaires de Mohammed-Sidi, ayant attaqué une caravane, furent repoussés par eux avec perte d'un homme.

    Le 7 janvier 1858, un engagement assez vif eut encore lieu sur la rive droite, à la hauteur de Naolé, entre des tribus Trarza : les Mradin et les Ouled-Bou-Alia d'une part, les Ouled-El-Fari et les Ahratin-Ouled-Dahman d'autre part, au sujet d'une caravane que ces derniers voulaient prendre sous leur protection. Les Mradin eurent deux hommes grièvement blessés.

    Le 27 février 1858, deux soldats de la tour de Ross, en allant faire boire les quatre bœufs du poste au marigot, furent surpris et tués par une bande de 20 cavaliers maures, qui leur coupèrent les oreilles et les bras. Ces Maures sortaient comme toujours, de la forêt de Djeuleus, où ils se cachent facilement.

    En mars 1858, le roi des Trarza eut la velléité, sur la demande des gens de Niomré, de les secourir contre nous. Il espérait que tout le Cayor et le Ndiambour se réuniraient à ceux que nous menacions; mais il n'avait pas encore fait ses dispositions, que l' afFaire de Niomré était terminée, toute à notre honneur.

    Cette occasion de prendre leur revanche et de former une coalition contre nous, s'étant encore une fois évanouie, le découragement des Trarza s'accrut, et par suite aussi, la discorde qui commençait à les diviser.

    A la fin de mars, les Ouled-Dahman et leurs tributaires désobéirent formellement aux ordres du roi et des princes; et la tribu des Ouled-Ahmed des Brakna, qui faisait toute la force de Mohammed-Sidi, c'est-à-dire du parti allié des Trarza, se mit avec les Ouled-Dahman et abandonna Mohammed-Sidi.

    Le 1O avril 1858, les Ouled-Bou-Ali allèrent faire une razzia sur la rive droite. Au nombre de vingt-cinq seulement, ils surprirent près de Dara, une grande quantité de pêcheurs, de toutes les tribus El-Guebla. Ils tuèrent quatre hommes et ramenèrent quinze prisonniers, des chameaux et des ânes.
    Poussés à bout, les Ouled-Dahman et leur parti se réunirent à cette époque, à Méchera-El-biad et envoyèrent demander notre concours pour résister ouvertement au roi.

    En mai 1858, Mohammed-El-Habib, rassembla quelques forces et alla trouver les Ouled-Dahman pour les punir et les rappeler à l’ obéissance; ceux-ci firent quelques semblants de soumission, dont le roi fit, de son côté, semblant de se contenter; puis il passa outre et prit Mohammed-Sidi avec lui pour aller punir les Ouled-Ahmed qui s'étaient retirés dans l' est, vers Alevbé.
    Mais les Ouled-Ahmed, qui sont les Maures les plus audacieux du désert, n'attendirent pas les deux rois; ils allèrent au devant d'eux, et, dans une attaque de nuit, tuèrent le prince Mokhtar-Ould-Amar, proche parent de Mohammed-Sidi ; ils firent aussi un Trarza prisonnier et le renvoyèrent après lui avoir arraché toutes les dents.
    A la suite de cette audacieuse surprise, les deux rois épouvantés s'empressèrent de faire demi-tour, et en passant à Podor, ils nous envoyèrent dire qu'ils acceptaient toutes nos conditions pour la paix.

    C'était donc la division sérieuse qu'ils voyaient s'introduire chez eux qui les décida à cette importante démarche. Mais, en attendant que la paix fut signée, les noirs et les Maures, semblèrent vouloir profiter du peu de temps qui restait, pour se faire du mal les uns aux autres.
    Une bande d'une dizaine de Maures, tenta, avant de repasser définitivement sur la rive droite, un coup de main sur le petit village de Bous. Les habitants de ce village étaient dans leurs lougans et armés, lorsque les Maures parurent auprès d'eux; les noirs plus nombreux les eussent mis en fuite en leur tirant un seul coup de fusil, mais ils se laissèrent prendre aux belles paroles des Maures qui, dès qu'ils les virent sans défiance, en blessèrent deux et enlevèrent un jeune garçon. Ces Maures furent aperçus près du fleuve qu'ils cherchaient à passer, par les gens de Khan qui les chassèrent à coups de fusil. Le jeune garçon qu'ils avaient enlevé, se sauva la nuit suivante, en leur emmenant leur meilleur cheval.

    Les gens du Djolof, sous les ordres du chef Boumi, attaquèrent et pillèrent, le 9 mai, les camps de Trarza qui s'étaient établis depuis quelques semaines à Goui-Téa, Mbadjien, Néguénem. Les Maures qui purent s'échapper se sauvèrent à Sagata, auprès des captifs de Tanor (Silmakha-Dieng).

    Yougo-Fali et Tanor menacèrent les gens du Djolof, d'intervenir en faveur des Maures. A cette nouvelle, M. le lieutenant Dard, dirigea immédiatement sur le Djolof quelques centaines de fusils des cercles du Oualo, pour soutenir le parti hostile aux Maures et à Tanor, mais il n'y eut pas d'hostilités.
    Des gens de Coqui, dans le Ndiambour, attaquèrent, vers ce même temps, une bande de Trarza et un neveu du roi, fils de Mohammed-Cheîn, fut tué dans cette échauffourée par un captif du chef de Coqui, nommé Balla-Khoudia, homme capable de tout et qui fut tué lui-même, deux ans plus tard lors de la révolte du Ndiambour contre le Damel.

    Enfin, en mai 1858, nous obtenions un premier résultat sérieux de nos efforts et de la guerre que nous avions soutenue avec tant de constance et d'activité depuis trois ans et demi contre les Maures.
    Le 15 mai 1858, le ministre du roi des Trarza, Mokhtar-Sidi, arrivait à Saint-Louis, muni de pleins pouvoirs, et le 25 du même mois, son fils Sidi rapportait à Saint-Louis le traité avec les Trarza, signé par Mohammed-El-Habib.

    Napoléon III - Empereur des français

    Napoléon III - Empereur des français de 1852 à 1870

    Traité de paix avec le roi des Trarza.

    20 mai I858.

    Gloire à Dieu, Maître des mondes, Créateur de tout ce qui existe dans les cieux et sur la terre,

    Au nom de Sa Majesté Napoléon III, Empereur des Français,

    L. FAIDHERBE, lieutenant-colonel du génie, officier de la Légion d'honneur, gouverneur du Sénégal et dépendances, d'une part,
    et MOHAMMED-EL-HABIB, roi des Trarza, d'autre part,

    Pour mettre fin à la guerre qui dure depuis trois ans entre les Français et les Trarza, ont conclu le traité de paix suivant :

    Article 1er. — Le roi des Trarza reconnaît en son nom et au nom de ses successeurs, que les territoires du Oualo, de Gaé, de Bokol, du Toubé, de Dialakhar, de Gandiole, de Thionq, de Djiaos et de N'diago appartiennent à la France et que tous ceux qui les habitent ou les habiteront plus tard sont soumis au gouvernement français, et, par suite, ne peuvent être astreints à aucune espèce de redevances ni de dépendance quelconque envers d'autres chefs que ceux que leur donnera le gouverneur du Sénégal.

    Art. 2. — Le roi des Trarza reconnaît en son nom et au nom de ses successeurs, que le gouverneur du Sénégal est le protecteur des États ouolof du Dimar, du Djolof, du Ndiambour, et du Cayor. Comme quelques-uns de ces États sont tributaires des Trarza , c'est par l'intermédiaire du gouverneur que les tributs seront perçus et livrés au roi des Trarza, et c'est par lui que seront levées les difficultés qui pourraient s'élever entre le roi des Trarza et ces États. En conséquence , aucun Maure armé ne traversera le fleuve pour aller dans ces pays, sans le consentement préalable du gouverneur.

    Art. 3. — Le roi des Trarza s'engage en son nom et au nom de ses successeurs, à exercer la plus grande surveillance pour empêcher les courses et pillages de quelques-unes de ses tribus sur la rive gauche du fleuve. Le gouverneur du Sénégal s'engage à aider de tout son pouvoir le roi des Trarza dans ce but, et à soutenir son autorité contre ceux de ses sujets qui voudraient, malgré lui, revenir à leurs anciennes habitudes.

    Art. 4. Les relations commerciales seront immédiatement rétablies entre les Français et les Trarza. Les Français ne veulent, pour le moment, acheter la gomme que dans leurs établissements de Saint-Louis, Dagana , Podor, Saldé, Matam, Bakel et Médine , et veulent l'acheter toute l'année. Le roi des Trarza ne veut, pour le moment , laisser venir les gommes des Trarza qu'à Dagana ; il en est le maître. Le roi des Trarza et le gouverneur prendront, chacun de leur côté et dans la limite de leurs droits, les mesures nécessaires pour faire exécuter leur volonté par leurs sujets et administrés respectifs. Le commerce de tous les autres produits du pays des Trarza se fera librement et partout, soit à terre, soit à bord des embarcations.

    Art. 5. Comme le commerce d’ un pays doit rapporter des revenus au gouvernement de ce pays, il est juste que le roi des Trarza tire un profit du commerce des gommes. La perception de cet impôt sur le commerce de ses sujets offrant pour lui des difficultés de plus d'un genre, le gouvernement français, comme preuve de bienveillance envers son allié, veut bien se charger de cette perception. En conséquence, les commerçants qui achèteront la gomme des Trarza à Dagana , ou peut-être plus tard sur d'autres points, sauront que ce produit est grevé, à sa sortie du pays des Trarza, d'un droit d'une pièce de guinée par 500 kilogrammes de gomme, soit environ 3 p. 1OO au profit du roi des Trarza, et qu'ils auront à verser ce droit entre les mains du commandant ou de telle autre personne désignée, qui le livrera au roi des Trarza quand celui-ci le désirera. La pièce de guinée par 1,000 livres de gomme, sera également perçue à Saint-Louis, au profit du roi des Trarza quand les caravanes Trarza en apporteront sur ce point avec son autorisation.

    Art. 6. Le roi des Trarza s'engage à protéger, par tous les moyens en son pouvoir, le commerce des gommes et autres produits contre tous ceux qui voudraient l'empêcher ou le gêner, et à ne jamais intervenir entre les vendeurs et les acheteurs, pas plus que le gouverneur ne le fait: si l'on apprenait que moyennant payement ou gratuitement, il influençât ses sujets pour leur faire vendre de préférence à tel ou tel particulier, on cesserait aussitôt la perception du droit d'une pièce.

    Art. 7. Le gouverneur permettra, en temps de paix avec les Trarza, à leurs caravanes, de traverser les territoires français pour aller faire du commerce sur la rive gauche, mais aucun Maure armé n'accompagnera ces caravanes, sans une permission spéciale du gouverneur ou de ses agents autorisés. De leur côté, et en observant les mêmes conditions, les sujets français pourront circuler librement et en toute sécurité sur le territoire du roi des Trarza.

    Art. 8. Les sujets français ne pourront, sans en avoir préalablement obtenu l'autorisation du roi des Trarza, cultiver ou pêcher, ou en un mot faire aucun acte de propriété sur son territoire. De leur côté, les Trarza sont soumis aux mêmes conditions vis-à-vis des Français.
    Par exception, les roniers situés sur la rive droite, entre Richard-Toll et Dagana, restent à l'entière disposition du gouvernement français.

    Art. 9. — Les gommes des Aidou-el-Hadj (Darmankour) iront, comme les autres, à Dagana et rapporteront le même droit de sortie que les autres au roi des Trarza, à moins que celui-ci ne les laisse venir à Saint-Louis, auquel cas le gouverneur consentirait à percevoir la pièce pour 1,000 livres, au profit de Chems, chef de cette tribu.

    Art. 10, — Le présent traité servira seul, à l'avenir, de base aux relations politiques et commerciales des Français avec les Trarza. Tous les traités et conventions antérieures sont annulés de plein droit et du consentement des parties contractantes.

    Fait et signé en triple expédition, à Saint-Louis, le 20 mai 1858.

    Signé : L. FAIDHERBE.

    Celui qui, ces présentes lira, saura que MOHAMMED-EL-HABIB donne son assentiment à ce traité de paix entre lui et les Français, traité qui lui a été apporté par KHIAROUM, de la part de son père MOKHTAR-SIDI, le dimanche 10ème jour du mois de Choual de l'année 1274 de l'hégire.
    MOHAMMED-EL-HABIB , roi des Trarza, à ses successeurs et à ses peuples.

    Traité de paix conclu à Saint-Louis le 20 mai 1858 entre la France et le Roi des Trarza.

    Traité de paix conclu à Saint-Louis le 20 mai 1858 entre la France et le Roi des Trarza. Sources : Recueil des Traités de la France (Jules de Clerq) Tome 7 page 388 – Gallica-BNF.

    Le 10 juin 1858, Mohammed-Sidi, roi d'une partie des Brakna signait un traité de paix analogue passé avec sa nation, et son compétiteur Sidi-Ély, signait de son côté un double du même traité, pour le cas où il l'emporterait sur son rival, ce que nous désirions.

    Traité de paix avec les Brakna.

    10 juin 1858.

    An nom de Dieu clément et miséricordieux,

    Sous le règne de Sa Majesté Napoléon III, Empereur des Français,
    L. FAIDHERBE, lieutenant-colonel du génie, officier de la Légion d'honneur gouverneur du Sénégal et dépendances, a conclu le traité de paix suivant avec les Brakna , pour établir sur des bases nouvelles les relations politiques et commerciales entre eux et les Français :

    Article 1er. — Le roi des Brakna s'engage, en son nom et au nom de ses successeurs, à exercer la plus grande surveillance pour empêcher les courses et pillages de ses tribus sur la rive gauche du fleuve, au-dessous de Mokhtar-Salam, dans le Dimar et dans le Djolof , dont il reconnaît le gouverneur du Sénégal pour protecteur.

    Art. 2. — Les relations commerciales seront partout rétablies entre les Brakna et les Français ; les Français ne veulent, pour le moment, acheter les gommes que dans leurs établissements de Saint-Louis, Dagana, Podor, Saldé, Matam, Bakel et Médine, et veulent l'acheter toute l’ année. Les Brakna porteront leurs gommes à Podor et à Saldé. Le roi des Brakna et le gouverneur prendront, chacun de leur côté et dans la limite de leurs droits, les mesures nécessaires pour faire exécuter leur volonté par leurs sujets et administrés respectifs. Le commerce de tous les autres produits du pays des Brakna se fera librement et partout, soit à terre, soit à bord des embarcation?, autant que le permettra l'état de nos relations avec le Fouta.

    Art. 3. — Comme le commerce d'un pays doit rapporter des revenus au gouvernement de ce pays, il est juste que le roi des Brakna tire un profit du commerce des gommes. La perception de cet impôt sur le commerce de ses sujets offrant pour lui des difficultés de plus d'un genre, le gouvernement français, comme preuve de bienveillance envers son allié, veut bien se charger de cette perception. En conséquence, les commerçants qui achèteront la gomme des Brakna, à Podor ou à Saldé, ou peut-être plus tard sur d'autres points, sauront que ce produit est grevé, & sa sortie du pays des Brakna, d'un droit d'une pièce de guinée pour 500 kilogrammes de gomme traitée à Podor, et d'une pièce de guinée pour 600 kilogrammes de gomme traitée à Saldé (c'est-à-dire environ 3 p. lOO).

    ART. 4. — Le roi des Brakna s'engage à protéger, par tous les moyens en son pouvoir, le commerce des gommes et autres produits contre tous ceux qui voudraient l'empêcher ou le gêner, et à ne jamais intervenir entre les vendeurs et les acheteurs, pas plus que le gouverneur ne le fait. Si l'on apprenait que, moyennant payement ou gratuitement, ni influençât ses sujets pour leur faire vendre de préférence à tel ou tel particulier, on cesserait aussitôt la perception du droit d'une pièce.

    Art. 5. — Les Français auront le droit découper du bois partout, sur le territoire des Brakna, sans payer aucune redevance.

    Art. 6. — Le présent traité servira seul, à l'avenir, de base aux relations politiques et commerciales des Français avec les Brakna. Tous les traités et conventions antérieurs seront annulés de plein droit du consentement des deux parties contractantes.

    Fait en triple expédition, à Podor, le 10 juin 1858.
    Signé : L. FAIDHERBE.
    Signé : MOHAMMED-SIDI.

    Traité de paix et de commerce conclu à Podor entre la France et les Brakna le 10 juin 1858.

    Traité de paix et de commerce conclu à Podor entre la France et les Brakna le 10 juin 1858. Sources : Recueil des Traités de la France (Jules de Clerq) Tome 7 page 407 – Gallica-BNF.

    Le 13 décembre 1858, ces deux princes se trouvant réunis par une feinte réconciliation, tandis qu'il était tacitement entendu qu'ils devaient s'assassiner à la première occasion, ce fut Sidi-Ély qui tua son rival d'un coup de fusil à bout portant et qui resta seul maître des Brakna, chargé envers nous de l'exécution du traité et notre fidèle allié.

    Seulement, au mois de juin 1859, ce roi des Brakna, n'ayant pas eu assez d'autorité sur ses tribus, pour les empêcher de faire une razzia dans le Djolof , pays auquel notre protection était acquise par les traités en question, une colonne de 650 hommes, commandée par M. le chef de bataillon Faron, des tirailleurs sénégalais, fut aussitôt chargée d'aller punir cette violation des traités.
    Le camp de Sidi-Ély, dont la position avait été reconnue et indiquée par M. Flize, directeur des affaires indigènes, chargé de donner au chef de la colonne les guides et les renseignements nécessaires, fut enlevé presque sans coup férir, grâce à la vigueur et à la rapidité de l'attaque.
    Cette sévère leçon eut pour résultat immédiat, de faire rendre par le roi des Brakna, tout ce qui avait été pillé, et de lui faire jurer pour l'avenir, la rigoureuse exécution des conditions du traité.

    Depuis cette époque, il n'a plus été commis aucune infraction à ces traités et les rois des Trarza et des Brakna s'efforcent, par tous les moyens en leur pouvoir, de maintenir leurs sujets dans les limites que nous leur avons assignées; cette tâche est quelquefois assez difficile, à cause des habitudes invétérées de pillage de ces peuples.
    Cependant, grâce à la bonne volonté des chefs et à l’ appui que nous leur prêtons, nous parviendrons certainement, avec un peu de persévérance, à mettre la rive gauche à Tabri des brigandages des Maures, même au-dessus de Podor.

    Le 15 septembre 1860, Mohammed-El-Habib fut assassiné par ses neveux, mécontents du traité de paix avec les Français, qu'il persistait à maintenir malgré eux.
    Son fils aîné Sidi, vengea son père, en tuant les coupables au nombre de neuf. Il nous assura immédiatement qu'il était bien décidé à respecter et à faire observer les conditions du traité, son seul désir étant d'être toujours d'accord avec nous. Sa conduite ultérieure a prouvé la sincérité de cette déclaration.

    Sidi et deux de ses frères de mère furent assassinés, en 1871 , par leurs sept frères, fils d'une autre femme de Mohammed-El-Habib, nommée Saloum. Mais ceux-ci, à leur tour, furent tués ou chassés par leur frère Ély, fils de Mohammed-El-Habib et de la reine du Oualo, Djimbotte, et depuis lors Ély règne sur les Trarza.

  • Guerre contre Al-Hadji-Oumar et ses adhérents 1855-1867

  • Expéditions de Nguik, Niomré, Sine, Saloum 1856-1861

  • Expéditions de la Haute et Basse-Casamance 1860-1865

  • Expéditions du Cayor 1861-1883

  • Expéditions contre les Sérère 1862-1883

  • Expéditions contre le Fouta 1862-1881

  • Campagnes de pénétration vers le Niger 1880-1885